Tome 2 : Chapitre 10

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20 Août 2020

Ken

Mes yeux refont inlassablement le même trajet depuis bientôt trente minutes. J'ai le ventre et le coeur décomposé. J'essaie de faire bonne figure quand je suis avec Jad, je bombe le torse, je fait semblant d'avoir les épaules larges mais la vérité c'est que je suis mort de peur. J'ai du mal à accepter que Naïm est entre la vie et la mort, c'est beaucoup trop injuste à mon goût, d'ailleurs j'ai le fond du palais amer rien que d'y penser.

La deuxième chose qui m'affecte profondément c'est l'état de Jad. J'ai l'impression de ressentir toute sa tristesse, c'est tellement noir que parfois il m'arrive de me demander si je serais assez fort pour elle. Puis j'oublie de suite cette option, elle atteint à peine mon cerveau qu'elle en ressort immédiatement. Bien sûr que je serais assez fort pour elle. C'est juste que...

Je sais pas quoi faire pour extérioriser toutes mes émotions. Je veux pas l'aider jusqu'à oublier ce que moi je ressens si c'est pour que je câble à mon tour et que je sois plus capable d'être là pour elle. C'est peut-être aussi de ma faute, à pas vouloir exposer ce que je ressens quand elle me le demande. J'ai bien trop peur de lui transmettre des ondes négatives en plus. Puis pour quoi faire, la mettre encore plus mal ? Je sais qu'elle n'ignore pas la tristesse qui m'habite et je sais que certaines fois, quand elle me prend dans ses bras, c'est moi qu'elle console alors je sais pas ce qui me bloque à mettre des mots dessus. J'attends son retour avec pas mal d'appréhension. Est-ce que son visage sera encore plus déformé par le chagrin ? Ou à contrario, est-ce qu'il affichera un soupçon d'espoir ?

J'espère de toute mes forces que la deuxième question sera celle qui me dira que ce n'est pas aussi préocupant qu'on ne le pense. Je m'en remet au karma pour une fois, je le supplie d'être conciliant, d'arrêter le massacre.

- T'as l'air au fond Nek.

La voix douce d'Edna me sors de mes songes, aussi sombres soient-ils. Bao trottine derrière elle et me salue poliment en anglais quand il arrive à mon niveau.

Jad nous l'a présenté le lendemain de son retour. Elle nous a préalablement parlé de sa situation, lui aussi il a morflé et moi comme tout le monde qui était présent ce soir-là on a souhaité qu'il trouve une forme de paix ici, meme si ce pays est loi d'être parfait. Alors on lui a fait une place, il ne parle pas un seul mot de français mais son anglais est impeccable et grâce aux nombreux voyages que j'ai fait ces derniers temps il m'est facile de communiquer avec lui. J'en suis encore à l'analyser, à essayer de le sonder mais je crois que sa bienveillance envers Jad est plus que sincère et pour ça, je le remercie silencieusement, pour le moment. Quand tout ce cauchemar sera un peu moins lourd, j'aimerai le remercier en personne d'avoir veillé sur la femme que j'aime et de l'avoir ramené ici en un seul morceau.

- Elle est à l'intérieur depuis combien de temps ? Me demande Bao en anglais.

- Je dirais trois quart d'heure, je lui réponds en tapant dans le poing qu'il me tends.

- Je crois que t'as besoin de te laisser aller, reprends Edna, en anglais aussi pour que Bao comprenne.

Ça me fait bizarre d'utiliser autant l'anglais ces derniers temps, surtout quand je partage la conversation avec mes amis que j'entends rarement parler une autre langue. Tout le monde essaie de faire des efforts pour Bao ou quand les conversations sont trop complexes et qu'il ne comprends pas, il y a toujours quelqu'un pour lui résumer ce qui est en train de se dire.

- Je suis pas censé de te le dire, mais ça inquiète Jad.

Je ferme les yeux en soufflant du nez. Évidemment qu'elle s'inquiète.

On Est Amoureux Qu'une Fois Où les histoires vivent. Découvrez maintenant