Tome 2 : Chapitre 12

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9 septembre 2020

Jad

Aujourd'hui niveau gestion des émotions, on peu dire que j'ai complétement lâché l'affaire. Je crois que Ken aussi d'ailleurs.

Pour commencer, je me suis réveillée en pleurs, un peu paumé. Avant-hier, le médecin de Naïm m'a contacté pour me prévenir qu'il s'était complètement réveillé. Hier ce sont ma mère et Shadia qui sont allé le voir et aujourd'hui, c'est au tour de Ken et moi. J'ai l'impression de me sentir comme un matin d'examen. J'ai peur, je suis excité, j'appréhende, j'ai hâte. En définitive, je ne gère plus rien.

Seulement voilà, Ken m'a tellement bien rassuré que je suis maintenant dans un état euphorique. Je l'embête, je blague, je fredonne des airs qui n'existent pas quand l'apprehension refait surface. Il arrive plus à suivre, je vois bien qu'il sait pas comment me prendre, c'est pas cool de ma part parce que je sais qu'il est pas non plus complètement serein. Alors j'essaie de faire redescendre la pression en m'installant sur le tabouret de la cuisine, histoire d'arrêter de m'agiter dans tout l'appartement. Il me sonde alors que je le regarde déjà, il ne sait pas à quoi s'attendre maintenant que j'ai arrêté mon cirque. Est-ce que je vais pleurer, faire une connerie, encore sortir une mauvaise blague, lui sourire ?

J'opte pour la dernière option quand il joint sa main à la mienne. Il est tellement beau.

- Tu te sens comment toi ? J'ose lui demander.

Je sais qu'il s'est efforcé de paraître fort pour moi quand on pensait Naïm entre la vie et la mort et même si j'ai fait en sorte qu'il ne mette pas trop sa peine de côté, je sais que tout ça le touche énormément.

- Je crois que j'ai hâte de le voir réveillé, histoire de me dire que c'est bien réel.

- J'espère qu'il n'aura pas trop de séquelles psychologique, je soupir en caressant le dos de sa main avec mon pouce.

- Il a la tête dure, je suis sûr que ça va le faire. Et puis le Doc a dit que les premiers test étaient très satisfaisants.

Il se lève pour mettre sa tasse dans l'évier et revient vers moi pour m'embrasser. Ses bras m'entourent entièrement, ils m'enveloppent de sécurité et c'est meilleur que n'importe quel médicament contre le stresse.

* * *

Je ne sais pas pourquoi j'hésite à rentrer dans sa chambre, surtout qu'il a changé de service et qu'il n'est plus en réanimation. Ça veut bien dire qu'il va mieux.

Mais c'est cette boule dans la gorge qui me bloque. Au fond, je le sais bien. Je vais à peine croiser son regard que je vais fondre en larme et j'ai pas envie qu'il me voit pleurer, il mérite un grand sourire.

La porte de sa chambre s'ouvre subitement, m'empêchant de penser à ce que je devrais faire ou ne pas faire. L'infirmière se fige quand elle se retrouve nez à nez avec moi puis me fait un large sourire.

- Vous êtes Jad ?

- C'est bien moi, je lui réponds en souriant tant bien que mal.

- Rentrez, Naïm vous attends avec impatience.

Elle me fait signe de rentrer dans la chambre avant d'en ressortir aussitôt. C'est peut-être pas plus mal comme ça, j'aurais été capable de gaspiller plusieurs minutes du peu de temps que je dispose avec lui. Avec les mesures covid, les visites sont limités à deux par après-midi, trente minutes chaques visite.

Du couloir, je n'aperçoit que son buste et ses mains qui tapottent contre sa jambe. Ce signe de vie, aussi insignifiant soit-il, réussit instantanément à soulager mon cœur. Alors je m'avance, doucement, comme si ce moment était précieux. J'arrive rapidement à la fin du couloir qui me donne une vue d'ensemble sur sa chambre et sur son lit. Plus de tuyau dans sa gorge, plus de bruit de ventilation artificielle, juste un petit bip et une perfusion relié à sa main. Et puis il y a lui, ses yeux de la même couleur que les miens, ceux de nos pères, entièrement ouverts et pleins de vie.

On Est Amoureux Qu'une Fois Où les histoires vivent. Découvrez maintenant