Miss-Parfaite et délinquante à problèmes (histoire lesbienne)

Chapitre 89

Je n'avais pas envie de rentrer. Il était seulement 2h, je n'avais pas sommeil, et surtout, je ne voulais pas croiser Ava. Pas maintenant alors que j'avais encore le goût de la cyprine de Samia dans ma bouche. Elle dormait sans doute, mais je ne voulais pas prendre le risque. Vu l'heure, Adam devait dormir, surtout après sa presque nuit blanche et son rencard de folie. Le seul réveillé à 2h du matin un dimanche soir, c'était JB. Et même si on avait cours dans quelques heures, je savais très bien où il était.

Il n'y avait pas grand monde dans la boîte lgbt le dimanche. L'ambiance était plus posée, et souvent c'était plutôt des couples qui y venaient pour passer une soirée calme sans grosse drague. Jean-Baptiste y allait souvent pour se retrouver un peu seul. Mon meilleur ami était compliqué, lui aussi. Il était d'ailleurs là, assis devant le comptoir, en train de siroter ce qui ressemblait à un mojito.

_ Hey toi.

_ Oh, Ef, hey.

Je m'assis à ses côtés et commandai une pinte, n'ayant pas trop envie de partir sur des cocktails vu mon état.

_ Déjà fini avec Samia ?

_ Ouais... Ça a duré quand même plus de quatre heures, j'étais morte à la fin...

Il se mit à rire.

_ C'est la vieillesse ça... ou la clope, je sais pas...

_ Connard... On a le même âge et on fume autant.

Mon meilleur ami haussa les épaules, et ma bière arriva au même moment.

_ T'as pas l'air en forme, Fifi.

_ M'appelle pas comme ça.

_ Rho, on est que tous les deux. Raconte à ton frère de cœur ce qu'il y a.

Je lui souris malgré tout, et entamai ma boisson. Je voulais lui en parler mais mettre des mots dessus m'effrayait vraiment.

_ Il me tarde la fin de l'année.

_ Ça, je le sais. On est deux.

_ Ouais... J'ai eu une idée pour le nom du salon.

Il me regarda, dubitatif. Il savait que j'évitais la conversation, mais n'en dit rien pour le moment.

_ Je t'écoute.

_ Le "LGB thé", avec thé la boisson pour le T. Tu vois ?

_ C'est cool. Pas très original, mais cool. On pourrait rajouter un truc par rapport aux livres, comme le " LGB thé littéraire".

_ Ou on part sur le "Li-Thé-raire" mais là ça fait pas trop lgbt.

_ Ouais et puis on est pas des coiffeurs, on va éviter les jeux de mots à deux balles.

On se mit à rire tous les deux, et j'étais heureuse d'être avec mon meilleur ami. Il ne manquait qu'Adam pour que je sois comblée.

_ T'as des nouvelles d'Adam, demandais-je alors?

_ Il est officiellement en couple et dort comme un bébé en pensant à sa douce.

Je souris, et JB avala une très longue gorgée de sa boisson. Il avait du mal avec son célibat, je le savais. Avec sa famille débile, il n'avait pas le droit d'être lui-même, alors pour combler le vide, il couchait à droite à gauche sans s'attacher. Il souffrait bien plus que moi des relations sentimentales. Pourtant, là, c'est lui qui me regarda avec un air peiné, et me dit d'une voix douce.

_ Allez, Effy, raconte moi. Qu'est-ce qu'il y a ?

Je pris une longue inspiration, avant de répondre.

_ J'ai couché avec Samia...

_ Mais... ?

_ Mais je n'ai pensé qu'à Ava...

Il me fixa, son visage trahissait aucune émotion.

_ Du genre, tu pensais à baiser avec elle ou tu pensais à elle genre... Je sais pas, explique.

_ Je pensais à elle nue, oui, évidemment... C'est la plus belle femme que j'ai vu, tu n'imagines même pas à quel point son corps est splendide.

_ Oh si, j'ai imaginé, t'inquiètes.

Je lui mis un coup dans les côtes, plus jalouse que je ne le pensais, et repris :

_ Mais j'ai aussi pensé à elle... émotionnellement ? C'est possible ça ? Genre... je me sens mal d'avoir couché avec une autre, j'ai l'impression de l'avoir trahie et déçue et je ne veux pas ça... Et me dire qu'elle pourrait aller voir une autre me terrorise. Je l'ai fait, alors elle pourrait clairement le faire aussi. Mais pourtant, je veux vraiment pas qu'elle couche avec une autre.

JB eut un petite sourire, et il commanda un nouveau cocktail. Il en sirota plusieurs gorgées avant de dire.

_ Tu te prends beaucoup trop la tête, Ef. Arrêtes de penser à ce qui pourrait se passer ou ce qu'Ava pourrait faire. Vous vivez ensemble pour encore six mois, ça laisse largement le temps de comprendre et d'accepter ce que tu ressens. Surtout que tu sais même pas ses sentiments à elle.

_ Mais JB... Elle est tellement... wawoo... alors que moi... Je suis rien à côté d'elle.

_ On s'en fiche de ça ! Et clairement, elle s'en fout aussi ! C'est juste des excuses, là.

Je soupirai longuement. Samia avait dit la même chose et j'avais l'impression d'être une adolescente niaise.

_ Écoute, Effy, c'est simple. Elle te plaît. Tu lui plaîs. Couchez ensemble, rigolez ensemble, continuez à jouer au chat et à la souris. Sérieux, vivez ! Et vous verrez ce qu'il se passe ensuite ! Ça sert à rien de mettre des étiquettes et des mots sur tout. Profite juste de votre amitié ++ et arrête de te prendre la tête avec tes sentiments.

Il avait raison. Clairement raison. Ça ne me ressemblait pas, d'agir ainsi et d'être aussi perdue.

_ Et puis, même si tu n'es plus une Don Juan qui enchaîne les meufs et que tu deviens une Effy amoureuse et fidèle, tu ne changeras pas vraiment. Tu seras toujours la débile prête à se taper avec des homophobes, qui tente d'arrêter de fumer au moins dix fois par an et qui taquine tout le monde. C'est elle, la Effy qu'on aime et dont on est fiers.

Je lui souris, touchée par ses paroles.

_ Quand tu dis "on", tu parles d'Adam et toi ?

_ Ouaip. Et aussi de Théa, Jade et Ava. Et d'une autre personne qui t'aime plus que tout au monde et qui détesterait te voir comme ça.

_ Qui ?

_ Moïra.

En entendant le nom de ma grand-mère, mon coeur rata un battement. Une larme coula sur ma joue, mais je l'essuyai rapidement.

_ Tu as raison. Merci, mon frangin.

_ Toujours là pour toi, frangine.

Je le serrai dans mes bras, heureuse. En quelques phrases, JB avait fait fuir toutes mes angoisses. J'avais vraiment de la chance de les avoir, Adam et lui. Notre famille de sang était importante, mais notre famille de coeur l'était peut-être encore plus.