Holding a Heart - Tome 1

Chapitre 83 - North Pole

CHAPITRE 83

Severus hissa sa valise dans la poubelle qui servait de véhicule à son père. Il regarda ce dernier tituber jusqu'à lui. Severus s'écarta, sans même chercher à dissimuler le profond dégout que son père suscitait chez lui. Il regarda ce dernier s'écrouler ivre mort sur le béton. Par Merlin, il était à peine sept heures du matin. Il enjamba ce qui lui servait de géniteur sans même s'inquiéter de l'inertie la plus totale de celui-ci. Libre à lui de faire un coma éthylique, mais il était hors de question qu'il rate le train. Et il y avait au moins trois heures de route entre Carbones-Les-Mines et Londres ! Sa mère sortait tout juste de leur austère petite maison. Il n'aurait su dire lequel des deux il haïssait le plus. Son père et son penchant pour la violence et l'alcool ou sa mère à l'humeur constamment maussade pour avoir choisi un tel mari.

– Il est ivre mort, annonça-t-il d'une voix où on ne décelait qu'un profond agacement.

– C'est ton père, tu pourrais faire preuve d'un peu de compassion ! s'emporta sa mère qui se précipita vers le corps de son mari.

– Je vais rater le train.

– Il ne respire plus ! s'écria-t-elle de sa voix nasillarde qu'il haïssait tant.

– Je vais...

– Va donc chez les Evans ! l'interrompit-elle visiblement rassuré de voir que Tobias Snape respirait encore. Ils vont déposer leur fille, ils peuvent t'emmener.

– Je...

– Je ne peux pas t'emmener et le laisser. C'est ton amie, elle peut bien te rendre service pour une fois !

Il se crispa. Non elle ne l'était plus ! C'était la deuxième rentrée, la dernière rentrée et les choses entre lui et Lily ne s'étaient pas arrangées. Il doutait d'ailleurs sincèrement qu'elles s'arrangeraient un jour. Mais peut-être qu'il pouvait tourner ce contretemps en un avantage. L'état de son père lui permettait de passer plus de trois heures dans une voiture avec sa meilleure amie. Les voyages rapprochent toujours les gens...

Tout du moins la plupart du temps. Ça n'avait pas été le cas pour Potter. Il ne put s'empêcher d'éprouver une certaine satisfaction en y pensant. Il s'en délecta même. Les semaines qui avaient suivi leur retour de l'Institut Salem avait été le sujet de toutes les attentions à Poudlard. Alors que les pronostics avaient annoncé que Potter et Evans reviendraient des Etats Unis mariés à Las Vegas, leur éloignement inexplicable avait provoqué une vague d'incompréhension. Certain disait que Potter avait eu une aventure avec une américaine, d'autres disaient que c'était Evans qui avait été gagné par la frivolité des américaines. Dans tous les cas, le résultat demeurait le même, les deux Gryffondors qui s'étaient tant rapprochés au cours de l'année, étaient désormais aussi éloignés que les deux pôles de la planète.

Il attrapa sa valise dans le coffre et se mit à courir, fuyant aussi loin que possible de l'Impasse du Tisseur et de cette famille qu'il méprisait. C'était la dernière fois qu'ils les voyaient. La fin de cette année marquerait la fin de son cauchemar. La fin de cette vie pitoyable. « Il » le lui avait promis. Il n'aurait plus à subir la violence de son moldu de père. Sa mère ne serait pas épargnée non plus. Traitre à son sang. Elle était tout aussi coupable. « Il » avait promis de faire disparaitre cette tare qu'était sa famille. Personne jamais ne saurait qu'il n'était pas de sang-pur. Il rejoindrait les rangs du plus grand sorcier de l'histoire magique et il débarrasserait la Terre de l'hégémonie de ces êtres inférieurs qu'étaient les moldus.

Il courut aussi vite qu'il le pouvait, essoufflé en sueur, maudissant la faiblesse de son corps. Il n'était certainement pas Potter, ce stupide tas de muscles ! Ce dernier aurait probablement parcouru avec un ridicule facilité les quelques pâtés de maisons qui le séparaient de la petite maison des Evans. La vie était injuste et James Potter se faisait toujours un plaisir de lui rappelait à qu'elle point elle l'était.

Lily grimpa à l'arrière après que Pétunia soit parvenue à ses fins par l'ingénieuse utilisation d'un caprice et de larmes digne de la plus grande comédienne d'Hollywood dans le seul but d'obtenir la place à l'avant de la petite voiture... Mais l'attention de la jolie rousse fut détournée de l'insupportable sourire victorieux de sa sœur. En effet dans le rétroviseur, elle vit la silhouette familière d'un garçon qu'elle avait pris soin d'éviter tout l'été.

– Papa démarre ! Vite ! s'écria Lily.

– Nous ne sommes pas en retard ma puce, ne t'inquiète pas, répondit calmement son père en tournant la clé pour mettre le contact.

Lily s'agita impatiente. S'ils partaient maintenant le garçon n'aurait pas le temps de les rattraper mais c'était sans compter sur Pétunia qui affichait désormais un sourire mauvais. Elle ouvrit délibérément la portière.

– Où est ce que tu vas ?

Cette question avait été prononcée par Lily et son père au même moment. Mais la première avait dit cela sur un ton furieux et impatient tandis qu'on ne lisait qu'une curiosité polie chez le second.

– J'ai oublié quelque chose, dit Pétunia qui prit un temps fou à descendre de la voiture.

– Espèce de petite... commença Lily hors d'elle comprenant parfaitement le petit manège de sa sœur.

– Lily ! la réprimanda sévèrement son père.

– Mais papa, elle...

– On ne sera pas en retard, ta sœur peut aller chercher ce qu'elle a oublié.

– C'est bon papa, intervint Pétunia d'une voix faussement résignée, se réinstallant dans son siège. Ne contrarions pas Lily, le jour où elle retourne à... comment ça s'appelle déjà ? Poux dans le lard ?

– Je vais t'en faire bouffer des poux espèce de...

– Les filles s'il vous plait, soupira leur père.

– ... sale truie ! termina Lily malgré tout.

Severus avait eu largement le temps de les rejoindre et interrompit la troisième guerre qui semblait s'amonceler dans l'étroit habitacle de la voiture.

– Oh Severus, je ne t'avais pas vu mon garçon ! Qu'est ce qui t'amènes ?

Le garçon parvint difficilement à expliquer la situation, le souffle coupé par la course effrénée qu'il venait d'effectuer. Lily l'entendit expliquer que leur voiture était en panne et demander s'il pouvait le déposer aussi. Le père accepta immédiatement malgré les gros yeux que Lily faisait, pour le plus grand plaisir de Pétunia qui pour la seconde fois ce matin était parvenue à gâcher la vie de la petite sorcière qui lui servait de sœur.

Severus hissa la valise dans le coffre et s'installa à coté de Lily qui semblait déterminée à l'ignorer, les bras croisés et le regard résolument fixé sur le paysage ennuyeux et insipide du Midland.

– Mon père était ivre, chuchota Severus, je...

– Tes problèmes ne me concernent pas Sev, tu te souviens ? Tu n'as pas besoin de l'aide d'une sang-de-bourbe, dit-elle sans même le regarder sur un ton si froid qu'il se retrouva tout comme Potter au pôle nord.

– Si tous les élèves ont les cheveux de Severus, je comprends mieux le « Poux » dans le nom de votre école, lâcha Pétunia visiblement satisfaite par son petit jeu de mot.

Le trajet allait être long.