7. Sa revanche.

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« Ou peut-être, plus sûrement, l'attirance entre deux personnes échapperait-elle toujours à toute rationalité. »

-Guillaume Musso, Un appartement à Paris

···

Aria. Rouen.

Bien que Milan n'était pas une partie plaisir, le retour à la réalité était brutal pour Aria. Elle avait pu se couper du monde en partageant son temps entre les cartons et ses séances de course à pied pour se vider l'esprit. Rouen était synonyme d'une routine qui n'en était d'ailleurs plus une. Tout allait être boulversé et bien qu'elle n'ait pas d'autre alternative, rester encore quelques jours dans cette ville, lui rappelait tout ce qui n'était plus.

Sa grand-mère, Alba, était décédée. C'était la seule ascendante qui lui restait. La jeune femme avait encore quelques jours pour débarrasser ses affaires et vider l'appartement qu'elle occupait. Après ça, un autre élément la retiendrait encore peu de temps à Rouen. C'était Nina, sa petite soeur. Aria n'avait pas pu se résigner à l'abandonner et à accepter son placement dans un foyer. C'était sa seule famille et elle ne pouvait se résoudre à s'en séparer. Elle allait alors la prendre avec elle, à Paris, où la jeune femme étudiait depuis quatre ans maintenant. Elle devait juste attendre que les procédures soient définitivement validées mais l'assistante sociale qui s'était occupée du dossier lui avait garanti qu'il ne devrait y avoir aucun problème même si cela représentait un changement conséquent pour la petite fille âgée de 8 ans. Cependant, il lui était impossible de faire autrement. Elle ne pouvait pas quitter ce qu'elle était en train de construire dans la capitale. Et les deux soeurs n'avaient plus aucune attache à Rouen, la ville où leur famille avait élu domicile en quittant l'Italie. Et Aria ne supporterait surtout pas de vivre dans une ville lui rappelant tant de souvenirs qui étaient encore trop douloureux.

La jeune franco-italienne allait donc devoir composer seule désormais, tout en assurant la charge de Nina. Elle se devait de penser avant tout au bien-être et à l'avenir de l'enfant. Et c'est dans cette optique qu'elle se leva encore aux aurores ce jour-là. Sa course matinale était un instant qu'elle s'accordait pour mettre tous ses problèmes dans un coin de sa tête. C'était son répit, le moment où elle pensait un peu à elle, où elle se ressourçait en poussant son corps chaque fois un peu plus loin.

Aria sortit du lit qu'elle partageait avec sa soeur en faisant attention à ne pas la réveiller. Elle la borda afin qu'elle puisse profiter un peu plus de son sommeil paisible puis enfila une tenue de sport pour se mettre en route. Bien qu'elle avait hâte de laisser toutes ces histoires derrière elle, la jeune femme savait que Rouen allait lui manquer alors qu'elle longeait la rive pour se diriger vers le centre de la ville. Elle retrouverait les quais et le même fleuve à Paris mais la forêt avoisinante créant une proximité avec la nature n'avait aucun équivalent à ses yeux. C'est là où elle aimait se rendre en premier lieu, à chaque fois qu'elle revenait voir sa grand-mère. Au début, Aria n'avait jamais imaginé quitter sa ville natale. Et pourtant, sa Nonnina, comme elle se plaisait à l'appeler, l'avait poussée à prendre son envol et à se donner les possibilités de voir plus grand, de rêver un peu plus. Elle s'était finalement faite à sa vie parisienne et l'appréciait d'autant plus que son meilleur ami, Thomas, la partageait à ses côtés. Pour subvenir à ses besoins et ne pas trop en demander à Alba, elle cumulait les petits boulots, après les cours ou le week-end, lui laissant peu de temps pour sa vie sociale. Qu'importe ! Thomas la soutenait et lui se libérait à chaque fois qu'elle pouvait se permettre de le voir. Aria avait également fait la connaissance de Lucie qui lui avait déjà prouvé qu'elle était d'une aide précieuse dans les coups durs. Et ces deux personnes suffisaient amplement à son bonheur.

La jeune étudiante souriait alors qu'elle courait dans la nuit noire en pensant à ses fidèles amis. Elle approchait de l'Île Lacroix, le point qu'elle s'était fixée pour bifurquer. Dans la brume matinale, elle distinguait une silhouette qui s'étirait à la lueur des lampadaires. Déjà-vu. Son cerveau devait être encore endormi et peu lucide, elle décida de maintenir son rythme de course sans se détourner de son objectif. Et pourtant, cette masse l'interpella. Elle sentait son regard sur elle alors, dans un dernier regret, elle tourna la tête pour porter ses yeux sur l'objet qui suscitait sa curiosité. Et puis, le choc qui frappa son esprit stoppa instantanément ses jambes. C'était lui. Un sentiment prédominait alors : l'incompréhension. C'était impossible à moins que... L'aurait-il suivie ? Il s'était rapprochée d'elle, comme pour s'assurer qu'elle était bien la même personne qui lui avait tournée le dos à Milan. Elle détailla alors son visage sur lequel elle lisait la même surprise qui s'était emparée d'elle. Non, cette rencontre n'était pas préméditée. Elle creusa alors un peu dans sa mémoire. Pierre Gasly. Le jeune rouennais remporte le premier grand prix de sa carrière à Monza. Des titres similaires avaient fait la une des journaux locaux pendant plusieurs jours à l'époque. C'était le sujet de toutes les discussions, montrant la fierté que les normands éprouvaient pour l'enfant prodige du pays. Il était originaire de la même ville qu'elle. Et elle n'avait à aucun moment pensé qu'elle pouvait se retrouver nez à nez avec lui. Sinon, au vu de leur passion commune pour le jogging très matinal, elle aurait sans aucun doute, changé ses habitudes.

Le destin. Ces derniers temps, il se permettait de jouer un peu trop avec ses nerfs. Et cela lui déplaisait. Elle n'avait pas vraiment de place dans sa vie pour l'imprévu. Tout ce qu'elle voulait, c'était retrouver un semblant de routine simple et coutumier, ce que la plupart des jeunes de son âge détestait sûrement. Mais dans cette situation, ça avait quelque chose de rassurant de mener une petite vie stable dont la veille ressemblait au lendemain. Et voilà que ce foutu destin, ce hasard, cette chance ou malchance, d'ailleurs, frappait encore à sa porte. Aria n'y croyait pas. Elle n'avait jamais cru à une puissance surhumaine qui influerait sur le cours des événements. Elle refusait de penser qu'elle ne pouvait pas être maîtresse de sa propre vie. Et pourtant... Pierre était là. Il la détaillait, scrutant la moindre parcelle de son visage. Elle se sentait vulnérable, ayant l'impression qu'il pouvait déterminer l'intégralité des pensées qui habitaient son esprit. Mais qu'est-ce qu'elle avait en tête d'ailleurs ? Elle soutint alors son regard pour essayer de le cerner en se plongeant dans ses yeux. Ils étaient, elle l'avait lu quelque part, la fenêtre de l'âme. C'était ridicule de penser à ça en cet instant. Et pourtant, tout semblait bienveillant dans ce bleu océan soutenu par un trait beaucoup plus foncé à l'extrémité. Un sourire était plaqué sur son visage, montrant qu'il était heureux de la retrouver alors qu'elle l'avait tout fait pour le fuir.

Le pilote prononça doucement son prénom, la tirant ainsi de sa rêverie.

"Impossible" murmura-t-elle, résumant ainsi toutes les réflexions qui se mêlaient dans son esprit. Pour lui prouver qu'elle ne rêvait pas, Pierre prit sa main dans la sienne. Elle était chaude et cela la réconforta sans qu'elle ne sache vraiment pourquoi. Aria n'avait simplement pas l'habitude de recevoir de douces attentions, elle qui avait plutôt un tempérament de solitaire et qui se plaisait à revendiquer son indépendance dès qu'elle en avait l'occasion. Et cela allait se concrétiser plus que jamais lors de ces prochains mois. Elle ne pourrait compter sur personne d'autre qu'elle-même et mettait un point d'honneur à accepter l'aide de ses meilleurs amis, seulement en cas d'unique dernière solution.

Elle ne savait que faire avec le garçon qui la fixait toujours aussi intensément. Elle s'était avouée vaincue à Milan mais la jeune femme avait désormais la sensation qu'une nouvelle manche commençait, ici, à Rouen. Et elle donnerait tout pour prendre sa revanche.

···
Et voilà le point de vue de Aria sur la situation pour commencer cette nouvelle semaine. On en apprend un peu plus sur son passé. On se retrouve jeudi pour LA discussion. Qu'est-ce qu'ils
vont bien pouvoir se dire ?

D'ailleurs, j'ai bien avancé dans l'écriture de la suite. J'ai été super prolixe ce week-end. Si j'arrive à tenir le rythme, je passerai peut-être à un chapitre tous les deux jours ou trois fois par semaine sur des jours fixes.

LE SOLEIL & LA LUNE - PIERRE GASLYOù les histoires vivent. Découvrez maintenant