« Il faudrait essayer d'être heureux, ne serait-ce que pour donner l'exemple. »
-Jacques Prévert
···
Aria. Paris.
La jeune femme regarda son reflet dans le miroir. Elle amena sa main gauche à son visage pour passer un peu d'eau dessus. Les derniers jours avaient été éprouvants. Après son agression de l'autre soir, elle avait dû se résoudre à se rendre aux urgences, tant la douleur était encore forte. Son bras avait été plâtré, l'obligeant à ralentir un peu le rythme de ses extras. Bien qu'elle ait des difficultés à être autonome, Aria essayait de voir le bon côté des choses : elle pouvait profiter un peu plus de Nina.
C'est ce à quoi elle pensait alors qu'elle tenait la main de sa cadette pour l'emmener à l'école. La petite fille sautillait en chantonnant, un sourire plaqué sur ses lèvres. Elle dégageait une joie à laquelle la franco-italienne tentait de s'accrocher, ça la motivait à continuer et à se battre pour lui offrir la vie qu'elle méritait. Qu'elles méritaient toutes les deux.
Aria s'approcha de la grille et se pencha à la hauteur de Nina qui déposa un bisou sur sa joue avant d'entrer dans l'établissement. Elle regarda sa soeur s'éloigner puis tourna le dos pour faire demi-tour et prendre le chemin de son bureau.
« Madame Gallo ? Aria se retourna pour voir qui l'interpellait. Elle découvrit une petite femme d'une cinquantaine d'années dont les cheveux étaient grisonnants. La maîtresse de Nina.
- Oui ?
- Bonjour, je peux vous voir cinq minutes ? demanda Madame Lenoble. La jeune femme se rappela de son nom.
- Euh, oui... Bien sûr. Il y a un problème avec Nina ?
- C'est assez délicat, à vrai dire ? Ca se passe bien à la maison ?
- Je crois oui. Elle fait ses devoirs avec application et je n'ai pas trop la sensation qu'elle ait beaucoup de retard avec le programme qu'elle suivait à Rouen, expliqua Aria.
- Mmmmh, acquiesça la jeune femme. Je vois. Ecoutez, je sais que votre situation est délicate et je pense que Nina doit vraiment être entourée. Je comprends pourquoi vous avez voulu la garder avec vous mais désormais, vous devez avoir en tête que vous n'êtes pas que sa soeur, vous êtes ce qui se rapproche le plus d'une figure parentale...
- Je ne comprends pas où vous voulez en venir, la coupa-t-elle.
- Ecoutez, Nina s'est battue avec ses camarades hier, avoua la maîtresse devant le regard choqué d'Aria. Et ce n'est pas la première fois qu'elle a des excès de colère. Il faudrait peut-être songer à l'emmener voir quelqu'un. C'est perturbant tout ce qu'elle a vécu ces derniers temps. Ca représente beaucoup de changement.
- Je... je... La jeune femme ne savait comment réagir. Vous savez ce qu'il s'est passé ? Pourquoi elle a réagi ainsi ? Ça ne lui ressemble pas !
- Vous savez, les enfants sont ultra sensibles et ils cherchent tous un moyen d'exprimer leurs traumatismes. Aria soupira, passant ses mains sur son visage. Quel cauchemar ! Elle ne s'était pas rendue compte que sa sœur était si perturbée par la situation. Je vais être plus vigilante. Et peut-être que dans un premier temps, vous pourriez essayer de lui parler, de comprendre pourquoi elle a agit ainsi. Vous comptez beaucoup pour elle, vous êtes présente dans la plupart de ses rédactions. Ne vous en faites pas, parlez à Nina et on refera le point ensemble. Nous allons trouver une solution pour que tout se passe au mieux.
- Merci, souffla finalement la jeune femme.
- C'est normal, je suis là pour accompagner mes élèves et faire en sorte qu'ils s'épanouissent. Ne baissez pas les bras Madame Gallo, ce que vous avez fait pour votre soeur est très courageux. Il faut que vous restiez unies. »
Aria hocha la tête avant de prendre congés. Tandis qu'elle prenait la direction de la bouche de métro, elle ne cessait de se repasser en boucle les mots de l'enseignante. Les larmes lui montaient aux yeux. Comment avait-il pu croire qu'elle arriverait à élever Nina correctement ? Elle devait se faire une raison, elle ne serait jamais à la hauteur de sa grand-mère qui avait tant fait pour elles deux. Elle avait su l'éduquer correctement en sachant se montrer à la fois accessible et autoritaire.
Aria culpabilisait une nouvelle fois. Et repenser à cette époque la rendait nostalgique. C'était tout un monde qui lui manquait, à commencer par son père, lui qui l'avait quittée il y a déjà près de 15 ans. La jeune femme avait peu de souvenirs avec lui. Mais elle avait en tête les sourires figés sur le papier glacé des photos et on lui avait raconté toutes les histoires qui y était liées. Ces souvenirs lui offraient la possibilité d'échapper à la triste image qu'elle gardait de son père lors de ses derniers mois de vie, alors que le cancer gagnait le combat auquel il était livré. Elle préférait garder le visage souriant et rieur de son papa en tête.
Et puis, après cette bribe de vie, lui revenait forcément les yeux verts de sa maman dont elle avait hérités. Là encore, elle mettait un point d'honneur à garder un beau souvenir d'elle. Ses longs cheveux épais d'un noir de jais qu'elle aimait peigner. Son regard qu'elle passait des heures à admirer. Mais également ses gestes qui lui paraissaient toujours élégants et doux. Cette description qu'Aria souhaitait garder en tête à tout prix contrastait fortement avec ce que sa mère présentait avant de mourir, comme si sa joie de vie s'était éteinte. La jeune femme chassait de son esprit les cheveux ternes et abîmés, la peau fatiguée, les ongles cassés et tout ce qu'elle se refusait à associer à sa mère.
***
Nina accourut et prit sa soeur par la taille pour se blottir contre elle avant de glisser sa main dans la sienne. En rentrant, Aria lui prépara un bon chocolat chaud en suivant la recette traditionnelle de sa Nonnina. Elle s'installa aux côtés de sa cadette, et après avoir tourné et retourné la question dans sa tête, elle se jeta à l'eau.
« Alors, tu as passé une bonne journée à l'école aujourd'hui ? La petite hocha la tête alors que des moustaches de lait se dessinaient au-dessus de ses lèvres. Nina, écoute, ta maîtresse m'a dit que tu avais eu un petit problème avec les autres élèves cette semaine... avança-t-elle. Elle vit instantanément le regard de sa cadette se fermer. Je veux juste comprendre, tu sais, pas te disputer.
- Je sais que c'est pas bien, tu me l'as assez dit avec grand-mère...
- Alors pourquoi tu as fait ça ? demanda-t-elle finalement.
- Parce que...
- C'est pas une réponse ça Nina.
- Ils ont été méchants avec moi ! Elle avait les larmes aux yeux. Le coeur d'Aria se sera instantanément.
- Qu'est-ce qu'ils ont fait ?
- On devait faire un arbre généalogique et... Et, j'ai dessiné maman, grand-mère et puis toi. Ils m'ont demandé pourquoi je n'avais pas mis mon père. J'ai dit qu'il était parti, il y a longtemps. Alors, ils ont commencé à rire en disant qu'il ne m'aimait pas et que c'était pour ça qu'il était parti. Et puis, ils ont dit qu'ils n'avaient jamais vu ma maman à l'école alors qu'elle ne devait pas m'aimer beaucoup et que ça se trouve, la personne que j'avais dessinée, elle existait même pas ! Elle pleurait à chaudes larmes.
- Oh, Nina... soupira Aria en la berçant pour tenter de la consoler. Tu sais que maman t'aimait. Elle t'aimait plus que tout. Elle était un peu triste avant que tu naisses, et quand tu es arrivée, tu lui as redonné le sourire, petit ange. Nonnina t'aimait aussi, et tu sais à quel point c'est vrai. Et moi, j'espère que tu n'en doutes pas. Ne les laisse pas douter de l'amour qu'on te porte. Elle sécha ses joues.
- Et papa ? Tu crois qu'il m'aimait ? demanda Nina d'une petite voix. »
Aria se pinça les lèvres. Que répondre à cette petite fille innocente ?
···
Et voilà, on commence à creuser un peu le personnage de Nina. Aria a beaucoup de choses en tête... Et Pierre dans tout ça ? Réponse dans le prochain chapitre...
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LE SOLEIL & LA LUNE - PIERRE GASLY
RomanceLui est pilote en F1 et ne pense qu'à travailler pour son avenir. Elle est étudiante et a tout perdu. Ou du moins, elle a beaucoup perdu et elle vit pour échapper à son passé. Une frontière sépare leurs deux mondes. Mais pourtant, ils se rencontrent...