LE SOLEIL & LA LUNE - PIERRE GASLY

9. Le flou.

"I've been looking so long at these pictures of
You that i almost believe that they're real i've
Been living so long with my pictures of you that
I almost believe that the pictures are all i can
Feel"

-The Cure, Pictures Of You

...

Nina. Monaco.

Une musique entêtante sur laquelle leurs sifflotements joyeux se mêlaient. Parfois, ils poussaient un peu plus leurs voix pour fredonner le refrain avec plus d'entrain.

Des pas de jambes qui faisaient grincer le vieux parquet. L'un entraînant l'autre sur le son rythmé.

De la farine éparpillée sur le bar et sur leurs visages. Le bruit régulier du couteau qui éminçait les ingrédients contre la planche en bois.

L'odeur des légumes et des épices qui frémissaient dans la poêle en arborant une robe dorée.

Tant d'éléments qui ramenaient inlassablement Nina des années en arrière. La musique. Le parquet. Les sons et les odeurs d'une cuisine où régnait l'amour, le partage et la bonne humeur.

L'enceinte cracha un morceau plus doux qui contrastait avec la playlist qui avait été lancée depuis le début de la préparation. Pierre coupa le feu et éloigna la poêle des plaques. Il contourna le bar pour s'approcher de Nina qui coupait les derniers ingrédients et lui présenta ses mains. Elle y glissa ses doigts et il l'approcha de son torse pour l'entraîner dans une danse de couple. Le châtain la faisait tourner inlassablement jusqu'à ce qu'elle en ait le tournis et qu'elle soit obligée de passer ses bras autour de son buste pour tenir debout. Elle contempla ses yeux bleus océans qui transpiraient la sincérité et après un regard complice, elle plaça ses pieds sur ceux du pilote, comme lorsqu'elle avait encore dix ans à peine. Les lèvres de son partenaire s'étirèrent en constatant ce geste de tendresse qui lui montrait qu'elle n'avait oublié aucun des moments qu'ils avaient partagés.

« Merci Pierre, dit-elle simplement. Il l'interrogea du regard pour essayer de déceler la raison qui la poussait à prononcer ces mots à ce moment. Elle entreprit alors d'expliquer sa pensée. J'étais déjà sûrement trop vieille à l'époque pour faire ça, avoua-t-elle avant de préciser. Pour danser sur tes pieds.

- Il n'y a pas d'âge pour ça.

- Je... C'étaient les images que toutes les petites filles avaient avec leur papa dans les livres que je lisais ou dans les films que je regardais. Et... Elle avala sa salive, ne sachant pas vraiment pourquoi elle exprimait à haute voix ce qu'elle avait toujours gardé pour elle.

- Ninouche... Je comprends. Et tu sais très bien que je serai toujours tout ce que tu as besoin que je sois.

- Ce que je veux dire Pierre, c'est que... Même si je suis obligée de vivre avec lui, avec... mon père, dit-elle difficilement, et qu'on arrive à s'entendre, toi tu resteras toujours mon équipier. Et surtout, le seul qui a eu des airs de papa. Pierre semblait touché par ses mots. Enfin pas seulement des airs... Se reprit-elle. Mais tu vois ce que je veux dire.

- Ninouche... je comprends, affirma-t-il. Sache que... Il sembla hésitant, si j'avais un enfant, souffla-t-il finalement, je serai fier que tu sois sa sœur. Tu auras toujours une place dans ma vie et dans mon cœur. C'est pas négociable. Je ne vois pas les choses autrement, répéta-t-il plus fermement. La jeune fille ne trouva rien d'autre à faire que hocher la tête. Une larme roula sur sa joue et Pierre l'essuya doucement. Ne l'oublie jamais, ajouta-t-il. »