35. La lune.

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« Sa belle humeur gardait une vaillance superbe ; et elle riait pour combattre l'épouvante qu'elle sentait grandir autour d'elle [...]. Et elle continuait à rire, de son rire enfantin, les yeux clairs, la face heureuse. »

-Emile Zola, L'inondation

···

Aria. Monaco.

La jeune femme était impressionnée par l'immensité de la vue qui s'étendait face à elle. La ville était plongée dans une nuit noire et Aria, accoudée sur le balcon de la chambre qu'elle occupait, était fascinée par les points lumineux qui s'agitaient donnant du mouvement au tableau. La lueur des lampadaires se reflétait dans les vagues dont elle pouvait entendre le clapotis. C'était agréable, apaisant. Et puis, il y avait ces étoiles qui décoraient le ciel. Il y a quelques semaines, elle aurait eu peur d'affronter cette immensité. Elle avait été plongée dans le noir et les astres ne faisaient que lui rappeler tout ce qu'elle avait perdu sans aucun espoir de parvenir à les saisir pour reprendre le contrôle de sa vie. Aujourd'hui, elle leur donnait une nouvelle symbolique. Ils étaient des guides, des anges-gardiens qui lui permettaient d'avancer et d'affronter la vie plus sereinement. Après tout, ils avaient mis Pierre sur sa route.

Aria ne pouvait s'empêcher de se remémorer le regard qu'il avait porté sur elle quelques heures auparavant. Il était empli de bienveillance et de confiance. Il s'était mis à nu en lui révélant ses pensées les plus profondes, tout comme elle l'avait fait après son accident. Ils s'étaient livrés l'un à l'autre. Et puis, alors qu'ils partageaient ce moment de communion, le jeune homme avait fixé ses lèvres avec envie. Elle les avaient vues s'approcher et cela lui avait semblé une éternité. Impatiente, elle avait attendu qu'il dépose sa bouche rosée sur la sienne. Et puis finalement, rien. La frustration. Elle toucha inconsciemment sa bouche en repensant à ce qu'elle avait ressenti. Et désormais c'était la panique qui l'envahissait alors que ce souvenir lui revenait en tête. Est-ce que s'il avait agit ainsi, cela voulait-il dire qu'il éprouvait quelque chose pour elle, semblable à ce qu'elle pouvait elle-même ressentir bien qu'elle était incapable de les définir ? C'était fort. Et c'était impossible de lutter contre cette attirance. Mais qu'en attendait-il ? La brune souffla longuement pour essayer de reprendre le contrôle de sa respiration. Lâcher-prise. Profiter de cette plénitude qui l'envahissait.

Elle jeta un œil à travers la baie vitrée. Dans la pénombre, elle parvenait à distinguer sa petite sœur qui dormait paisiblement en travers de l'immense lit. Nina était épuisée du week-end prolongé qu'elle venait de passer à découvrir un nouveau monde et à sympathiser avec les petits-enfants Gasly. La plus grande se nourrissait du calme qui se dégageait de la respiration régulière de la cadette. Et elle s'attarda de nouveau sur l'horizon, laissant ses pensées dans un coin de sa tête.

Le cliquetis de la serrure brisa le silence ambiant. Aria ne détourna pas les yeux de l'horizon. Elle entendit alors la porte vitrée coulisser et frissonna lorsqu'une veste atterrit délicatement sur ses épaules. Bien qu'agréable, la nuit était fraîche mais fascinée par la vue, la franco-italienne n'avait pas eu cœur à rentrer pour briser cet instant.

« C'est magnifique, n'est-ce pas ? Elle hocha la tête à la question du pilote. Voilà qu'elle n'avait plus de voix. Aussi beau que ce que tu as pu admirer dans mon motorhome ? se moqua-t-il en faisant référence à son moment d'égarement lorsqu'elle avait fixé son torse sculpté alors qu'il sortait de la douche avec ses cheveux en bataille encore humides. J'aime quand tu rougis, murmura-t-il finalement à son oreille. »

LE SOLEIL & LA LUNE - PIERRE GASLYOù les histoires vivent. Découvrez maintenant