LE SOLEIL & LA LUNE - PIERRE GASLY

15. Son rôle.

"I know what it means to be alone,
I sure do wish I was at home.
I don't care what the neighbors say,
I'm gonna love you each and every day."

-Led Zeppelin, Good Times Bad Times

...

Pierre. Dans les airs. Entre Silverstone et Monaco.

Ses yeux étaient posés sur la blonde qui s'était endormie à ses côtés peu de temps après le décollage. Depuis qu'il l'avait surpris la veille, fumant une clope, il commençait à se demander si la prendre avec lui était finalement une bonne idée. Il s'était occupé d'elle par intermittence durant sa relation avec Aria mais avec ses nombreux déplacements, il n'était jamais présent à plein temps. Comment avait-il pu croire qu'il serait apte à gérer une adolescente qui était perdue ? Il ne voulait pas que son séjour la desserve plus que ne lui vienne en aide.

Pierre comprenait maintenant les difficultés de la brune qui devait jouer tous les rôles à la fois, surtout face à lui, qui héritait souvent du beau rôle de médiateur ou de tonton cool. Il se promit de faire preuve d'un peu plus d'autorité à l'avenir. Après tout, elle était sous sa responsabilité. Il regrettait de ne pas l'avoir laissée s'exprimer sur les raisons qui l'avaient poussée à demander cette cigarette et se nota mentalement de reprendre cette discussion lorsqu'ils seraient tous les deux plus reposés. Ils avaient toujours eu une bonne conversation tous les deux, à échanger sur une tonne de sujets sans aucun tabou. Mais c'était avant... Peut-être que tout avait changé. Le châtain poussa un long soupir, ce qui eut pour effet de sortir son compagnon de route de sa rêverie.

« Tu étais parti loin, fit remarquer le français.

- Ouais, désolé, répondit Charles tandis que son ami leva les sourcils pour montrer qu'il n'y avait aucun mal. Le monégasque se redressa dans son siège et regarda Pierre qui surveillait Nina. Alors, c'est comment d'avoir une ado à la maison ?

- Pour l'instant ça va... avoua-t-il. Ce n'est que le début mais elle a l'air contente d'être avec moi. Et je suis heureux qu'elle ait pensé à moi pour venir se réfugier et trouver un peu de réconfort.

- C'est pas trop dur à vivre pour toi ? demanda-t-il en pinçant les lèvres comme s'il appréhendait sa réaction.

- Tout le monde s'en inquiète apparement... souffla Pierre.

- A juste titre, non ? souligna son ami. On s'est tous inquiété quand... Enfin...

- Quand on s'est séparé avec Aria ? compléta le français.

- Ouais... Et puis tu as tout gardé pour toi. Vous avez coupé les ponts pendant presque deux ans et là, tu héberges sa soeur. C'est pas rien.

- J'aime Nina. J'ai simplement peur de ne pas réussir à l'aider, avoua-t-il.

- Arrête Pierrot ! Tu es super. Et elle te fait confiance ! remarqua Charles.

- Je l'ai trouvée en train de fumer hier... confessa le châtain.

- Quoi ? Mais elle a genre dix ans ! s'exclama-t-il en riant.

- Quinze en fait, rectifia-t-il. Mais c'est pas beaucoup plus.

- Tu la récupères en pleine crise d'ado quoi !?

- T'es prêt à connaître ça ? se moqua Pierre. Charles et sa compagne attendaient un enfant pour la fin du mois de novembre.

- Ah. Ah. Ah. Un bébé, ça ne fume pas. Ça ne boit pas. Ça n'a pas de petit copain curieux. Je suis tranquille avant au moins vingt ans, dit-il en baillant et en passant ses mains derrière sa tête.

- Un bébé, ça avale tout ce que ça trouve, ça touche à tout et c'est encore pire quand ça commence à marcher à quatre pattes !

- T'es très rassurant là, le remercia le monégasque. J'avais oublié à quel point t'es un vrai pote !

- Mais ça va bien se passer, t'inquiètes ! J'ai vraiment aucun doute là-dessus. Il perçut un brin de panique dans les yeux verts de son ami. Tu stresses à l'idée de devenir papa bientôt ? demanda-t-il plus sérieusement.

- Tu veux quelle version ? rit-il nerveusement. L'officielle ou l'officieuse ?

- Il n'y a que la vérité qui m'intéresse, sourit Pierre.

- Je suis terrifié, répondit le monégasque du tac au tac. Enfin, la majorité du temps. Je me dis que c'était pas le bon moment. J'ai peur de ne pas être là pour sa naissance, d'être en train de conduire ma foutue voiture, de louper une grande partie de sa vie, de ne pas être à la hauteur. Je me pose plein de questions. Je me suis mis à lire des articles et à regarder des tutos ! Le français laissa échapper un rire face aux aveux de son meilleur ami. Mais quelques fois, j'imagine nos instants de bonheur. Je me vois le ou la porter, sentir son odeur, lui donner le biberon, lui montrer ma voiture rouge. Je nous visualise tous les trois, nous baladant sur la plage, dans les bras de ma mère ou jouant au foot avec mes frères et toi. Devenir le chouchou ou la chouchoute de la bande de Monaco. Ses yeux étaient brillants d'espoir. Et dans ces moments-là, j'ai hâte. Vraiment. Je suis super excité à l'idée de vivre cette aventure. Et je sais que la joie que je me représente ne sera jamais comparable à celle que je vais ressentir !

- Ça va être chouette, affirma Pierre. Je suis vraiment content pour toi. Pour vous deux.

- Par contre, je t'interdis d'en faire un ou une fan du PSG ! Protesta-t-il. Nous, on est monégasque.

- C'est dommage, j'ai déjà acheté un super body pour la baby shower. Et je lui ai déjà pris un abonnement au Parc pour fêter ses dix ans.

- Je suis sûr que tu peux encore te faire rembourser. Ça serait mieux parce que sinon il va finir au fond du placard, jamais porté.

- C'est le premier truc que je lui mettrai quand tu me le ou la laisseras parce que tu voudras récupérer tes heures de sommeil, répliqua le français. Je lui apprendrai l'hymne de la France aussi pour que ton enfant sache ce que ça fait de vivre une Coupe du monde.

- C'est gentil de te proposer pour le babysitting mais si ce sont tes conditions que je crois que tu ne seras pas en haut de la liste.

- Mon but, c'est simplement de lui apprendre la vraie vie, à ce petit monstre, tu vas voir !

- C'est vrai que tu as déjà de l'expérience en la matière, t'es un super tonton, sourit Charles.

- Il paraît, souffla-t-il. »

Le regard de Pierre dévia pour se perdre à travers le hublot. Tonton. Il était honoré d'apprendre que son ami voulait qu'il soit présent aux côtés de son fils ou de sa fille. Il aimait beaucoup les enfants et adorait passer du temps avec ses neveux et ses nièces qu'il voyait trop peu à son goût. Il avait également tenu à consacrer des moments à Nina lorsqu'il la côtoyait plus régulièrement. Mais ce terme d'oncle le renvoyait à ce qu'il n'avait pas réussi à construire avec Aria alors qu'il le désirait tant. Une famille. Il y avait cru pendant un temps. Tous les trois en avaient l'air pourtant. Ils étaient tellement unis et soudés. La séparation avait été difficile à croire pour tout leur entourage mais c'était sans doute parce qu'ils avaient tu les raisons qu'ils préféraient tous les deux oublier.

Il chassa cette pensée de son esprit rapidement. Son rôle aujourd'hui était de se concentrer sur l'adolescente et de lui permettre de surmonter ce qui l'attendait. Être focalisé sur l'avenir. Et dans son futur, il y avait désormais Paola. Et aussi, il en était persuadé depuis six ans maintenant, Nina.

...
Bonne journée.