25. À contre-courant.

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« Moi, ça a toujours été les silences qui me convainquent. »

-Jean Giraudoux, Electre

···

Pierre. Milan.

Une sonnerie stridente vint déchirer le calme paisible dans lequel était plongé l'appartement. Le jeune homme s'étira alors et saisit son téléphone pour couper le réveil qui s'était révélé inutile. Cela faisait un moment que ses yeux refusaient de se fermer à cause des idées qui venaient parasiter son esprit. Il se leva alors, déterminé à accomplir ce qu'il avait prévu. Il évoluait dans la pénombre de l'appartement pour se préparer tout en élaborant plusieurs scénarios dans sa tête. Pierre savait ce qu'il voulait, et il s'était toujours battu pour l'obtenir. Il claqua alors la porte et s'élança dans la nuit qui offrait un ciel dégagé.

Il suivit son parcours sans jeter un œil aux monuments qu'il appréciait tant d'ordinaire. Il resta concentré sur son objectif et lorsqu'il arriva à destination, une frustration l'envahit brusquement. Aucun bruit ne venait perturber le silence de la scène. Aucun mouvement ne se dessinait à l'horizon. Était-ce possible qu'il se soit trompé ? Il regarda sa montre un instant et quand il leva les yeux, son regard fut interpellé par ce point lumineux qu'il avait tant espéré apercevoir de nouveau. Pierre le fixait et au fur et à mesure qu'il grossissait, une douce chaleur vint se répandre dans son corps et réchauffer son cœur.

« J'espérai que tu respectes notre tradition, sourit-t-il finalement lorsque la silhouette s'arrêta à son niveau. La jeune femme haussa simplement les épaules et reprit son rythme de course, rapidement suivie par son fidèle compagnon d'entraînement. Tu vois, reprit-il, on vit peut-être dans deux mondes différents, mais ils n'arrêtent pas de se croiser.

- C'est bien ça le problème Pierre, ils ne font que se croiser. Je ne suis pas sûre qu'ils prennent un jour la même direction.

- Aria...

- Regarde, elle le coupa, on va faire deux petits tours du plan d'eau ensemble et puis tu vas repartir vers le nord, en ville, et moi, je bifurquerai vers le sud, à l'opposé.

- Et si tu m'emmenais découvrir ton monde pour une fois ? Je pourrais faire un pas dedans, traverser cette frontière que tu dresses.

- Tu veux dire plus que tu ne l'as déjà fait ? répliqua-t-elle sèchement en arrêtant sa course pour lui faire face.

- C'est pour ça que je te le demande cette fois, répondit-il calmement, ne voulant pas la vexer à nouveau.

- Je... Je ne comprends pas pourquoi ça te tient autant à cœur.

- Parce que je veux revoir Nina, lança-t-il malicieusement.

- Elle va être jalouse si elle apprend que je t'ai vu, je lui ai expliqué que je n'étais pas sure que ça arrive encore. Mais elle n'est pas avec moi. Personne ne m'attend à la maison... Elle hésita. Tu es sûr que tu as le temps de m'accompagner ?

- Évidemment. Moi aussi, personne ne m'attend à la maison, souffla-t-il. »

Pierre ne savait pas si c'était la réponse qu'elle attendait, si c'était l'information qu'elle cherchait à obtenir. Elle hocha finalement la tête et ils reprirent leur entraînement en longeant tous les deux le fleuve. Le pilote n'osait pas briser le silence apaisant qui s'était installé en demandant combien de kilomètres les séparaient encore du domicile de la jeune femme. La distance qu'ils avalaient ne faisait que renforcer l'admiration qu'il lui portait. Elle faisait ce trajet tous les matins lorsqu'elle était ici, se levant inlassablement à l'aube pour libérer son esprit.

LE SOLEIL & LA LUNE - PIERRE GASLYOù les histoires vivent. Découvrez maintenant