LE SOLEIL & LA LUNE - PIERRE GASLY

29. Illuminer.

"How could we not talk about family when family's all that we got?
Everything I went through you were standing there by my side
And now you gonna be with me for the last ride"

-Wiz Khalifa ft. Charlie Puth, See You Again

...

Aria. Monaco.

La jeune femme fixait le plafond. Incapable de fermer les yeux plus de quelques minutes. Elle était enveloppée dans le parfum de sa sœur et il lui était impossible de ne pas penser ne serait-ce qu'un instant à elle. Était-elle réveillée ? Est-ce qu'elle paniquait dans cet environnement inconnu ? Est-ce qu'elle se sentait seule ? Est-ce qu'elle allait bien ?

Aria se tournait et se retournait à la recherche d'une position qui pourrait l'endormir instantanément. Comme par magie. Et elle pourrait ainsi oublier quelques temps le cauchemar qu'elle était en train de vivre. Rien ne devait arriver à Nina. Ou elle ne le supporterait pas.

Sa sœur occupait ses pensées et l'empêchait de trouver le sommeil. Mais un coin de sa tête était aussi intrigué par la lettre que Pierre lui avait confiée. C'était loin d'être son genre. Il avait pris le temps de coucher sur le papier ce qu'il avait ressenti à une période où ils ne se comprenaient plus en sachant très bien l'importance que Aria donnait aux mots qu'elle choisissait toujours avec soin.

Elle soupira puis tâtonna le meuble de nuit pour allumer la petite lampe de chevet. Elle s'installa contre la tête de lit et attrapa l'enveloppe sur laquelle figurait son prénom. Elle hésita un instant avant d'en sortir le papier qu'elle déplia délicatement. Ses doigts frôlèrent la lettre pour la parcourir rapidement. Des dates. Les dates qu'elle avait consignées dans son carnet. Le déclin de leur histoire.

7 juillet 2026. "Vous êtes ma famille". C'est tout ce que j'ai toujours voulu fonder. Vous étiez parfaites. J'ai tellement eu de chance de vous avoir trouvées. Et que vous ayez accepté de m'intégrer à votre famille. Nous avions renoncé au projet d'adopter Nina. Mais pas un jour ne s'est passé sans que je sois fier qu'on me prenne pour son papa et toi, pour sa maman, même si cela était difficile et bouleversait ton petit coeur. Une place que tu ne voulais pas prendre. Une personne que tu aimais que tu ne voulais pas remplacer. J'avais retrouvé l'atmosphère chaleureuse de mon enfance. J'avais atteint le modèle de mes parents. Et la famille, c'est pour l'éternité.

Pour l'éternité. Ces mots étaient puissants et surtout, ils étaient vrais. Ils s'étaient retrouvés. Deux ans après. Pour le bien d'un membre de leur famille. Et c'était là que résidait leur force. Dans l'unité. Et dans l'attention qu'ils portaient aux autres. Une équipe. Soudée. Par les années. Par les difficultés. Par l'amour.

12 juillet 2026. "Et j'ai assisté, impuissant, à l'effondrement de notre monde". Je crois que j'avais essayé d'oublier cette journée. Et que jamais avant de relire tes mots, je ne me l'étais remémorée. Je me souviendrai toujours de ton regard de détresse, effondrée dans cette salle de bains. On m'a appris à garder mon sang-froid dans chaque situation. On m'a appris à réfléchir. À agir correctement. Mais il m'était impossible de mettre en pratique tout ce que j'avais acquis. "Ça va aller". Des mots qui m'étaient surtout destinés. Je voulais me rassurer sur le fait que j'étais capable de m'occuper de toi. De gérer. De t'épauler. On n'avait aucun contrôle sur la situation. Quelque chose que nous détestons tous les deux. Il fallait qu'on s'habitue à l'inconnu. Et j'avais peur de ne pas être à la hauteur car je ne savais pas gérer cette peine. J'avais toujours imaginé ma vie avec des enfants qui grandiraient autour de moi. Mais cette perspective était si lointaine. En quelques secondes, voilà qu'elle avait été concrétisée et qu'on me l'avait enlevée. Je n'avais même plus le contrôle de mes émotions. Et rien ne nous permettait de reprendre la main. C'était une chute libre. Sans parachute. Sans attache. Sans aucun élément positif auquel se raccrocher.