LE SOLEIL & LA LUNE - PIERRE GASLY

47. Tenir debout.

« J'ai reconnu le bonheur au bruit qu'il a fait en partant. »

-Jacques Prévert

···

Aria. Paris.

Elle était là. Nina était rentrée à la maison. Le soulagement qui envahit le corps d'Aria était indescriptible, il se traduisit par des petits tremblements et des larmes naissaient déjà au coin de ses yeux. Elle n'avait jamais été aussi émotive que ces derniers temps et elle s'en voulut instantanément de culpabiliser de montrer sa fragilité et tout l'amour qu'elle portait à sa cadette. Mais son euphorie disparut bien vite lorsqu'elle s'approcha d'elle à bras grands ouverts pour la serrer contre elle et que sa sœur l'intima de se raviser. Elle porta un regard froid et toujours aussi vide que quand elle l'avait quittée vendredi. Son visage était fermé, ne laissant rien transparaître hors mis la colère qu'elle intériorisait. L'atmosphère était pesante. Pourquoi était-elle ici si ce n'était pour se réconcilier ?

« Tu es toute seule ? commença finalement la brune, décidée à mettre fin à cet instant qui s'annonçait des plus désagréables.

- Non, Lucie est partie chercher un truc à manger. Elle pensait que tu aurais faim après le trajet. Mais je crois qu'elle voulait surtout nous laisser toutes les deux...

- Tu rentres à la maison ? Elle retint son souffle.

- Je sais pas. Au moins, ce n'était pas un refus catégorique. Aria détourna le regard ne sachant ce que sa soeur attendait d'elle. Je suis perdue, avoua finalement Nina. J'ai plein de questions et je crois qu'il n'y a que toi qui puisses y répondre.

- Je suis là pour t'aider, je ferai mon maximum.

- Tu me diras la vérité cette fois ? La franco-italienne se mordit la lèvre inférieure. Elle avait tellement déçue sa cadette qu'elle n'avait même plus confiance en elle.

- Oui. Elle ne voulait pas user du terme 'promesse' qui avait déplu à Nina pour montrer qu'elle avait écouté ses paroles. La fillette hocha la tête, l'air entendu.

- Qu'est-ce qui ce serait passé si Mamie ne m'avait pas prise avec elle ?

- Tu serais allée en foyer ou en famille d'accueil.

- Pourquoi je n'ai pas pu être adoptée et être emmenée loin de cette famille comme Pauline qui était dans ma classe l'année dernière ? Les pansements que Pierre avait essayé de coller sur le coeur de la jeune femme durant ce week-end s'arrachèrent d'un seul coup. Violemment. La douleur était pire que les coups de poignards qu'elle avait reçus lors de la première discussion avec sa soeur.

- Tu... Elle se ravisa de lui demander si c'était ce qu'elle aurait préféré. Le juge a décidé que ton père avait encore l'autorisation de te surveiller, même s'il était en prison. Tant qu'il était vivant, personne ne pouvait t'adopter, essaya-t-elle de synthétiser.

- Et pourquoi Mamie m'a prise avec elle ? Je ne suis pas sa vraie petite-fille.

- Tu étais ma soeur, elle ne voulait pas qu'on soit séparées.

- Alors elle s'est occupée de moi juste pour te faire plaisir ? Aria mit un instant à répondre afin de formuler une meilleure réponse. Mais c'était une seconde de trop. Nina pleurait. Personne... Personne ne m'aime vraiment, murmura-t-elle. Lucie, Thomas, Pierre, grand-mère... Ils t'aiment toi. Et ils sont obligés d'être avec moi.

- Nina, l'aînée n'y tint plus et s'assit à côté de sa soeur pour la prendre dans ses bras et la serrer contre elle. Tu sais, dans la vie, il y a plusieurs façons de créer une famille. Il y a les gens qui sont notre famille par le sang. Ça, c'est toi, maman et moi. Et puis, il y a des personnes avec lesquelles on s'entend si bien, on rigole si fort, on se protège si solidement, on s'aime si intensément, qu'ils entrent dans notre vie et deviennent des membres de notre famille de coeur. Ça, c'est toi, Lucie, Thomas, Pierre et Nonnina. Et c'est impossible de dire laquelle est la plus importante. Tu es une petite fille exceptionnelle. Et tu comptes énormément pour toutes ces personnes. Parce que c'est ta famille. Ils ne se forcent pas avec toi. Tu ne les déranges pas. Ils sont heureux de passer du temps avec toi. D'ailleurs, tu as beaucoup manquée à Pierre ce week-end. Aria caressa les cheveux de la petite qui avait posé sa tête sur ses genoux.