50. Dans la peau.

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« Sans doute aurions nous été heureux sur une île déserte, mais la vie n'est pas une île déserte. »

-Guillaume Musso, La fille de papier
···

Pierre. Monza.

Les rues de Milan étaient peu animées à cette heure tardive de la nuit. Seuls les pas rythmés des deux pilotes troublaient l'atmosphère paisible qui y régnait. Ils avaient pu célébrer avec quelques amis leurs deuxième et huitième places. De quoi se réjouir et profiter un peu, oublier leurs problèmes pendant quelques heures.

« Je suis content de t'avoir vu sourire un petit peu pendant cette soirée, fit remarquer le monégasque.

- Il fallait bien que je célèbre les quelques points de cette année, ironisa-t-il.

- Ce calme... C'est agréable, souffla Charles en passant un bras autour de son épaule.

- Ouais, t'as raison.

- T'as le droit de ne pas être d'accord avec moi tu sais...

- J'ai merdé. Faut que je passe à autre chose, soupira finalement Pierre.

- On vit à trois cent à l'heure. Ce qu'on ressent est forcément décuplé. C'est ok de prendre un peu de temps à s'en remettre.

- Elle me manque tu sais. Je pensais que ça se passait bien... Ce bonheur, on le touchait du doigt, vraiment, même si tout n'était pas parfait. Elle avait peur de son passé, mais elle n'a jamais pensé que c'était le mien qui poserait problème, dit-il songeur.

- Les fans peuvent être cruels parfois... fit remarquer le brun.

- Mais ils ne font qu'alimenter ce que Katerina a dévoilé... J'ai été trop con, j'ai pas pris assez de précautions.

- Aria savait forcément un peu à quoi elle s'engageait en sortant avec toi.

- Je ne pense pas qu'elle avait imaginé qu'en allant chercher ses affaires chez moi, mon ex, qui s'était quand même barrée avec un autre parce qu'elle ne supportait pas mes absences, tomberait sur les papiers de sa maison d'enfance que j'ai achetée, qu'elle la stalkerait pour savoir qui elle était et qu'elle irait jusqu'à contacter son ex qui a tout balancé parce qu'il voulait la récupérer et qu'il est super jaloux depuis que je l'ai mis à la porte la dernière fois... énuméra le français en repensant au petit air satisfait de Katerina lorsqu'il l'avait forcé à avouer comment elle avait eu accès à toutes les informations qu'elle s'était empressée de révéler à la presse. Il n'arrivait pas à croire qu'elle était la personne dont il était tombé amoureux un an auparavant. Qu'est-ce qui avait changé ? Qu'est-ce que ça lui apportait à part être satisfaite de priver Pierre d'un peu de bonheur ? Et Enzo, l'ex d'Aria, qui avait tout balancé à son tour par simple vengeance. Pierre était consterné, déprimé de voir à quel point les humains pouvaient se faire mal les uns les autres. Je suis bien conscient que tout se sait, c'est le premier truc qu'on nous apprend. Mais... je n'sais pas...

- On croit toujours connaître les gens.

- Ouais... J'ai été un peu naïf. On s'est quand même aimé avec Katerina et je pensais vraiment qu'on était assez mâture pour simplement se souhaiter tout le bonheur qu'on méritait, expliqua-t-il. Et puis, elle a aussi forcément un peu souffert de ma popularité. Je n'arrive pas à croire qu'elle ait infligé ça à quelqu'un d'autre.

- Elle était peut-être juste jalouse de ce que vous partagiez. Parce qu'elle n'y a jamais eu accès.

- Et maintenant, moi non plus, constata-t-il. Je n'ai pas su la protéger des contraintes de ma vie. Elle s'est confiée à moi, j'ai insisté pour percer sa carapace et ça s'est retournée contre elle. Aria va ériger à nouveau des barrières autour d'elle et cette fois, elle va les doubler. Elle ne me laissera pas la blesser une seconde fois.

- Alors, arrange-toi pour que ce ne soit pas le cas. »

Pierre médita ces paroles sur les derniers mètres qu'ils leur restaient à parcourir pour rejoindre son appartement. Après avoir souhaité une bonne nuit à son meilleur ami, il gagna sa chambre et s'allongea dans son grand lit en lâchant un long soupir. Elle aurait dû être là, avec lui, pour célébrer son classement. Il l'aurait serrée dans ses bras pour lui faire oublier les problèmes du quotidien. Il l'aurait emmenée dans cette bulle qu'eux seuls partageaient. Cet endroit où ils faisaient tomber les masques et les faux semblants. Ce lieu dont la sincérité était la clé. Cette place où ils n'étaient que Pierre et Aria. Rien d'autre pour les décrire. Pas de passé. Pas de futur. Seulement un présent dont il fallait profiter ensemble. S'il avait su, il aurait fait durer un peu plus longtemps chacun des moments qu'ils avaient vécu ensemble.

Il contempla sur son téléphone l'une des seules photos sur lesquelles ils apparaissent tous les deux. Ce cliché, il le détestait. C'était l'un de ceux qui avaient été diffusé dans l'article qui l'avait fait fuir. Mais qu'est-ce qu'il était authentique. On pouvait la voir rire, sûrement en réaction à l'une des ses blagues qui devaient ne pas être si drôles que ça. L'image témoignait de la légèreté de l'instant, un sentiment dont ils n'avaient pas assez profité. Et le gros plan lui permettait d'admirer ses yeux dans lesquels il aurait pu se perdre pendant des heures. Il pouvait l'imaginer allongée à ses côtés, en train de la contempler. Et la jeune femme lui manquait un peu plus.

Il changea d'application. Instagram. Il ne prit pas même le temps de regarder son feed qui se remplissait de photographies qu'il n'avait aucun plaisir à contempler. Il tapa le nom de celle qu'il voulait voir dans la barre de recherches mais constata avec tristesse qu'il était toujours persona non grata. Elle ne voulait décidément plus rien avoir affaire avec lui. Le français n'était pas habitué à abandonner aussi vite. Il changea d'interface une nouvelle fois pour se rendre sur son fil de conversation avec la brune.

"Je vous souhaite beaucoup de courage à toutes les deux pour aujourd'hui. J'espère que ça ira pour Nina et qu'elle va gérer de le rencontrer. N'hésite pas si tu as besoin de quoique ce soit. Ou tu peux contacter ma mère, elle est à Rouen."

"Bonne chance pour ta première journée en tant qu'employée à temps plein. Je suis fier de toi."

"Très bonne rentrée à mon équipière. Qu'elle ne fasse pas trop de bêtises à l'école..."

Tous ses messages étaient restés sans réponse ou réaction. Il ne savait même pas si elle les avait lus. Mais cela lui faisait du bien de lui montrer qu'il ne l'avait pas oubliée. Qu'ils ne les avaient pas oubliées. Qu'il pensait à elle. A elles. Et qu'il était encore attentifs à leur vie. Qu'elle comptait. Qu'elles comptaient toutes les deux. Il tapa quelques mots sur son clavier. Puis se ravisa. A quoi bon s'ils n'arrivaient pas à leur destinataire ? Mais égoïstement, il pensa que ça avait au moins pour effet de lui faire du bien, à lui. Alors il se reprit.

"J'aurais aimé que tu sois là, avec moi, pour célébrer ces quelques points. Ce n'est pas une victoire, mais c'est tout comme. Et elle est pour toi. C'est un peu la tienne. Mon soleil m'a montré le chemin. Ma lune m'a appris la patience et la persévérance. Mon étoile a veillé sur moi de loin. Et mon coeur m'a montré qu'il fallait savoir suivre son instinct."

Elle était un peu de tout ça. Présente dans sa tête, dans ses tripes, dans son imaginaire et dans son coeur. Il l'avait dans la peau. Il l'aimait. Et il s'était toujours battu pour ce qu'il aimait. Il devait maintenant se battre pour celle qu'il aimait.

···
Et oui... j'ai tenu une semaine sans publier un chapitre par jour mais ça me manquait beaucoup trop de lire vos commentaires et voir vos réactions. Donc me revoilà !

Je vais essayer de tenir ce rythme et je m'excuse par avance si je commets quelques loupées. J'espère que les aventures sorties de mon imagination vous plaisent toujours autant.

Une très bonne journée à vous et à ce soir pour l'annonce de la prochaine partie !

LE SOLEIL & LA LUNE - PIERRE GASLYOù les histoires vivent. Découvrez maintenant