13. Une fan un peu tordue.

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« Nous sommes tous distraits parce que nous avons nos rêves. »

-Marguerite Yourcenar

···
Pierre, Barcelone.

Un verre en main, Pierre était confortablement installé au fond d'un fauteuil d'un bar barcelonais. Il hochait la tête pour montrer l'intérêt qu'il portait aux conversations des autres pilotes, sans y prendre part pour autant. Et, il devait l'avouer, sans réellement écouter également. Il souriait pour témoigner de sa présence et réagir aux blagues de ses amis. Mais son regard était vide. Il commençait à chercher désespérément une excuse pour échapper à la suite de la soirée.

Le jeune homme ne se reconnaissait pas. Il y a quelques temps, rien n'aurait pu mieux se passer. Il aurait fait la fête avec sa bande jusqu'au bout de la nuit, appréciant simplement d'être présent pour avoir la chance de profiter de chacun de ces moments. Mais aujourd'hui, il peinait à retrouver l'envie de prendre part à la moindre chose. Et il culpabilisait très grandement d'éprouver ces sentiments. Parce que beaucoup de monde aurait espéré seulement un centième de ce qu'il avait la chance de vivre.

Il posa sa bière à laquelle il n'avait pas touchée puis s'excusa auprès des autres garçons pour se diriger vers la sortie. Il appuya son dos contre un muret, décidé à souffler un peu. Son sourire avait disparu, ce qui correspondait un peu plus à ce qu'il ressentait. Le jeune homme passa sa main sur son visage en soupirant. Comment en était-il arrivé là ? Et qu'est-ce que la suite allait bien pouvoir donner ? S'il pouvait réfléchir à une réponse pour sa première interrogation, il était bien incapable d'en donner une pour la seconde.

Une pression dans sa nuque vint le sortir de sa rêverie. Il tourna la tête vers son propriétaire pour constater que son meilleur ami, Charles, l'avait rejoint. Il aurait dû s'en douter.

« Alors, tu n'apprécies plus notre compagnie ? dit-il pour détendre l'atmosphère.

- J'arrive, j'avais juste besoin de prendre l'air... le rassura Pierre.

- Moi aussi, ça tombe bien ! Le français soupira, laissant alors un silence s'installer. Alors ? Qu'est-ce que tu essayes d'oublier ?

- Pourquoi je chercherais à oublier quelque chose ?

- Je te connais calamar. Tu as l'air ailleurs ces derniers jours. C'est à cause de la voiture ?

- Ouais, mais bon... Les mécanos vont faire des modifs. Tu sais ce que c'est.

- Bah alors pourquoi tu as perdu ton sourire ? questionna Charles. Si seulement il connaissait la réponse, il n'en serait sûrement pas là. Pour toute réponse, Pierre haussa les épaules. Tu sais que je suis là pour toi. Y'a jamais eu aucun jugement entre nous. Ce n'est sûrement pas la meilleure chose à te dire. Enfin, je veux pouvoir faire quelque chose pour toi... Désolé, je parle trop.

- Non, je... Je... Je te remercie d'être là Charlie. Tu m'as toujours beaucoup soutenu. Mais... Pour être honnête, je ne sais pas ce que je dois faire moi-même. Les mots du monégasque auraient pu sonner creux s'ils venaient de n'importe qui. Mais pas de lui. C'était son meilleur ami et ils avaient partagé tellement de choses ensemble, se réconfortant lors de leurs défaites, et se félicitant des victoires de l'un et de l'autre.

- Qu'est-ce qui te préoccupe ? Il n'y a pas que la voiture, hein ?

- C'est un tout, avoua finalement Pierre. J'ai bien tourné la saison dernière. Et j'ai un peu peur de ne pas réussir à faire mieux. Je me dis que ça se trouve, j'ai atteint mon meilleur niveau et que je ne pourrais jamais le surpasser. Ce n'est tellement pas moi. J'ai toujours été compétitif, j'ai toujours voulu faire plus. Mais là, j'ai l'impression de...

LE SOLEIL & LA LUNE - PIERRE GASLYOù les histoires vivent. Découvrez maintenant