12. L'icône bleu.

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« I walk on a lonely road
The only one that I have ever known
Don't know where it goes
But it's home to me, and I walk alone
I walk this empty street
On the boulevard of Broken Dreams »

-Green Day, On the boulevard of Broken Dream

···

Aria. Paris.

« A demain, Samy » lança la jeune femme en passant devant le comptoir avant de sortir de l'établissement. Elle pressa le pas. Cela avait l'avantage de la réchauffer dans ce froid glacial mais également de lui assurer de pouvoir bénéficier de l'un des derniers métros et rentrer ainsi chez elle au plus vite.

C'est donc essoufflée qu'elle se laissa tomber sur un siège du wagon. Elle avait hâte de retrouver Nina qui devait déjà dormir depuis quelques heures. Bien qu'elle faisait temporairement appel à ses meilleurs amis, Thomas et Lucie pour garder sa petite sœur, Aria culpabilisait de la laisser seule le soir. Elle avait l'impression de ne pas être à la hauteur de la tâche dont elle avait pris la responsabilité. Mais elle n'avait tout bonnement pas le choix, elle avait encore des frais à régler avec le décès de sa grand-mère et les différents déménagements. Elle cumulait donc ses cours, son contrat d'apprentissage ainsi que des petits boulots et extra en soirée et le week-end. Elle mettait un point d'honneur à se garder deux dîners avec Nina et s'arrangeait pour commencer très tôt afin de se libérer pour aller la chercher à la sortie de l'école. La franco-italienne savait qu'elle devait être présente et l'accompagner dans ce qui représentait un grand changement pour sa cadette. Et malgré les difficultés, elle voulait lui offrir l'enfance la plus normale et la plus joyeuse possible.

Elle cala sa tête contre la vitre froide et serra ses bras contre elle pour tenter de gagner un maximum de chaleur. Elle n'avait aucune envie d'être ici. Mais elle appréciait le spectacle qui se dessinait sous ses yeux alors que le train filait au-dessus de la Seine. Les lumières au loin dansaient, symbolisant une certaine sérénité et une stabilité dans le noir ambiant. Alors que le métro plongeait dans l'obscurité, elle consulta son téléphone et s'autorisa à se perdre quelques minutes sur Instagram. Après avoir regardé une dizaine d'images sans leur porter un réel intérêt, Aria se rendit dans la barre de recherches. Elle n'avait même plus besoin de taper le nom du profil qu'elle souhaitait consulter. Cela faisait plusieurs jours qu'elle l'examinait quotidiennement sans vraiment savoir pourquoi. Sa curiosité sûrement. Elle scruta le feed. Pas de nouvelle photo depuis qu'il avait annoncé son arrivée à Barcelone, heureux de reprendre la saison. Elle passa en revue les clichés dont elle commençait à connaître l'enchaînement par cœur, s'arrêtant systématiquement sur le regard bleuté qui la fascinait tant. Elle repensait à leur conversation. « Tu as déjà cherché mon nom sur Wikipedia ou sur les réseaux sociaux ? ». Maintenant oui. Aria pinçait les lèvres. Qu'en penserait-il ? Pour quoi passait-elle ? Une groupie ? Une fan superficielle vu son faible niveau en F1 ? La jeune femme jouait avec ses pouces, hésitant à cliquer sur l'icône bleu « s'abonner » qui l'appelait mais sur lequel elle refusait d'appuyer.

La voix robotique de la régie de transports la sortit de sa rêverie. Elle ferma rapidement l'application et s'empressa de sortir de la rame. Elle avait une règle lorsqu'elle rentrait seule ainsi le soir. Baisser la tête, mettre ses poings dans ses poches et avancer. Ce stratagème ne fonctionna pas cette fois, car la jeune femme avait l'impression d'être suivie. Elle sentait une masse dans son dos qui s'approchait un peu plus d'elle à chaque pas. Un frison parcourut sa nuque. La dernière fois qu'elle avait vécu ça, elle était tombé sur quelqu'un de bienveillant qui ne demandait qu'à se frotter à ses talents de joggeuse. Elle doutait d'avoir deux fois la même chance.

Aria s'enleva Pierre de la tête pour rester lucide. Elle fouilla dans son sac pour sortir sa petite bombe au poivre qu'elle ne quittait jamais. La sentir au creux de sa main la rassurait bien qu'elle n'ait encore jamais eu à s'en servir. Elle accélérait. L'homme en faisait de même. Soudain, il mit sa main sur son épaule la forçant à s'arrêter. « Qu'est-ce qu'une jolie fille fait dehors, seule, à cette heure ? » souffla-t-il. Il empestait l'alcool mais ça ne justifiait en rien son comportement. Il avait descendu sa main au niveau du coude de la jeune femme. Elle se retourna pour le regarder en essayant de contrôler la peur qu'il l'envahissait. « Rien, je rentre. » Voilà, il fallait être ferme. Ne laisser aucune porte ouverte. « Je peux t'accompagner. » Il renforça sa prise. Aria aurait tant aimé voir les iris azur de Pierre en face d'elle au lieu des yeux noirs et vitreux dans lesquels elle percevait un désir malsain. « Non, merci. » Ferme et polie. Elle prenait sur elle, essayant de faire en sorte que la situation ne dégénère pas. « Allez, on va s'amuser » ria l'homme en la serrant contre lui. Ce fut le déclic. La jeune femme pointa sa bombe au poivre en direction du visage de son agresseur en hurlant « Non c'est non ! Qu'est-ce que tu comprends pas ?! ». Il eut un geste de recul et poussa un cri strident. Elle tenta alors de se libérer mais il tira d'un coup sec sur son bras en la faisait tomber au sol. Alors qu'il se penchait sur elle, Aria se resservit une nouvelle fois de sa bombe en vidant tout son contenu sur l'homme. Elle lança sa jambe pour lui donner des coups, se releva rapidement et prit la fuite. Elle jetait des coups d'œil par dessus son épaule. Plus aucune des insultes que l'homme avait sorti de ne lui parvenait. Il semblait avoir abandonné.

La jeune femme referma rapidement la porte de son immeuble derrière elle avant de se laisser glisser contre celle-ci. Des larmes coulaient sur ses joues. Elle voulut les essuyer et prendre sa tête dans ses mains et c'est alors qu'elle perçut une douleur vive provenant du bras que le type avait serré en la retenant. Elle ne sait pas combien de temps elle resta prostrée dans cette position à se repasser la scène en boucle. Une fois que sa respiration fut un peu plus calme, elle entreprit de grimper les étages qui la séparaient de la chambre qu'elle occupait tout en maintenant son bras qui la faisait souffrir.

Aria poussa doucement la porte afin de ne pas réveiller Nina qui dormait à poings fermés. Elle enjamba le petit matelas sur lequel elle se trouvait et se laissa tomber sur son propre lit. Elle se pencha pour remonter les draps jusqu'au menton de sa petite sœur puis prit simplement la peine d'ôter ses habits pour passer un large t-shirt confortable avant de s'emmitoufler dans sa couette et d'espérer trouver rapidement le sommeil. Elle se tourna vers sa cadette et contempla son visage qui semblait paisible. Elle cala sa respiration sur la sienne puis sentit ses paupières se faire lourdes, jusqu'à ce qu'elles se ferment complètement. La jeune femme passa une drôle de nuit. Et au petit matin, elle n'avait pas l'impression d'avoir fermé l'œil ou se s'être reposée. Elle était épuisée et son bras était toujours aussi douloureux. Aria se demanda sérieusement quelle nouvelle tuile allait bien pouvoir lui tomber dessus.

···
Les mésaventures d'Aria ouvrent cette nouvelle semaine... Donc si Pierre n'a pas les moyens de la retrouver, notre franco-italienne a quant à elle assez d'infos. Va-t-elle craquer et faire le premier pas ?

En attendant, on retrouve notre pilote préféré mercredi pour le chapitre intitulé "Une fan un peu tordue" :)

LE SOLEIL & LA LUNE - PIERRE GASLYOù les histoires vivent. Découvrez maintenant