« Le temps ferme toutes les blessures, même s'il ne nous épargne pas quelques cicatrices. »
-Marc Lévy
···
Aria, Monaco.
La jeune femme était postée dans les tribunes, à regarder la parade des pilotes. Le châtain fit un signe de main suivi d'un clin d'œil dans sa direction et elle se demanda comment il avait pu la repérer parmi la foule. Elle était heureuse d'avoir partagé ces derniers jours avec lui. Il était certes très occupé mais cela rendait les moments qu'ils avaient passés ensemble encore plus précieux. Elle avait particulièrement apprécié qu'il la fasse entrer dans son cercle et la présente à son entourage et notamment à son meilleur ami. Et pour une fois, elle s'était sentie à sa place dans un monde qui n'était vraiment pas le sien. Elle avait ri, elle avait réussi à s'ouvrir, à échanger, à parler de quelques détails... Et tout ça, sous le regard affectueux de Pierre qui semblait fier de voir à quel point elle faisait des efforts pour faire un pas dans sa direction, pour traverser la frontière qu'elle pensait infranchissable.
Quelques rangs plus bas, Nina était collée aux barrières, les yeux grands ouverts. Les petits-enfants Gasly pointaient du doigt le véhicule qui transportait leur oncle et expliquaient le déroulé d'une course à la novice, ce qui réjouissait Aria.
« Elle n'a pas l'air traumatisée par nos petites terreurs ! fit remarquer l'un des frères de Pierre.
- C'est parce que ç'en est une aussi, répliqua-t-elle en provoquant le rire de son interlocuteur. Merci de l'avoir intégrée.
- On n'a rien fait, tu sais. Mais quand on a vu à quel point Pierre était stressé avant votre arrivée, on s'est tous dit que vous étiez importantes pour lui.
- Lui ? Stressé ? souligna-t-elle surprise. Moi qui croyait être la seule à paniquer.
- On fait si peur que ça ?
- Non ! gronda-t-elle. Vous êtes parfaits. C'est juste que lui est en terrain connu, avec sa famille, ses amis, sur son lieu de travail... énuméra la jeune femme. Et, je n'ai pas l'habitude de sortir de ma zone de confort.
- Pourtant mon petit frère t'a décrit comme une battante.
- Il... Il... Elle hésita. Il vous a parlé de moi ? Elle était étonnée parce que même quand elle pensait à ce qu'ils avaient vécu, elle faisait elle-même le constat qu'il n'y avait pas grand chose à dire. Et surtout qu'elle lui en avait fait voir de toutes les couleurs, d'un rendez-vous manqué aux nombreuses fois où elle l'avait repoussé.
- Bien sûr ! Nous sommes ses grands frères et on a bien vu qu'il était un peu plus joyeux. On attendait juste qu'il nous dise pourquoi.
- Et, il vous a dit quoi ?
- Que tu avais une bonne foulée et que tu étais dure à suivre, elle sourit à l'évocation de cette phrase qui pouvait se traduire dans bien des sens. Il nous a aussi parlé de la malice de Nina et de son amour pour les poissons.
- Il vous a expliqué... commença-t-elle à paniquer. Aria ne voulait pas trop étaler son histoire. Et elle ne souhaitait pas non plus que sa famille pense qu'elle abusait de son petit protégé en découvrant qu'il avait racheté sa maison d'enfance.
- Non, il nous a juste précisé que c'était ta soeur. Mais ça ne nous regarde pas vraiment tu sais. Tout ce qu'on a besoin de savoir, c'est qu'il est heureux avec vous. Même si on se doute bien que ça n'a pas toujours été simple pour toi. Elle soupira et porta son regard vers l'horizon. Elle ne pouvait pas le regarder en face car elle savait qu'elle craquerait sûrement.
- Ca ne l'est pour personne après tout. Les lèvres du frère Gasly s'étirèrent doucement. Il avait les mêmes fossettes que son cadet. Quoi ? C'est ma disquette qui te fait rire ?
- Non, mais vous vous êtes bien trouvés apparement. A essayer d'aller de l'avant, malgré ce que vous avez vécu. C'est bien si vous vous aidez mutuellement.
- On a tous nos casseroles, mais c'est parfois dur de ne pas les confronter les unes aux autres.
- Tu ne connais pas Pierre depuis très longtemps, et tu as l'air de te soucier vraiment de lui, pas de l'image qu'il donne. Ce n'est pas à moi de t'en parler, mais il a connu des peines qui sont semblables. Mon petit frère a vécu beaucoup de choses pas très sympas dans sa vie professionnelle. Et derrière tout ça, il y a aussi une vie perso. Il a perdu des gens et ça a été très dur quand les problèmes de ses deux mondes se sont superposés. Quand les casseroles se sont un peu trop entrechoquées. Ça fait un bruit affreux. Un grand bazar. Mais il va mieux maintenant, affirma-t-il. »
Aria fut touchée par cette confiance. Elle savait que le pilote avait perdu son meilleur ami dans un accident de Formule 1 alors qu'il en pilotait une tous les week-ends. Mais ce n'était pas encore une chose qu'elle avait évoqué directement avec lui. Pourtant, elle sentait cette tristesse chez lui, cette part d'ombre. Il la dissimulait alors qu'elle avait été incapable de la cacher bien longtemps. C'était sûrement pour cela qu'il la comprenait si bien. Leurs sentiments s'accordaient.
« Il m'a beaucoup aidée, avoua-t-elle. Et j'ai envie d'être présente autant que je peux pour lui, même si ce n'est pas facile avec nos vies et nos emplois du temps.
- En tout cas, il y en a une qui a bien fait de venir, pouffa-t-il pour l'emmener sur une discussion plus légère. Il désigna de la tête les enfants qui étaient en contre-bas. L'un d'eux avait déposé un baiser sur la joue de Nina. On aura au moins une Gallo dans la famille. Aria sourit à l'emploi de ce nom symbolique qui intégrait encore un peu plus sa sœur. Pierre a intérêt à se dépêcher un peu plus.
- Je ne sais pas si on est vraiment un cadeau pour vous, ria-t-elle à son tour. »
Le silence s'installa entre les deux jeunes gens, vite remplacé par les cris de la foule alors que le départ approchait à grand pas. La famille au complet les avait rejoints pour ne manquer en aucun cas le départ. C'était une tradition pour eux que d'être tous ensemble, à ce moment, pour soutenir l'un des leurs. Aria admira cette unité qui se dégageait d'eux. Ils formaient une équipe soudée et heureuse que rien ne pouvait perturber. Et Nina était parfaitement intégrée à ce tableau. C'était la vie qu'elle souhaitait pour elle. Elle culpabilisa légèrement en se disant qu'elle n'avait rien d'autre que sa simple présence à lui offrir. Puis, elle pensa à combien elle était entourée. Par Thomas, son fidèle ami d'enfance qui était l'équivalent d'un frère, pour elle, mais aussi pour sa cadette. Par Lucie, qui s'était montrée extrêmement compréhensive et dont la joie de vivre lui remontait systématiquement le moral. Par Pierre désormais. Et il amenait avec lui tout son entourage qui s'était montré extrêmement dévoué tout au long de ce week-end. La jeune femme tenait à lui. Alors que les lumières s'éteignaient pour lancer le départ, elle sentit l'adrénaline envahir son corps. C'était ce même sentiment qui ne l'avait pas quitté de tout le week-end. Son coeur palpitait en voyant les virages que négociait le français. Son souffle se coupait lorsqu'elle repensait au regard océan qu'il portait sur elle. Elle se surprit à l'encourager, à crier son nom, à se prendre au jeu, à s'autoriser à vivre pleinement toutes ses émotions, à lâcher-prise, à accepter ce que le destin mettait sur sa route. Son visage s'illuminait. Sa passion se déchaînait. Et son amour, son amour, lui, grandissait.
···
Et voilà pour commencer la semaine. Une petite respiration pour calmer un peu le jeu après les dernières révélations.
J'espère que ça ne vous ennuie pas trop.
Bon lundi !
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LE SOLEIL & LA LUNE - PIERRE GASLY
Roman d'amourLui est pilote en F1 et ne pense qu'à travailler pour son avenir. Elle est étudiante et a tout perdu. Ou du moins, elle a beaucoup perdu et elle vit pour échapper à son passé. Une frontière sépare leurs deux mondes. Mais pourtant, ils se rencontrent...