LE SOLEIL & LA LUNE - PIERRE GASLY

19. Le même monde.

« I wish I was special
You're so fuckin' special
But I'm a creep
I'm a weirdo
What the hell am I doin' here?
I don't belong here
I don't care if it hurts
I wanna have control. »

-Radiohead, Creep

···

Pierre, Paris.

C'est dans la pénombre de sa chambre d'hôtel que le jeune homme avait décidé de se plonger dans ses pensées. Il était là, allongé sur le lit, fixant le plafond, un sourire indélébile sur son visage, sans réellement comprendre le sens de cette journée. Après un long moment à se repasser dans sa tête chaque mot qu'il avait pu prononcé, chaque information qu'il avait recueillie, Pierre se redressa dans un long souffle. Lui qui était habitué à analyser chaque statistique devait décidément apprendre à lâcher prise. Après tout, son expédition parisienne avait finalement été un succès. Il était venu sans savoir s'il pourrait trouver Aria et il avait finalement réussi à la défier à la course à pied, ce qui devenait en quelque sorte leur rituel, et à partager un dîner avec elle. Il avait apprécié chaque instant de leurs échanges simples et variés, tant lorsqu'il se remémorait les yeux brillants de la jeune femme quand il lui parlait de sa passion en ayant peur de monopoliser l'attention, qu'en l'écoutant conter son parcours. Le pilote était conscient qu'il restait des zones d'ombre, mais elles ne semblaient que la rendre plus courageuse et forçaient son admiration.

Il se décida alors à envoyer un message à son meilleur ami pour l'informer que tout c'était plutôt bien passé et qu'il repasserait rapidement demain chez lui à Monaco pour récupérer ses affaires laissées en plan suite à son départ précipité avant de rejoindre Milan. Puis, il prit la direction de la salle de bains pour profiter d'une bonne douche chaude qui complétait la journée de la meilleure des manières. Alors qu'il s'installait ensuite sur le canapé pour zapper quelques instant sur une chaîne sportive avant de rejoindre les bras de Morphée, il sentit un objet inconfortable au creux de son dos. En l'attrapant, il constata que c'était un téléphone portable. Celui d'Aria s'il en croyait le fond d'écran qui dévoilait une magnifique petite fille blonde souriant de toutes ses dents. Il cliqua alors sur le symbole de déverrouillage en pensant être rapidement rappeler à l'ordre par un code dont il n'aurait aucune idée. A sa grande surprise, le menu d'accueil s'afficha simplement. Qui n'avait pas de code ou de mot de passe en 2022 ? Sa curiosité s'empara alors de lui mais il se retint de faire le tour des différentes applications et se rendit plutôt dans les paramètres afin de trouver la fiche de la jeune femme dans laquelle était référencée son adresse.

Sans trop réfléchir, Pierre enfila une veste, son éternelle casquette et chaussa ses baskets avant de quitter sa chambre. Il héla un taxi et indiqua sa destination. Certes, il était assez tard mais Aria ne devait plus avoir de moyen de communication et vu son emploi du temps chargé, son téléphone devait sûrement lui être indispensable.

Durant la course, il se permit tout de même de se rendre sur l'application Instagram depuis le portable de la franco-italienne pour suivre son propre compte et accepter l'invitation qu'il lui avait envoyée la veille, quand elle lui avait donné rendez-vous. Il s'attarda quelques minutes sur son profil afin de contempler le peu de photos qui y figuraient. La couleur de ses yeux variant au gré du soleil. Le reflet de ses cheveux tantôt détachés, tantôt ramenées en des tresses pour faciliter l'exercice de la course à pied, supposa-t-il. La plupart représentant d'autres personnes à ses côtés, Nina, bien que son visage n'apparaissait pas, Lucie, l'amie qui avait eu un empêchement, et un certain Thomas, désigné par la légende « Bro », ce qui détendit le français. Des paysages se mêlaient aux portraits souriant et symbolisaient l'attachement d'Aria à ses deux cultures. On pouvait reconnaître des instants volés dans la capitale parisienne et ainsi que dans le centre milanais. Ces clichés dégageaient quelque chose, ils mettaient en avant des détails qui passaient sûrement inaperçus dans ces deux grandes villes peuplées mais qui avaient attirés l'œil aiguisé de la jeune femme.