46. La frontière.

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« L'enfance est sans regret du passé, elle profite du présent, sans craindre l'avenir. »

-Louis-Philippe de Ségur, Le temps

···

Aria. Dans un train entre Spa et Paris.

La tête appuyée sur la vitre chaude de l'un des wagons, la jeune femme réfléchissait à ce qu'elle allait retrouver chez elle et pour la première fois depuis longtemps, elle n'avait pas envie de se dépêcher de rentrer. Pourtant, elle venait de déménager et avait trouvé un appartement plus grand pour qu'elle puisse s'y épanouir avec sa sœur. Mais elle savait qu'en poussant la porte, elle n'entendrait pas les rires de Nina emplir son foyer. Aria soupira. Ce week-end aurait pu être parfait et elle se repassait en boucle dans sa tête le film de ces derniers jours pour comprendre comment elle avait pu en arriver là.

Vendredi, Lucie et Thomas l'avaient aidée à s'installer dans son nouveau logement. Elle était ensuite allée récupérer Nina qui avait rendez-vous avec l'assistante sociale, heureuse de lui montrer leur nouveau lieu de vie. Mais lorsqu'elle avait vu le visage de sa soeur, elle avait tout de suite compris. Elle avait tellement repousser le moment de lui annoncer qu'elle allait devoir revoir son père pour profiter au maximum de leurs vacances, que la psy avait pris les devants. Elle culpabilisa devant le regard brisé de la fillette dont les yeux étaient remplis de larmes. Elle semblait perdue. Tout son monde s'effondrait.

Elles rentrèrent en silence et Nina ne fit aucune remarque sur le nouvel appartement. Sa grande soeur la guida jusque dans sa chambre sous le regard triste de ses deux amis qui étaient encore présents. La petite s'assît sur le lit et Aria se mit à son niveau.

« Nina... Je...

- Je ne comprends pas... murmura la plus jeune.

- Je suis désolée, j'aurai dû essayer de t'en parler et de t'expliquer...

- Ils ne s'aimaient pas hein ? Papa et maman ? Ils ne s'aimaient pas ? Elle ne pleurait pas mais son regard était vide.

- Je... C'est compliqué tu sais. Peut-être qu'ils se sont aimés à un moment, tenta maladroitement l'ainée.

- Mais grand-mère disait toujours qu'un enfant c'était l'addition de l'amour de ses parents...

- C'est vrai... reconnut la jeune femme. Mais il y a des exceptions parfois.

- Donc ils ne m'aimaient pas moi ?

- Nina, la jeune femme approcha sa main pour caresser son visage mais la fillette se dégagea de son emprise. Écoute, jamais je ne veux que tu doutes de l'amour que maman avait pour toi !

- Et papa ? Il veut me revoir, alors peut-être qu'il m'aime ?

- Je... je ne sais pas. Aria ne savait pas quelle réponse elle se devait de donner à sa sœur pour apaiser sa peine. Mais peut-être qu'il n'était plus question de ça. Peut-être que l'heure était à la vérité.

- Comment tu peux ne pas savoir ! Tu as vécu avec lui ! Hurla-t-elle finalement. Tu as vécu avec mon papa. Et toi, est-ce qu'il t'aimait ?

- Il ne l'a jamais montré en tout cas...

- Et... Et... La cadette fondit en larmes, hoquetant, comme si elle avait soudainement du mal à respirer. Sa sœur voulut la prendre dans ses bras mais elle s'échappa à nouveau, lui fissurant le cœur au passage. Et si, en me revoyant, il m'aimait ? Mais si... si son amour était mauvais. Et... et qu'il me tuait moi... moi aussi, comme il a tué maman ? La brune fut horrifiée par les craintes que Nina enfouissaient au fond d'elle. Elle se mit à pleurer elle aussi.

LE SOLEIL & LA LUNE - PIERRE GASLYOù les histoires vivent. Découvrez maintenant