27. S'écrouler.

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Note de l'autrice : c'est l'un des plus longs (si ce n'est le plus long !) chapitres que j'ai écrit ! Donc mettez vous à l'aise, faites vous un petit thé, dégustez un carré de chocolat et enjoyyyy. J'ai hâte de lire vos réactions.
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Des scènes sont annoncées en TW sur ce chapitre. N'hésitez pas à passer si vous ne vous sentez pas de les lire. Votre santé mentale compte plus que tout ♥️
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"In another life I would be your girl
We keep all our promises be us against the world
In another life I would make you stay"

-Katy Perry, The One That Got Away

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Pierre. Monaco.

Un long souffle s'échappa des lèvres du châtain. Il s'installa sur le canapé et hésita une nouvelle fois devant les deux carnets qu'il tenait entre ses mains. Ce qu'ils contenaient n'appartenait qu'à Aria. Et à elle seule. Mais Pierre avait terriblement envie de savoir ce qu'elle avait pensé de lui ces dernières années. Est-ce qu'elle avait vraiment vécu cette rupture aussi difficilement que lui ? Il fit défiler les pages sous ses doigts, libérant l'odeur dont le papier était imprégné. Il aurait pu reconnaître cette effluve entre mille. C'était son parfum fleuri qui s'engouffrait dans son nez.

2026. L'année où tout avait basculé. Il se décida à survoler les premières pages qui contenaient des dates et des souvenirs heureux. Des podiums en F1. Des victoires. Des séances de course à pied aux aurores. Les blagues de Nina. Les premiers rayons de soleil du printemps. Les premiers signes de l'été. Et puis ses yeux s'accrochèrent à des mots qu'il ne put s'empêcher de lire.

7 juillet 2026. "Nous sommes une famille". Cette phrase n'a jamais été aussi vraie qu'aujourd'hui. De retour de Silverstone, nous avons laissé Nina aux parents de Pierre. Ils voulaient réunir "tous les petits-enfants" et il n'a jamais été question de la mettre de côté. Jamais je ne pourrais dire à quel point je suis reconnaissante d'avoir été acceptée dans cette famille au grand coeur.

Le pilote se rappelait de cette semaine. L'une des dernières où tout allait bien. Où il pouvait affirmer qu'ils étaient encore pleinement heureux. Ils avaient pu profiter de l'absence de Nina pour se retrouver tous les deux et jouer les jeunes couples. Insouciants. Il s'arrêta sur la page suivante. Le papier était gondolé. C'était à ce moment que les souvenirs de Aria étaient en fait devenus des cicatrices. Et la date couchée sur le papier ne faisait que confirmer ce qu'il avait déjà deviné.

!TW Trauma >>!

12 juillet 2026. "Et tout s'effondre". Je ne me souviens pas de grand chose. Des bribes. Un mal de ventre foudroyant qui venait gâcher cette journée. Pierre aux petits soins comme lorsque mes menstruations peuvent être douloureuses. Un chocolat chaud. Un plaid. Une bouillotte. Et une huile de massage. Ses doigts frottant délicatement ma peau en des petits cercles pour détendre cette zone sensible de mon corps.
Et puis, l'envie de vomir. Moi, me dirigeant difficilement vers la salle de bains. Le flou. La pièce qui tournait autour de moi, me faisant perdre tout repère. Moi, m'effondrant au sol en me tenant le ventre. Me tordant de souffrance. Me maudissant que mes protections hygiéniques ne soient pas suffisantes pour stopper ce sang qui affluait. Et puis réalisant que ce n'était pas normal que ça saigne autant. Tout ce sang. Sur mes mains. Sur mes doigts. Sous mes ongles.
Mon cri étranglé appelant Pierre. La peur qui envahissait chacun de mes membres et que je pouvais percevoir dans ses yeux quand il m'avait trouvé là sur le sol, tordue de douleur.
"Ça va aller". C'est ce qu'il n'arrêtait pas de me répéter alors qu'il me portait jusqu'à la voiture. "Ça va aller". Et sur le trajet jusqu'à l'hôpital. Qu'est-ce que j'aurais aimé le croire. Qu'est-ce que j'aurais aimé que, pour une fois, il ait raison. Je me souviens de la main de Pierre qui ne quittait pas la mienne. La chaleur de sa main qui d'habitude suffisait à me rassurer. Mais sa main qui aujourd'hui portait également mon sang.
Les questions des médecins que je n'arrivais pas à comprendre. "Mademoiselle ?". Je répondais : "C'est Madame." C'est fou comme on se rattache à des subtilités quand notre monde bascule. "Madame, vous êtes enceinte de combien de semaines ?" Mon cerveau n'a jamais assimilé les mots qui suivirent. "Déni de grossesse." "Près de trois mois." "Fausse couche." "Désolés." "Désolés." "Désolés." Et les larmes qui emplissaient les yeux de Pierre et qui coulaient sur les miennes. Et sa main qui jamais ne lâchait la mienne alors que j'avais tant dû le décevoir. Je n'avais pas réalisé que je portais notre enfant. Et encore moins que j'étais en train de le perdre. Et si l'un était lié à l'autre. S'il ne dit pas qu'il m'en veut, moi, je me hais.

LE SOLEIL & LA LUNE - PIERRE GASLYOù les histoires vivent. Découvrez maintenant