28. Que des mots.

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« Les traces que laissent les hommes sont trop souvent des cicatrices. »

-John Green, Nos étoiles contraires

···

Aria. Paris.

La nuit avait été une nouvelle fois éprouvante. Des milliers de questions se bousculaient dans la tête de la jeune femme et la tourmentaient. Lorsque son réveil sonna pour lui indiquer l'imminence du rendez-vous, elle se demanda un instant si c'était une bonne idée de se lever. Peut-être que des fois, il était préférable de rester au fond de son lit et de laisser toutes ses préoccupations derrière la porte. Mais elle n'avait qu'une parole et bien que stressée par le fait de le revoir, Aria était touchée qu'il ait prit le temps de venir leur rendre visite et qu'il ait même avancé son arrivée pour leur faire une surprise.

Après avoir laissé un petit mot à l'attention de sa soeur, elle dévala les escaliers en tentant de mettre de côté les événements de la veille. Aujourd'hui serait une bonne journée. Elle l'avait décidé. Et une bonne journée commençait toujours par un petit jogging matinal au bord d'un cours d'eau. Elle était enjouée en pensant à ce moment qu'elle allait partager avec Pierre. Elle n'avait pas apprécié qu'il pénètre certains aspects de sa vie sans y avoir été invité, mais elle devait reconnaître qu'il donnait une touche particulière à ces rendez-vous aux aurores. C'était leur instant et même s'ils n'en profitaient pas pour parler beaucoup, elle avait l'impression d'être en communion avec lui, de le comprendre bien qu'ils trouvent dans cette pratique des objectifs bien différents.

La jeune femme poussa la lourde porte et son sourire s'étira en voyant que le pilote était déjà là, à l'attendre.

« Tu es très ponctuel ! remarqua-t-elle.

- Tu peux te sentir chanceuse. Mon physio ne pense pas du tout la même chose que toi !

- C'est parce qu'il ne sait pas te motiver, répliqua-t-elle malicieusement.

- Te battre encore une fois au sprint est ma principale raison de me lever aussi tôt. Un rictus se forma aux coins de leurs lèvres.

- Je te trouve bien sûr de toi.

- Ca s'appelle du bluff, c'est pour impressionner l'adversaire. Je t'apprendrai si tu veux.

- Avec plaisir... Elle laissa un court silence s'installer. Bon, on commence doucement ? demanda-t-elle. Il ne faut pas que Nina pense que je veux te garder pour moi toute seule.

- Je te suis. »

Et il lui emboîta le pas. Aria se demandait ce qu'au fond tout ceci signifiait pour lui. Et même pour elle. "Je t'apprendrai si tu veux". Elle avait toujours porté une attention particulière au sens des mots. Ca paraissait peut-être anodin mais elle aimait la transparence et la clarté. Et le langage qu'on employait en disait souvent long sur nos pensées. Le pilote lui formulait ici des promesses masquées, laissant sous-entendre qu'il souhaitait la revoir et donner une dimension d'échanges et de partage à leur relation indéfinie. En avait-il conscience ? En tout cas, il brisait une à une les carapaces de la jeune femme. Si depuis quelques années, elle s'était résignée à ne jamais espéré, à voir plutôt qu'à croire, elle avait envie de se laisser surprendre par les paroles du châtain qui tenait son rythme avec application. Elle avait envie de lâcher prise. Mais elle ne voulait sûrement pas y penser maintenant. Une partie sa vie avait été consacrée à refaire son passé ou à le fuir. Il n'était pas question qu'aujourd'hui, elle gâche son présent en imaginant un avenir incertain.

LE SOLEIL & LA LUNE - PIERRE GASLYOù les histoires vivent. Découvrez maintenant