LE SOLEIL & LA LUNE - PIERRE GASLY

1. La continuité.

"And so I wake in the morning
And I step outside
And I take a deep breath and I get real high
And I scream at the top of my lungs
What's going on?"

-4 Non Blondes, What's Up

...

Aria. Paris.

L'air matinal de la fin du mois de juin était agréable. La jeune femme profitait du vent frais pour effectuer son traditionnel jogging dans la douceur avant les grosses chaleurs qui annonçaient encore un été étouffant. C'était sa tradition. Son rituel quotidien. L'une des seules choses de sa vie d'avant qu'elle s'était efforcée de préserver.

Aujourd'hui, plus que jamais, elle avait le droit de se montrer nostalgique et de repenser aux souvenirs qu'elle avait méthodiquement rangés dans un coin de sa tête. Nina fêtait ses quinze ans. Elle allait entrer au lycée en septembre. Elle grandissait. Et Aria avait du mal à réaliser que cela faisait déjà plus de six ans qu'elle avait pris la responsabilité de s'occuper seule de sa petite soeur. Et malgré les doutes et les peurs auxquels elle avait été confrontée, elle avait toujours réussi à faire face et à surmonter les difficultés. Nina était sa force, c'est pour elle qu'elle se levait chaque matin, pour lui assurer un avenir dans lequel elle pourrait s'épanouir.

La franco-italienne était plutôt fière du chemin qu'elles avaient parcouru toutes les deux jusque là. L'adolescente continuait de voir son père régulièrement mais elle témoignait parfois des réticences à effectuer les visites. Ce manque d'envie interpellait la brune qui essayait de comprendre d'où venait ce sentiment. Mais c'était un sujet tabou entre elles deux. Quelque chose dont Nina refusait de parler et qui jouait sur l'atmosphère au sein de leur foyer dès que le rendez-vous approchait. Cette situation pesante était difficile à vivre. Aria avait toujours essayé de protéger sa soeur, de l'élever dans un climat sécurisant sans mettre d'interdits. Pourtant, elle ne pouvait que respecter le choix de sa cadette car elle aussi, avait instauré une censure sur un sujet dont elle se refusait de parler...

Pierre. Ou plutôt leur séparation après près de quatre ans de relation qui semblait saine aux yeux de la blonde. La jeune femme savait que Nina n'avait jamais accepté les raisons banales qu'elle lui avait fournies. « On ne s'aime plus comme avant ». « On ne peut pas continuer à être ensemble tous les deux ». « C'est une décision commune ». Ces explications paraissaient bien fades comparées à tout ce qu'ils avaient partagé. Aria avait mis un point d'honneur à laisser sa soeur continuer à entretenir les liens qu'elle avait noués avec le pilote. Elle n'avait pas eu coeur à les séparer. Et depuis deux ans maintenant, elle savait qu'ils s'envoyaient quelques messages et elle ne doutait nullement de la sincérité de Pierre qui tenait à prendre des nouvelles de l'adolescente. Cette dernière ne manquait jamais aucun des ses Grands Prix. La plus grande n'était pas dupe et savait très bien pourquoi elle tenait à s'enfermer le dimanche dans sa chambre pour « faire ses devoirs ». Et lorsque Pierre était de passage dans la capitale, il essayait toujours de lui consacrer quelques heures, ce à quoi la brune ne s'opposait jamais. Elle s'arrangeait cependant pour ne jamais le croiser pour ne pas se confronter à son regard azur qu'elle était incapable d'oublier.

Ne pas en parler, c'était aussi une manière pour elle de ne plus y penser. D'essayer d'oublier ces quatre années de sa vie. Elles avaient été heureuses, certes, mais pour avancer, Aria savait qu'elle devait laisser tout cela derrière elle. Son futur était encore difficile à imaginer sans lui et penser à ce qu'ils auraient pu être était encore parfois douloureux. Alors elle se concentrait sur des choses concrètes et réelles. Son travail. Sa soeur. Thomas. Lucie. Des éléments qu'elle avait toujours connus et qui ne la quitteraient pas. Des piliers sur lesquels elle pouvait sereinement s'appuyer pour continuer son chemin.

La jeune femme courait toujours le long des quais, appréciant le bruit de l'eau contre les rives qui calmait ses pensées. Cela lui procurait un bien-être qui était resté intact. Cela avait été difficile, au début, d'accepter d'être de nouveau seule pendant ces moments. C'était l'une des multiples cicatrices qui résultait de cette relation. Avant qu'elle ne rencontre le pilote, la solitude était ce qu'elle cherchait dans ces joggings matinaux. Mais lorsqu'ils avaient eu l'occasion de les partager, ces rendez-vous quotidiens étaient devenus un espace d'échanges et de communion. Alors elle avait eu du mal à accepter ce retour à la case départ. Ce silence parfois pesant. Mais elle avait retrouvé l'envie de courir pour elle et non plus pour suivre le rythme de quelqu'un ou pour tenter de le dépasser en lançant des sprints inattendus. Elle avait réussi à retrouver du plaisir dans la pratique de sa passion.

Aria termina sa séance par un sprint de quelques mètres qui lui permettait de chasser toutes les idées qui ne l'avaient pas quittées. Elle entra ensuite dans une boulangerie pour acheter quelques viennoiseries et préparer un petit-déjeuner digne de l'anniversaire de Nina. Il y en avait beaucoup trop pour elles deux mais qu'importe. Elle voulait lui faire plaisir et prendre toutes sortes de choses qu'elles ne mangeaient pas habituellement.

Elle poussa la porte de leur appartement et ses narines furent immédiatement envahies de l'odeur caractéristique des pancakes. Sa soeur était derrière les fourneaux et s'affairait à suivre leur traditionnelle recette. Elle déposa le sac en papier sur le buffet et attrapa sa soeur par la taille pour la serrer contre elle et l'embrasser sur la joue.

« Ah ! Beurk ! Tu es pleine de sueur ! Grogna l'adolescente.

- Joyeux anniversaire ma petite soeur d'amour, dit-elle mielleusement en répétant son geste pour l'énerver. Elle gesticulait pour se dégager de son étreinte.

- Arrête, ça va brûler !

- Tu sais que ce n'est pas à toi de faire les pancakes de ton brunch d'anniversaire hein ?

- J'en avais envie, répondit simplement Nina alors qu'Aria sortit le nécessaire pour mettre la table.

- Ça sent super bon en tout cas. Je vais me doucher et on goûte ça ? »

Pour toute réponse, la cadette hocha la tête et se concentra de nouveau sur la préparation qui cuisait dans la poêle. La brune s'arrêta un moment sur cette image en fixant Nina. Cela faisait quelques années que sa soeur n'était plus une enfant. Elle avait grandi et rivalisait maintenant avec le petit mètre soixante-cinq d'Aria. Ses cheveux blonds avaient pris une teinte plus foncée mais elle gardait de jolis reflets qui étaient visibles quand elle les laissait détachés, ce qui n'arrivait que rarement. Ses grands yeux bleus en amande illuminaient son visage. C'étaient deux éléments qu'elle tenait de son père mais que la franco-italienne appréciait énormément tant ils traduisaient la joie enfantine qui l'animait fort heureusement encore. Elle était fière de l'adolescente qu'elle devenait. Elle trouvait sa cadette mûre et réfléchie, espiègle par petites touches, toujours dans la dérision, agréable et calme. Elle était sérieuse à l'école et s'intéressait à tout, si bien que la jeune femme aimait de plus en plus avoir des discussions sur tout genre de sujets avec sa soeur. Des échanges qu'elles prenaient parfois le temps de réaliser en italien. Nina avait en effet exprimer le souhait d'apprendre la langue paternelle de son aînée qui l'y avait initiée avec plaisir, d'autant plus que Pierre la pratiquait également. L'adolescente avait également été très vite sensibilisée à l'anglais que le pilote utilisait régulièrement et il s'était naturellement adonné à lui enseigner. Depuis, elle se passionnait pour les langues étrangères et montrait un fort potentiel.

C'était le bilan qu'Aria tirait de ces années passées aux côtés de sa soeur qui semblait rayonnante. Tous les sacrifices qui avaient été réalisées n'étaient donc pas vains. Ils avaient un but très précis. Et la brune espérait bien continuer sur cette lancée pour rendre fières sa maman qui lui avait laissé une partie d'elle et sa grand-mère qui lui avait tendu le flambeau qu'elle avait embrasé. Elle était heureuse de se placer dans la continuité de ces deux femmes et de perpétuer les valeurs qui l'avait construite.

...
Un premier chapitre pour poser un peu le contexte...
Désolée MarieLFBVR76 🥲