11. Son histoire.

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« I could show you love
In a tidal wave of mystery
You'll still be standing next to me
You could be my luck. »

-Capital Cities, Safe and sound

···

Pierre. Barcelone.

Pierre rentrait au garage, déçu de cette première journée d'essais hivernaux. La voiture n'était pas au niveau auquel il l'attendait et il avait du mal à la maîtriser. Ce vieil ami qui ne l'avait que rarement quitté depuis ses derniers mois venait se rappeler à son bon souvenir : le doute. Un sentiment qui n'avait pas sa place dans le métier qu'il pratiquait. Et les débriefings qui suivirent avec les ingénieurs ne permirent pas de l'enterrer de nouveau, mais bien de le renforcer. Il savait qu'il ne pouvait se retrouver dans un tel état, avant même le début de la saison. Il se sentait seul face à son problème, sachant pertinemment qu'il n'avait pas la possibilité de parler de ce qui se passait dans sa tête à ses équipes. Avouer qu'il doutait, c'était être incapable de monter dans la voiture. Et c'était aussi mettre sa carrière en péril.

Le jeune français avait grand besoin de mettre toutes ces pensées noires dans un coin de sa tête et de les y laisser au moins jusqu'au lendemain. Même s'il aimait la compagnie de Pyry lors de ses joggings, Pierre souhaitait se retrouver seul et ne pas remuer toute ce qu'il avait sur la conscience. Certes, cela aurait pu lui faire du bien. Mais cela lui demandait de se faire mal. Et il n'en avait pas la force. Pas maintenant. Alors il prit ses affaires et se mit en route, direction la plage pour essayer de faire le vide dans son esprit. Il tenta alors de se rappeler une méthode qu'il avait appliquée avec son coach : prendre les choses qui le préoccupaient une par une et tenter de voir la solution qui était la plus appropriée.

Première chose ? Il n'arrivait pas à manipuler la voiture. Ce n'était, après tout, que le premier jour des essais. Il devait également se montrer indulgent avec lui-même. Le pilote avait passé beaucoup de temps à expliquer aux équipes son ressenti afin que la voiture soit améliorée pour demain. Ils étaient encore en rodage. Demain, ça serait mieux. Premier problème réglé.

Deuxième chose ? Il appréhendait la saison à venir. Il avait montré de belles choses l'an passée et se devait de réitérer son exploit s'il voulait s'assurer un baquet dans une équipe plus performante pour la suite de sa carrière. Il se mettait une pression folle alors que la saison n'avait pas encore réellement débutée. Pierre se dit qu'il aurait bien le temps de se préoccuper de ses futurs contrats. Et la seule manière de les obtenir était de se concentrer sur chacune des courses. Il ne devait pas laisser ses pensées divaguer. Mais ces derniers temps, il avait l'impression de stagner, de ne plus progresser. Il avait connu une victoire et deux podiums mais il avait été rétrogradé pendant que, par exemple, son meilleur ami avait signé chez Ferrari et avait la possibilité de concourir pour le titre de champion du monde. Le français n'était pourtant pas jaloux, c'était leur rêve à tous.

Troisième chose ? Sa famille lui manquait. Oui, il y pensait maintenant parce qu'il faisait le vide dans sa tête. Mais honnêtement, avec son planning chargé, il n'avait pas vraiment le temps de se rendre compte des jours qui défilaient. C'était un sentiment qui venait s'emparer de lui principalement lorsqu'il se retrouvait seul, le soir, dans sa chambre d'hôtel. Mais il était souvent entouré, et finalement, il aimait profiter de ces moments pour se poser calmement et se reposer. Il verrait bientôt ses proches. Les restrictions sur les Grands Prix étaient terminées, ils pourraient alors le suivre de nouveau.

Pierre soupira. Il avait la sensation d'avoir réussi à y voir plus clair. Chaque problème avait en réalité une solution qui ne dépendait pas toujours seulement de lui. Il devait apprendre à se détacher de certaines choses et à ne pas porter le monde seul sur ses épaules. Son équipe était là. Pyry était là. Sa famille était là. Il pouvait partager ses peines et ses doutes. Mais sa fierté l'en empêchait sûrement... Toujours cette foutue fierté.

La nuit commençait à tomber et le pilote songea à faire demi-tour pour profiter d'une agréable douche chaude à son hôtel. Il se voyait déjà sous la couette après avoir dégusté le repas du soir commandé par son coach. ll lui faisait pleinement confiance et mangeait et buvait ce qu'il lui préconisait sans poser la moindre question. C'était pour son bien. Il reprit alors sa course en se fixant un objectif : les petits points lumineux qui émanaient des lampadaires au loin sur la jetée. Il accéléra. Le point lumineux. Attraper le point lumineux. Il y avait donc bien une quatrième chose qui lui venait à l'esprit. Sa luciole. Aria.

Cette fille était un mystère complet. Milan. Rouen. Tant de points communs. Et pourtant, il ne la reverrait dans aucune de ceux villes. Paris. Elle étudiait le marketing et elle travaillait en même temps. Elle avait une soeur qui s'appelait Nina. Il n'avait toujours aucune information tangible sur elle. Rien pour la recontacter alors qu'il en avait envie. Il ne pouvait pas ignorer cette coïncidence folle. Le destin avait mis cette personne sur sa route. Et ce, à plusieurs reprises. Ça semblait fou. Il ne savait pourquoi il s'accrochait tant à elle. Elle l'intriguait. Elle semblait traversée par tellement d'émotions à la fois. Lui qui essayait de conditionner chacun de ses sentiments, les bons comme les mauvais, se demandait comment il lui était possible de gérer tant de choses.

Pierre voulait connaître son histoire. Cela pouvait paraître curieux, mais il avait toujours été doté d'un grand sens de l'observation et il se plaisait souvent à regarder les gens dans des lieux de passage tels que les gares ou les aéroports en imaginant d'où ils pouvaient bien venir, où ils allaient, et à quoi ressemblaient leur vie. Il se passionnait donc pour les histoires. Elles étaient, pour lui, la source de ce qu'était et de ce devenait une personne. Elles étaient souvent inspirantes et il était impératif qu'elles soient transmises et qu'elles perdurent, qu'elles survivent aux êtres. Elles donnaient du sens à chacune de nos actions. Maintenant que Pierre avait pu approcher Aria d'aussi près, il désirait connaître la suite. Ce qui l'avait poussée à se rendre à Milan, puis à Rouen. Et maintenant, il pouvait très bien l'imaginer courir sur les quais de Seine de la capitale.

Et puis... Ses yeux. Le jeune français se souvenait de chacun de leurs détails. Ni tout à fait marron, ni tout à fait verts. Et ce doré qui les sublimaient. Ce mélange de couleur était d'une beauté renversante. Et il voulait absolument connaître ce qu'ils reflétaient. Après tout, ne disait-on pas que les yeux étaient le miroir de l'âme ?

···

Et voilà pour finir la semaine en douceur. Bonne nouvelle, Pierre veut la revoir. On se retrouve lundi matin pour savoir ce qu'en pense Aria !

Bon week-end :)

LE SOLEIL & LA LUNE - PIERRE GASLYOù les histoires vivent. Découvrez maintenant