38. Le plus fort.

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"Rock bottom, rock bottom, rock bottom
I'm going back to my roots
Another day, another door
Another high, another low"

-Imagine Dragons, Roots

...

Aria. Monaco.

Sa tête reposait sur ses mains. Accoudée sur un des côtés du lit, elle contemplait Nina qui se reposait. Les traits de la blonde étaient apaisés. Et Aria aussi. Sa respiration se calait sur le rythme auquel se soulevait la poitrine de la belle endormie. Les prédictions de l'avocate avaient insufflé un nouvel espoir chez les deux soeurs.

Pour autant la jeune femme ne voulait pas baisser sa garde. Comme le disait Pierre, il était important de ne pas se voir gagner la course avant que le drapeau à damier ne soit tombé. Après tout ce qu'elle avait vécu, elle ne pouvait pas croire que les choses pouvaient miraculeusement bien se dérouler. La dernière fois qu'elle s'était laissée aller à faire des projets, elle avait été déçue, une fois de plus. Elle avait même été brisée. Et elle avait cru ne jamais remonter la pente. Aujourd'hui, elle ne pouvait plus se permettre de marcher au-dessus du vide sans certitude.

Les longs cils blonds qui papillonnaient l'interpellèrent.

« Salut toi ! dit-elle en souriant.

- T'étais vraiment en train de m'observer dans mon sommeil ? Répliqua Nina d'une voix endormie.

- Pas du tout...

- Menteuse ! souligna la petite.

- Je chassais tes mauvais rêves, concéda-t-elle.

- C'est gentil ça... Et où est Pierre ?

- Il est parti accompagner les monstres et ses parents à l'aéroport. Ils repartent aujourd'hui, lui rappela la brune.

- J'ai gâché leurs vacances, soupira Nina.

- Ne dis pas ça Ninouche, tu sais que les décisions se prennent à l'unanimité dans la famille.

- Je sais et on devrait instaurer ça, fit remarquer l'adolescente.

- On est que deux, souligna Aria. Ca serait compliqué de trancher.

- On est trois avec Pierre, corrigea la blonde.

- Tu as raison, on est trois. »

La franco-italienne espérait que sa soeur ait bien compris qu'ils ne seraient plus réunis tous les trois sous le même toit. Mais qu'ils seraient soudés au sens symbolique du terme. Qu'ils se battraient les uns pour les autres, pour se protéger et pour s'épauler. Parce que l'amour qui les liait était inaliénable. Et sûrement incompréhensible au premier abord. Mais eux savaient ce qui les fédérait.

« Aria... Elle leva la tête, interpellée par sa soeur qui semblait avoir perdu son sourire. La jeune adulte se tendit.

- Oui ?

- J'ai un truc à te demander... commença la plus petite.

- Je t'écoute.

- Je... Enfin, je crois que... Face à son hésitation, la brune l'encouragea du regard. Elles pouvaient tout se dire. Sans aucun tabou. Ça me ferait du bien d'aller... Voir quelqu'un tu sais. Pour parler de tout ça.

- Tu veux aller voir un psy ? demanda-t-elle.

- Je crois que ça serait bien.

- Tu as raison. Si tu penses que ça peut t'aider, je suis pour. On va regarder si on peut en trouver un à Paris, d'accord ? Elle hocha la tête. Aria se mordit la lèvre, peut-être que sa soeur n'était pas si apaisée que ça finalement. Une larme roula sur sa joue. Elle était décidément trop émotive ces derniers temps. Nina sembla paniquer un instant de voir sa soeur dans cet état.

- Tu sais, c'est juste que je veux y voir vraiment clair, tenta de la rassurer la blonde. Je veux aller de l'avant et je ne veux plus penser au passé. En tout cas, pas à ce qui fait mal.

- Je suis fière de toi Ninouche. Je suis contente que tu penses à ton avenir. Même si ton été ne s'est pas tout à fait passé comme tu le voulais.

- Moi, je les ai trouvées plutôt sympa ces vacances, nuança-t-elle. J'ai l'impression de vous avoir vraiment retrouvés.

- Tu sais, on s'est peut-être un peu égaré en chemin avec Pierre, mais tu ne nous as jamais perdus.

- Je ne vous remercierai jamais assez d'avoir toujours été là pour moi, avoua la blonde.

- Tu n'as pas à le faire. C'est ce qu'on fait pour sa famille tu sais. Et puis, il est temps de te mettre dans notre pacte à Pierre et moi. La benjamine fronça les sourcils, intriguée. Il y a six ans, on s'est promis d'arrêter de se remercier. Alors maintenant tu vas faire de même, ok ?

- Mais c'est pas comme ça que tu m'as élevée, se moqua-t-elle. C'est pas très poli, non ?

- Et me contredire, c'est comme ça que je t'ai élevée ? répliqua Aria.

- Liberté d'expression, c'est ça la nouvelle éducation non ?

- Tu as réponse à tout, toi ? Nina hocha la tête, d'un air fier. Le meilleur remerciement que tu puisses nous faire, c'est que tu t'épanouisses dans tes études. De t'éclater dans tout ce que tu entreprends.

- Ne t'inquiète pas, j'ai bien l'intention de retourner tout le lycée et d'aller au plus vite changer des pneus sur les circuits, indiqua-t-elle.

- Tout retourner, au sens figuré, hein ?

- Oui, enfin... Sa soeur prit un air sérieux. Non mais j'ai vraiment envie de réussir. C'est juste que je ne me laisserai pas marcher sur les pieds tu sais...

- Je n'en attendais pas moins de toi !

- Tu sais, une fille qui débarque dans un univers d'hommes... avança la jeune fille.

- Tu prendras conseil auprès de Pierre, sourit Aria.

- Pas sûre qu'il soit de très bons conseils, se moqua-t-elle finalement. »

Elles continuèrent à évoquer la future formation de Nina. Pour le moment, elle ne porterait que sur l'automobile au sens large. Mais Aria était heureuse de voir que sa jeune soeur était déterminée à faire carrière dans le sport automobile, et plus précisément en Formule 1. Le parcours était encore long. Il faudrait se spécialiser au travers de stages et gravir de nombreux échelons. Réussir à s'imposer dans un monde qui restait quand même encore majoritairement fermé aux femmes. Mais les choses étaient en train de changer doucement et elle était persuadée que la détermination de la blonde finirait par payer et que l'expérience qu'elle avait pu emmagasiner ces dernières années lui serait bénéfique.

Si Nina arrivait à poursuivre ses rêves, et surtout à les atteindre, la franco-italienne serait la plus heureuse. Ca montrait bien que tous les malheurs qu'elle avait connus étaient derrière elles. Qu'ils ne l'avaient pas entravés dans la conquête de ses ambitions. Et qu'elle pourrait vivre de la passion dont elle était tombée amoureuse, d'autant plus qu'elle la liait un peu plus à Pierre. Aria se réjouissait qu'ils partagent ce goût pour la vitesse. Et elle savait que ce n'était qu'un des points communs qu'ils avaient. Après tout, il avait largement contribué à son éducation. Et qu'on le veuille ou non, on lègue toujours quelque chose à ses enfants. Parfois malgré nous. Mais la blonde avait réussi à prendre le meilleur des différents mondes desquels elle était issue. Elle avait su trouver l'amour chez toutes les personnes qui l'entouraient. Et il parait que l'amour était le plus fort de tous les sentiments.

Qu'il pouvait déplacer des montagnes et survivre aux océans.

Qu'il pouvait réparer les coeurs et les faire battre à nouveau.

Qu'il faisait naître des papillons au creux de notre ventre et nous permettait de marcher sur l'eau.

Et c'est ce qu'Aria ressentait lorsqu'elle regardait sa sœur dans les yeux. Un amour familial déjà puissant. Mais il semblait qu'il y en avait un autre dénué de toute raison. Elle avait connu pendant quatre ans. Et qu'est-ce qu'elle se sentait vide maintenant.

...

LE SOLEIL & LA LUNE - PIERRE GASLYOù les histoires vivent. Découvrez maintenant