LE SOLEIL & LA LUNE - PIERRE GASLY

16. Une très très mauvaise idée.

« A little time with you is all that I get
That's all we need because it's all we can take »

-Daft Punk, Instant crush

···

Aria, Paris.

Une sonnerie vint troubler la paisible nuit parisienne qui s'était installée. La jeune femme s'empressa de la faire taire afin de ne pas réveiller le petit être qui dormait à ses côtés. Après avoir remonté correctement les draps sur son corps, Aria enfila son habituelle tenue de sport qu'elle avait religieusement préparée la veille, évitant ainsi de faire trop de bruit. Elle noua ses lacets et déposa un petit mot à Nina avant de fermer la porte. Cela faisait quelques temps maintenant qu'elle se permettait de laisser sa soeur seule pour aller courir, et parfois, quand elle ne trouvait vraiment aucun moyen de garde, travailler. Elle avait passé des heures à répéter avec elle tout ce qu'elle n'avait pas le droit de faire pour sa propre sécurité, et s'était assurée que sa cadette saurait réagir en fonction des différentes situations. De plus, leur voisine de palier, une vieille femme qui ne quittait jamais son sixième étage, lui rendait souvent service en acceptant de veiller sur la petite, et elle n'était donc jamais loin en cas de besoin.

Le vent frais en ces tous premiers jours de mars fouettait le visage de la franco-italienne alors qu'elle entamait ses premières foulées. Elle évitait de trop penser à ce qui lui avait pris. "Jamais deux sans trois." C'est qu'il espérait bien la revoir non ? Alors, quand elle avait vu qu'il était à Paris sur des comptes fans qui fleurissaient d'ailleurs sur son feed Instagram depuis qu'elle tapait tous les jours son nom dans la barre de recherche, elle avait fini pas lui envoyer un message. Sa raison espérait qu'il serait noyé parmi tous les spams qu'il devait recevoir et qu'il ne pourrait honorer le rendez-vous qu'elle lui avait fixé. Mais son coeur, lui, était poussé à connaître les raisons de l'attachement qu'il semblait lui porter.

Elle ralentit lorsqu'elle le vit au loin, déjà accoudé à une barrière face au canal Saint-Martin. Son cerveau lui criait de reculer, de tourner les talons et de faire demi-tour. A quoi jouait-elle ? Il était pilote en Formule 1 et elle lui donnait le défi de la battre au sprint. Elle avait déjà bien des choses à régler comme ça et elle ne voyait pas ce que ça pouvait bien lui apporter, à part flatter son égo. Ces derniers mois, tous ses actes étaient calculés en vue d'avoir une finalité utile. Elle réfléchissait décidément beaucoup trop. Ses pensées passaient en boucle dans sa tête. En boucle. En boucle. Et elles se stoppèrent alors que le châtain tourna son regard vers elle. Elle ne voyait plus le champion national mais juste un jeune homme. Après tout, elle pouvait bien s'accorder une parenthèse qui ne l'obligeait à rien, sauf, à courir plus vite que lui aujourd'hui.

Aria s'approcha alors de la rambarde et ne sachant comment engager la conversation, elle laissa son regard se perdre à l'horizon. Elle contemplait leurs souffles chauds s'évaporer dans l'air glacial. Elle ferma les yeux un instant pour profiter de ce moment de liberté pure qui ne se reproduirait pas avant longtemps.

« Qu'est-ce qu'il t'est arrivé ? se décida-t-il à brise le silence en désignant son bras plâtré d'un geste de la tête.

- Oh, ça ? Rien, j'ai glissé et je suis tombée.

- Et tu continues de courir ?

- On finit l'échauffement ensemble ? Elle changea de sujet ne voulant pas avouer à quel point elle avait besoin de ce moment pour se changer les idées. Pierre hocha simplement la tête, un sourire aux lèvres. Ils descendirent alors le long du court d'eau en petites foulées. Finalement, c'était la première fois qu'ils couraient ensemble, dans un même rythme, sans tenter de rattraper l'autre ou de lui échapper. Et c'était plutôt agréable.