34. Cicatrices.

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"All the souls that would die just to feel alive."

-Muse, Starlight

...

Aria. Monaco.

« On va y aller et laisser Nina se reposer... annonça la mère de Pierre sous les protestations de ses petits-enfants qu'elle avait accompagnés au chevet de l'adolescente.

- Allez les monstres, reprit le châtain, Ninouche est fatiguée... C'était vrai. Leur visite n'avait pas été de tout repos. Ses muscles et sa tête la lançaient. Mais son cœur et son mental étaient remplis d'énergie. Ça lui avait fait tellement de bien de voir la famille du pilote.

- On revient demain alors ! Exigea l'une des plus jeunes.

- On verra ça, je vous raccompagne, ajouta finalement son oncle avant de quitter la pièce à la suite de la petite troupe. »

Aria s'approcha du lit et entreprit de remettre correctement les couvertures pour qu'elle soit bien installée. La blonde lui proposa alors de faire une partie de jeu de cartes en attendant que son repas ne lui soit distribué. Son aînée s'installa à ses côtés et entreprit de distribuer les mains.

« Tu ne me laisses pas gagner parce que je suis dans un sale état ? Demanda Nina alors que ça lui semblait bien trop facile. Elle ne s'attendait pas à voir sa sœur fondre en larmes. Hey, c'est rien... Je vais bien.

- Je suis désolée, je voulais pas pleurer mais c'est le stress qui redescend... Elle attrapa sa main qui était si chaude. J'ai eu si peur. La jeune femme culpabilisa de craquer ainsi mais c'était plus fort qu'elle. Elle avait imaginé le pire. Et elle savait que jamais elle n'aurait pu s'en remettre s'il s'était produit.

- C'est à moi de m'excuser Aria. Tu as vu tous les problèmes que je te cause !

- Arrête de dire des bêtises. C'est à moi de veiller sur toi. Pas le contraire, souffla la brune.

- On veille l'une sur l'autre et on affronte les soucis ensemble, corrigea l'adolescente.

- Des soucis ? Où tu vois des soucis toi ? Tu es réveillée ! Et tout va bien ! Opposa-t-elle.

- J'ai l'impression que ça va même très bien, avoua malicieusement la plus jeune.

- De quoi tu parles ? Interrogea-t-elle le sourcil levé.

- De Pierre et toi, répondit l'adolescente. Je sais bien que vous n'êtes pas ensemble mais vous avez retrouvé votre complicité. C'est à cause de... enfin...

- Du carnet ? compléta la plus vieille.

- Ouais, Nina baissa les yeux. Pour ça aussi je suis désolée. J'aurais peut-être pas dû en arriver là.

- Disons que ça nous a permis de mettre les choses à plat alors je ne peux pas vraiment t'en vouloir, admit-elle dans un soupir.

- J'aimerai bien savoir ce qu'il contenait... Aria lui lança un regard interloquée qui lui montrait aussi qu'elle allait peut-être un peu loin, oubliant vite que son geste, bien que finalement bénéfique, ne relevait pas de sa responsabilité. Quoi ? Ça devait important pour que vous en soyez là maintenant... C'était une belle lettre d'amour ? Demanda l'adolescente, presque enthousiaste en sachant très bien que sa sœur aimait choisir ses mots avec attention. La brune s'apprêtait à ouvrir la bouche mais elle fut interrompue par le bruit de la poignée qui s'enclencha pour laisser la porter s'ouvrir sur Pierre.

- Qui écrit des lettres d'amour ? Lança-t-il pour se mêler à la conversation.

- Moi, dans le carnet, il paraît...

- Aria a une plume enflammée tu sais, se moqua le pilote alors que l'intéressée levait les yeux au ciel.

- Mais maintenant qu'on est au clair là-dessus, elle regarda le jeune homme pour l'interroger silencieusement. Il se contenta de hocher la tête. Il n'y a plus de raison que ce soit un secret, reprit-elle. Nina la regarda, décontenancée. Elle ne semblait pas sûre de ce que sa sœur voulait.

- Je ne veux pas... Enfin, ça ne me regarde pas. Je plaisantais hein ?

- Je crois que tu as le droit de comprendre ce qu'il s'est passé, continue l'aînée.

- Et que maintenant que c'est clair dans notre tête, on peut aussi se permettre de tout t'expliquer, compléta Pierre alors qu'ils s'installèrent tous les deux de chaque côté du lit. Il posa sa main sur celle d'Aria dans un geste affectueux, destiné à lui donner du courage et à lui montrer son soutien. Elle inspira un grand coup, provoquant une pointe d'anxiété chez sa sœur.

- Je... Tu venais de partir en vacances chez les Gasly, énonça la brune. J'ai été très malade et on ne comprenait pas pourquoi. On a dû aller à l'hôpital. Et... Elle prenait des détours mais il fallait qu'elle aille droit au but. Qu'elle dise cette vérité qu'elle avait beaucoup trop longtemps tue. Elle vit sa benjamine ouvrir la bouche, sûrement pour traduire son anxiété. Si elle interrompait, la franco-italienne était pratiquement sûre qu'elle ne pourrait pas arriver au bout de son histoire. Elle reprit alors la parole. Là bas, on m'a expliqué que je faisais un déni de grossesse. Ça veut dire que j'attendais un bébé, j'étais enceinte mais mon corps et mon cerveau me l'ont caché. Il n'y avait aucun des signes habituels. Et je ne m'en suis pas rendue compte, expliqua-t-elle de manière assez pédagogique. Une larme coula sur sa joue avant qu'elle ne puisse poursuivre. Elle l'essuya. Mais il y a eu un problème avec mon début de grossesse. Ça ne faisait que quelques semaines et... Sa voix ordinairement d'un naturel si affirmée se brisa dans un sanglot. Elle regarda Nina, ses yeux embués de larmes. Pierre se pencha pour la prendre dans ses bras. Aria savait que sa sœur avait compris. Mais elle devait aller au bout de son explication. On a pas réussi à traverser cette épreuve ensemble. Et c'était devenu trop difficile de s'aimer. C'est pour ça qu'on a fini par se séparer, conclut-elle en passant ses mains sur ses joues humides.

- Je... Je... hésita la jeune fille. Je suis désolée. Elle mit ses doigts devant sa bouche pour faire taire le cri d'horreur qui s'en échappait.

- Hey Ninouche, t'y es pour rien tu sais, répliqua le pilote en s'approchant d'elle pour l'étreindre à son tour.

- Je t'ai balancé des horreurs Aria. Je t'ai dit que tu avais été égoïste. Que Pierre aurait été mon papa et que j'aurais été une super grande sœur pour vos enfants... Je savais pas !

- Tu ne pouvais pas savoir Nina. On a voulu te préserver de tout ça mais on t'a quand même fait du mal. Maintenant, tout est clair entre nous. On n'est peut être plus la famille qu'on était, mais on peut rester uni à notre manière, relativisa la brune en se joignant au câlin collectif.

- À notre manière, répéta la jeune fille qui ainsi serrée entre les corps des amants d'autrefois semblait perdre de l'âge et redevenir une enfant qui avait tout l'amour de ceux qu'elle considérait alors comme ses parents. »

Aria était soulagée d'avoir enfin mis des mots sur cette période de sa vie. Elle n'avait jamais été habituée à arborer ses cicatrices. Elle les avait toujours dissimulées, comme elle pouvait, parce qu'elle pensait que c'était un handicap à son futur. C'était en réalité, et elle s'en rendait compte désormais, des béquilles qui l'aideraient à construire un peu plus sereinement son avenir.

...

A la fois on retrouve Aria, Pierre et Nina... À la fois on retourne sur des chapitres pas très heureux.

LE SOLEIL & LA LUNE - PIERRE GASLYOù les histoires vivent. Découvrez maintenant