29. La vérité.

1K 58 75
                                    

« L'homme est de glace aux vérités. Il est de feu pour les mensonges. »

-Jean de La Fontaine

···

Pierre. Paris.

Ils restèrent muets un long moment. Pierre voyait bien que les émotions défilaient à toute allure dans les yeux de la jeune fille qui débordaient de larmes. Tout y passait ! D'abord de la surprise. Puis il crut apercevoir une pointe de joie lorsqu'elle pensa que sa maison d'enfance à laquelle elle tenait tant était encore dans sa vie d'une certaine manière. Et puis l'incompréhension. Elle plissait les paupières comme si elle essayait de lire en lui les raisons qu'il l'avait poussées à agir ainsi. Et enfin, la colère. Et en voyant son visage se fermer, le pilote s'en voulut d'avoir dévoiler son secret. Surtout de cette manière. Il s'était promis de garder ça pour lui, le temps de trouver une manière douce de l'annoncer à Aria.

« Mais... C'était une société ?

- Je savais que tu ne voudrais pas que je l'achète alors je suis passer par une société immobilière pour ne pas mettre mon nom sur les papiers. Il n'était pas stupide. Il savait très bien qu'elle refuserait sa proposition. Elle semblait avoir beaucoup trop de fierté.

- Bien sûr que j'aurai dit non ! S'écria-t-elle. Pourquoi tu as fait ça ? Et pourquoi tu m'as menti ?

- Je voyais bien que ça te faisait du mal de t'en séparer. Aria, cette maison, c'est l'histoire de ta famille. C'est précieux, s'expliqua-t-il.

- Je te faisais confiance Pierre ! Et tu comptais faire quoi ? Me donner les clés et m'inviter chez moi ? Je sais qu'on ne se connaît pas beaucoup mais à quel moment tu as pu croire que j'accepterai ça ?

- Tu avais besoin de la vente pour vivre et pour te permettre de souffler un peu, reprit-il calmement. »

Lorsqu'il avait réfléchit à cette solution ça lui avait semblé la chose à faire. Et jusqu'à présent, ça marchait plutôt bien. Elle avait plus de week-ends et de soirées pour s'occuper de sa sœur et passer des moments avec elle. Lorsque le pilote l'avait vue, rayonnante ce matin, il avait tout de suite trouvé qu'elle semblait apaisée et moins fatiguée qu'à l'ordinaire. Ça l'avait conforté dans son idée qu'il avait finalement pris la bonne décision.

« Alors quand je t'ai dit que j'allais m'en occuper, j'ai envisagé les options. Je l'ai achetée, je voulais la faire rénover un peu et la remettre en état. Une fois fait, je t'en aurais parlé pour que tu décides quoi faire. Tu aurais pu la louer par exemple. Et puis, après, tu me l'aurais rachetée petit à petit avec le loyer.

- Mais tu t'entends ou pas ? Tu as acheté une maison pour moi ? POUR MOI ?! Hurla-t-elle en détachant chaque mot et en tapant sur sa poitrine avec son doigt. Pour une fille que tu ne connais pas ! Je ne comprends pas... Je sais que tu peux sûrement le te permettre mais je ne comprends pas tes raisons !

- Je te l'ai dit Aria, je tiens à toi. Bien plus que je ne pourrai l'avouer sans paraître ridicule, pensa-t-il. Ton histoire m'a touché...

- Mais je ne veux pas de ta pitié ! S'exclama-t-elle.

- Ce n'est pas du tout pour ça que je l'ai fait, rétorqua-t-il un brin vexé.

- Ah oui ? Alors pourquoi ? Qu'est-ce que ça t'apporte ?

- Je n'ai pas acheté ta maison pour obtenir quelque chose de toi, ou pour te faire du chantage, reprit-il blessé qu'elle puisse penser une telle chose. Je me suis juste reconnu dans ton parcours parce que nous avons les mêmes valeurs : le sens de la famille, la détermination, les sacrifices... Je me suis dit que à ta place, j'aurai aimé que quelqu'un me soutienne et se batte pour moi. Pourquoi ça t'es si difficile d'accepter l'aide de quelqu'un Aria ? »

Pierre avait les larmes aux yeux. Il savait que la jeune femme ne sauterait pas au plafond lorsqu'il lui apprendrait ce qu'il avait fait. Mais il espérait qu'elle soit moins catégorique dans son refus, qu'elle accepte que des gens puissent se soucier un peu d'elle et de son bonheur. Il avait face à lui une fille qui semblait brisée. Et n'en sachant pas les raisons, il lui était difficile de connaître la marche à suivre pour l'aider.

« Pourquoi la vie m'aiderait maintenant en te mettant sur mon chemin alors qu'elle ne m'a jamais fait de cadeau ? répondait-elle finalement. Elle avait cessé de pleurer. Elle semblait juste remplie de haine, en colère contre le monde entier.

- Si tu ne prends pas le risque, tu n'auras jamais l'opportunité de découvrir ce qu'elle peut t'offrir.

- J'essaye d'apprécier ce que j'ai actuellement. Je ne veux plus me mettre en danger, c'est si dur que ça a à comprendre ? Je refuse d'être faible, soupira-t-elle finalement. C'était un discours que Pierre tenait aussi souvent. Mais il savait qu'il n'avait pas un effet très positif sur lui et sur ses actions.

- Mais Aria, ce n'est pas être faible que de vivre ta vie. Tu as 22 ans et tu t'en empêches ! »

Il n'arrivait pas à déterminer si elle était consciente de ce à quoi elle renonçait. Des quelques photos de Nina qu'il avait reçues, il n'avait pu déduire que Aria ne fréquentait que deux personnes : ses amis Thomas et Lucie. Le reste du temps, elle le passait au travail ou avec Nina. Elle se levait aux aurores pour aller courir. C'était là le seul moment qu'elle s'accordait pour elle-même.

« J'ai Nina, j'ai pris des responsabilités envers elle. Elle s'était calmée, ce qui avait rassuré le pilote qui réalisa qu'ils étaient sûrement en train d'avoir leur première discussion sincère. Elle se confiait, et il appréciait cette preuve de confiance.

- Ne te cache pas derrière cette excuse, elle peut comprendre que tu as besoin de temps pour toi...

- Tu ne sais pas de quoi tu parles Pierre ! Elle fixa ses yeux. Son regard était noir et glaçant. Il sût à ce moment qu'elle cachait un lourd secret. À chaque fois que je la laisses pour aller travailler, j'ai une boule au fond de ma gorge. Je me sens obligée de lui expliquer ce que je fais, de me justifier, de lui dire à quelle heure je rentre et je mets un point d'honneur à ne jamais être en retard. Je ne veux pas qu'elle pense qu'encore une personne l'abandonne, tu comprends ? La jeune femme semblait à bout, prête à s'effondrer à force de porter le monde sur ses épaules. Elle gardait tellement ses sentiments pour elle que ça la bouffait de l'intérieur.

- Aria, tu sais que tu es son héroïne. Elle peut faire la différence. Il faut juste lui expliquer...

- Comment veux-tu que je lui expliques qu'elle se retrouve coincée avec moi parce que son père est en taule parce qu'il a tué notre mère et que je suis tellement égoïste que je n'ai pas voulu me séparer d'elle et accepter qu'elle soit envoyée dans une famille ? Le coupa-t-elle. »

Ça y est, c'était sorti. Elle avait lâché son secret, fait exploser sa bombe. Pierre avala sa salive. Que pouvait-il répondre face à autant de détresse. Il se retrouva incapable de prononcer un mot et se fustigeait intérieurement d'être dans un tel état. Ne jamais se laisser surprendre. Et pourtant...

« Tu comprends pourquoi je n'ai pas le temps de m'occuper de moi ? J'ai un million d'autres responsabilités à gérer. Alors, je ne veux pas de toi et ta petite vie parfaite qui achetez une maison pour améliorer la vie de la pauvre fille qui n'a plus rien et surtout plus de famille. Tu peux garder l'immeuble. Je n'en veux plus. Ça me rappelle trop de mauvaises choses. Le pilote essayait d'analyser ses paroles, de trouver quelque chose à répondre. Il sentait qu'elle lui échappait et il voulait essayer de la rattraper, de la saisir pour qu'elle reste auprès de lui. Tu vois, je t'avais dit que nous ne vivions pas dans le même monde. Je t'intéressais seulement parce que j'étais la petite lumière mystérieuse qui courait dans la nuit. Mais maintenant, tu sais la vérité. Je m'en vais, et cette fois, je ne me retournerai pas. Et je ne te laisserai pas m'avoir. »

Pierre ouvrit la bouche. Mais rien n'en sortit. Il voulut avancer, faire un pas. Mais il en était incapable. Son cerveau, son corps et son coeur ne jouaient plus dans la même équipe. Plus aucun de ses membres ne répondait alors que tous les progrès qu'ils avaient faits partaient en fumée devant lui. Et il assistait à ce brasier sans pouvoir l'éteindre. Et qu'est-ce que ça le brûlait de l'intérieur ! Et qu'est-ce que ça faisait mal !

···

C'est la partie de toutes les révélations...

RDV demain pour le dernier chapitre de cette section.

LE SOLEIL & LA LUNE - PIERRE GASLYOù les histoires vivent. Découvrez maintenant