16. L'ouragan.

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"When you feel my heat
Look into my eyes
It's where my demons hide
It's where my demons hide
Don't get too close
It's dark inside
It's where my demons hide
It's where my demons hide"

-Imagine Dragons, Demons

...

Pierre. Monaco.

Le jeune homme franchit la porte de son appartement et la claqua derrière lui. Il avait hâte de rentrer de cette longue journée durant laquelle il avait fait l'aller-retour sur la capitale pour des réunions avec l'écurie. Il voulait mettre les pieds sous la table, déguster un bon repas et regarder une comédie pour rire avec Nina.

« Ninouche ? » appela-t-il en se dirigeant dans la cuisine puis dans la chambre que l'adolescente occupait. Pierre fût surpris de trouver la pièce vide. Il soupira un instant et regarda son téléphone pour constater qu'il n'avait pas eu plus de nouvelles de la jeune fille depuis qu'elle lui avait indiquée qu'elle partait se balader sur la plage. Il essaya alors de lui téléphoner mais entendit seulement la lourde sonnerie puis son répondeur. Il poussa un long souffle en s'asseyant sur son lit et plongea sa tête dans ses mains. Qu'est-ce qu'il faisait mal ? Il lui laissait peut-être trop de liberté. Il réessaya une nouvelle fois de la joindre mais coupa instantanément l'appel quand il fût interpellé par un bruit sourd provenant de l'entrée.

Pierre se déplaça rapidement vers la source du fracas, persuadé d'avoir fermé la porte. Il trouva Nina allongée par terre au milieu des débris du vase qu'elle avait dû entrainer dans sa chute. Paniqué, il s'empressa de l'aider à se relever et constata qu'elle riait aux éclats. Elle semblait complètement ailleurs.

« Ninouche ? Il fronça les sourcils et fixa ses yeux vides. Voilés. Sûrement embrumés par une vague d'alcool qu'elle avait ingurgitée. Le coeur du français se serra. Elle allait mal à ce point ?

- Oh, Pierre ! dit-elle en se forçant à articuler. Je suis vraiment désolée pour le vase.

- C'est pas grave, la rassura-t-il en la prenant dans ses bras pour l'emmener vers la salle de bain. Tu es capable de prendre une douche ?

- Je sais pas. Ça tourne, Pierre... Ça tourne. Le pilote soupira et la porta pour l'installer dans la baignoire avant de diriger le pommeau sur elle, laissant l'eau ruisseler sur sa robe. Mais, qu'est-ce que tu fais ? Je suis encore toute habillée ! rit-elle. Puis elle se redressa pour ôter son vêtement.

- Non, Nina ! soupira-t-il. Il lui tendit une serviette et frotta ses épaules pour la sécher. Il la guida ensuite vers sa chambre et posa son pyjama sur le lit. Tu te changes ? demanda-t-il alors que la blonde se contenta d'hocher la tête avant de grimacer en se rappelant du mal qui l'habitait. Elle se laissa ensuite tomber sur le canapé et Pierre lui tendit un verre. Bois, c'est un remède anti-gueule de bois. Je ne pensais pas avoir à te préparer ça d'aussitôt.

- Merci, souffla-t-elle en portant la boisson à ses lèvres alors qu'elle semblait écoeurée. Pas merci en fait.

- Tu me remercieras demain.

- Je croyais qu'Aria t'avait appris à bien cuisiner. Ce truc, c'est pas bon du tout ! Elle s'enfonça dans le sofa.

- Fais une petite sieste, conseilla-t-il en ignorant ses remarques. Je te prépare un bon plat de pâtes pour te remettre. Elle s'allongea et il disposa un plaid sur son corps en passant une main dans ses cheveux. »

Il la regarda s'installer confortablement et fermer les yeux. Il sortit le nécessaire pour lui cuisiner un généreux repas. Qu'est-ce qui avait traversé la tête de l'adolescente pour se mettre dans cet état ? Elle qui semblait si mature et si réfléchie.

Une fois son repas au four, Pierre s'installa aux côtés de Nina pour consulter son téléphone. Que devait-il faire ? Quand elle avait des doutes sur l'éducation de sa soeur, Aria se confiait à lui. Ils échangeaient à ce sujet. En débattaient. Et il savait que son avis avait toujours été le bienvenu. Elle le respectait. C'était ainsi que devait, à son sens, fonctionner une famille. Mais lui, qui pouvait-il appeler ? Certainement pas son ex-copine qui lui avait fait confiance en lui laissant la prunelle de ses yeux. L'un de ses frères ? L'une de ses belles-soeurs ? Sa mère ? Le pilote se sentait tout à coup bien seul. Il n'avait envie d'appeler aucune de ces personnes car il ne voulait pas expliquer cette situation ou les raisons qui l'avaient poussé à agir ainsi. Il était sûrement tout aussi perdu que la jeune fille qu'il il prétendait pourtant pouvoir l'aider. Un profond soupir s'échappa de ses lèvres alors que les paupières de Nina papillonnaient.

« Alors, la Belle au Bois Dormant ?

- Je crois que des excuses ne seront pas suffisantes, murmura-t-elle encore vaseuse.

- Sauf si tu m'expliques pourquoi tu as fait ça, précisa-t-il.

- Je... Je sais pas trop. Il voyait qu'elle était embarrassée. Elle semblait gênée.

- Je ne le dirais pas à Aria si c'est ce qui t'inquiète. Elle ouvrit la bouche. Et ne me remercie pas. On se ferait tuer tous les deux. Un long silence s'installa entre eux. Pierre savait qu'il devait prendre les devants. Ninouche, écoute. La semaine dernière, je te trouve en train de fumer. Aujourd'hui, tu rentres bourrée. Je... Je sais que tu n'as pas les mêmes préoccupations que les ados de quinze ans. Mais tu connais les risques de ces conneries. T'es mâture, t'es intelligente. Alors pourquoi tu as fait ça ? demanda le châtain.

- Je... J'ai toujours tout bien fait ! explosa-t-elle. Je travaille à l'école. J'aide Aria comme je peux. Je suis pas trop rebelle. Je suis polie. J'essaye d'être gentille. J'essaye d'être la petite fille que Nonnina a élevée. De faire en sorte que ma soeur soit fière de moi, avoua-t-elle. Mais à quoi ça sert si je peux pas faire ce que je veux de ma vie ? A quoi ça sert de suivre le chemin correct si au final je suis punie ? Si on me prive de tous ceux que j'aime ?

- Nina, j'ai... Il fût interrompu par la sonnerie de son téléphone lui rappelant qu'il était temps de sortir le plat du four. Il se leva à contre-coeur pour se diriger dans la cuisine et l'invita à venir s'asseoir de l'autre côté du comptoir pour déguster le repas.

- Merci, dit-elle alors qu'il lui tendait une assiette.

- Je ne sais pas trop à quoi ça sert. Je ne peux pas te dire qu'il y a un sens à tout ça. Mais je sais que tu es une battante. C'est ça ton héritage ! affirma-t-il. Et quoiqu'il t'arrive, tu mèneras la vie que tu entends. Peut-être que ça ne sera pas pour tout de suite, mais tu retrouveras ceux que tu aimes. Leur amour ne faiblira pas parce que tu es éloignée d'eux pour un temps. Ils t'attendront.

- Et toi ? Tu m'attendras ? demanda-t-elle d'une petite voix.

- Toujours. Elle hocha la tête avant de porter sa fourchette à sa bouche. »

Encore une promesse qu'il n'était pas sûr de pouvoir tenir. Parce qu'il n'avait pas le contrôle sur tous les éléments qu'elle allait devoir affronter. Et qui pouvaient potentiellement les séparer. Il pouvait seulement se tenir là. Près d'elle. Et l'épauler. Et être présent. Attendre que l'orage passe. Que la tempête se déchaîne. Rester debout. Et se résoudre à la décision qui serait prise.

Il pensait aux différents scénarios de son avenir. Un futur radieux dans lequel elle serait présente. Un où une partie de son coeur ne serait pas comblé parce qu'elle en était absente. Nina n'allait pas bien. C'était un fait. Il se tournait et se retournait dans son lit, ne sachant quoi faire pour l'aider. Il attrapa son téléphone, tapa un message puis l'effaça instantanément. Il souffla et joua avec ses doigts un long moment. Il pianota encore un instant, éteignit l'écran puis fixa le plafond. Parfois, il fallait prendre les devants. Provoquer l'ouragan.

...

LE SOLEIL & LA LUNE - PIERRE GASLYOù les histoires vivent. Découvrez maintenant