3. Bleu.

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"All I want is nothing more
To hear you knocking at my door
'Cause if I could see your face once more
I could die as a happy man I'm sure"

-Kodaline, All I want

...

Aria. Paris.

Le son fracassant de la porte refermée dans un violent claquement passait en boucle dans la tête de la jeune femme. Elle s'en voulait. Elle avait réagi beaucoup trop tard, incapable de bouger face à cette scène. Elle avait essayé de courir après sa sœur qui avait réussi à la semer dans la foule qui agitait les rues parisiennes.

Aria regagna l'appartement en vitesse pour attraper son smartphone et essayer de contacter Nina. Elle était confrontée à l'attente puis tombait sur son répondeur. Elle insista pour finir par avoir directement sa messagerie. Elle avait dû simplement couper son téléphone. La brune ne comprenait pas pourquoi sa cadette avait réagi ainsi. Elle se repassait le film en boucle dans sa tête. Les gants de boxe. Les places pour le gala. Le livre photo. La carte du monde. Le guide de voyage. Le paquet bleu encore fermé. La lettre.

Elle s'en empara pour tenter de comprendre pourquoi cela avait provoqué un cataclysme au sein du foyer. Nina ne perdait que rarement sa joie de vivre. Elle se montrait toujours enjouée et positive. Aria admirait cette qualité chez elle et espérait ne pas avoir été un mauvais exemple qui ne laissait que trop rarement ses émotions la submerger. L'ainée savait d'expérience que trop se contenir était mauvais, surtout quand tout finissait par exploser. Cela finissait dans le chaos et dans les cendres et il était difficile de tout reconstruire. Elle trembla légèrement à son tour baissant les yeux et parcourut les quelques lignes de jargon administratif avant de s'arrêter sur une phrase. La phrase qui avait bouleversé sa cadette.

« Nous vous informons que le prévenu, G. Blanchard, incarcéré à la maison d'arrêt de Rouen, a fait une demande de libération conditionnelle après avoir effectué douze ans de sa peine qui en prévoyait initialement dix-huit conformément au jugement rendu le 15 juillet 2016. »

Sa tête tournait. Elle dut s'asseoir pour digérer la nouvelle. Elle savait que sa sœur était de plus en plus réticente à l'idée d'aller voir son père en prison. L'innocence enfantine qui voulait apprendre à le connaître avait laissé place à la désillusion. Cette nouvelle chamboulait un peu plus tout l'avenir qu'elles étaient en train de construire toutes les deux. Une nouvelle fois. Il allait falloir revoir une grande partie de leurs plans. Parce que cette libération entraînerait sûrement une réattribution de la garde de Nina dont son père était légalement le tuteur.

Alors, elle attrapa son vélo et commença à pédaler. Aller ici et là. Sa soeur était forcément quelque part. La salle de boxe pour aller se défouler ? Personne. Le parc des buttes de Chaumont où elles allaient souvent se promener ? Personne. Elle en refit trois fois le tour. Personne. Le long du Canal Saint-Martin où elles allaient parfois courir toutes les deux ? Elle descendit côté rive gauche puis remonta en longeant la rive droite. Personne. Elle alla sonner chez les parents de sa meilleure amie Marie. Personne. Elle rentra chez elle pour voir si, une fois calmée, sa soeur avait finalement décidé de regagner l'appartement. Là encore, personne.

Aria se laissa tomber contre la porte. Ses larmes inondaient son visage et elle peinait à respirer. Une crise de panique. Cela faisait plusieurs mois qu'elle n'en avait pas faite. Elle plaça ses mains à la base de son cou, comme si elle pouvait ouvrir sa cage thoracique. La mettre à nu. Et que ses poumons puissent être branchés en direct sur l'air ambiant. Sa gorge était nouée. Plus rien ne passait par sa trachée. Elle avait l'impression de se noyer. D'assister à sa propre mort. Elle n'entendait que son coeur qui tambourinait contre sa poitrine et qui pulsait contre ses tempes.

LE SOLEIL & LA LUNE - PIERRE GASLYOù les histoires vivent. Découvrez maintenant