« Partir parce que l'on a trop grande envie de rester ! »
-André Gide, Les faux monnayeurs
···
Aria, Paris.
Un long soupir. C'est ce qui résumait la nuit mouvementée d'Aria qui n'avait pas été capable de fermer l'œil. Ses pensées tourbillonnaient dans sa tête et formaient une boucle sans fin. Elle n'arrivait pas à se défaire du visage du pilote, comme si ses traits étaient incrustés sous ses paupières. Son sourire, lorsqu'il avait pensé se rendre utile. Puis sa surprise devant la réaction d'Aria. Et enfin, sa déception lorsqu'elle lui avait fait comprendre qu'il ferait mieux de s'en aller. Un sentiment de culpabilité avait fait place à la colère qu'elle avait contenue et envahissait maintenant tout son esprit. La jeune femme s'était autorisée à lâcher prise une toute petite soirée. Et elle était vite redescendue sur Terre.
Elle n'avait pas honte de sa situation, elle savait que c'était provisoire, du moins jusqu'à temps qu'elle arrive à vendre la maison en Italie et qu'elle termine définitivement ses études. Ce qui pouvait malgré tout prendre encore un petit moment, l'histoire de quelques mois. Elle s'en voulait d'imposer un tel cadre de vie à sa soeur, mais il lui était impossible de trouver un nouveau logement tant que la succession n'était pas assurée et qu'elle n'avait pas plus de moyens à sa disposition.
La réaction d'Aria s'expliquait par le fait qu'elle ne voulait aucunement susciter la pitié. Elle était consciente que la vie de Pierre était bien différente de la sienne. Et pourtant, cela ne lui avait pas empêché d'apprécier l'agréable soirée qu'ils avaient partagée en toute simplicité. Elle le lui avait déjà expliqué : elle voulait connaître l'homme, le pilote ne l'intéressait pas. La jeune femme aimait s'arrêter sur les détails et creuser les personnalités de son entourage. Mais en repoussant le rouennais ainsi, elle montrait bien que les deux identités qu'elle s'efforçait de dissocier rentraient forcément en collision à un moment ou à un autre. Et que l'une de ses faces n'existait que grâce à l'autre.
Elle s'empressa finalement de se décider à chausser ses baskets pour aller courir, la seule chose qui lui garantissait de parvenir à chasser ses pensées de son esprit. Elle referma doucement la porte pour préserver le sommeil de sa petite sœur qui dormait encore à poings fermés. Elle dévala les escaliers et poussa la porte pour laisser l'air frais du matin frapper son visage. Elle poussa alors la lourde porte qui donnait sur la rue et lâcha un grand soupir lorsqu'elle tourna la tête. Il était là, en tenue de sport, adossé contre le mur et il la regardait de ses yeux azur dont la couleur fascinait tant Aria. Elle avait peur d'engager la conversation, ne sachant trop par où commencer. Voilà que ses pensées recommençaient à refaire surface toutes en même temps.
« J'espérai que tu respectes les traditions... souffla-t-il en s'approchant d'un pas.
- Tu ne lâches jamais hein ? soupira-t-elle.
- Jamais. Tu l'as déjà constaté hier.
- Alors tu as intérêt à t'accrocher, répliqua sèchement la jeune femme en partant en petites foulées. »
Il la suivait, sans prononcer le moindre mot. Il semblait accepter son besoin de faire le point sans pour autant vouloir renoncer à l'abandonner dans la nuit parisienne. Aria ne parvenait pas à déterminer si son comportement l'énervait au plus haut point ou s'il la rassurait. Cela lui prouvait que le peu de choses qu'ils avaient partagé comptait réellement à ses yeux. Et elle commençait également à y donner de l'importance. La jeune femme était loin d'accorder sa confiance aussi facilement et pourtant elle se laissait attendrir par ses yeux bleus et la sincérité qu'il s'en dégageait.
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LE SOLEIL & LA LUNE - PIERRE GASLY
RomanceLui est pilote en F1 et ne pense qu'à travailler pour son avenir. Elle est étudiante et a tout perdu. Ou du moins, elle a beaucoup perdu et elle vit pour échapper à son passé. Une frontière sépare leurs deux mondes. Mais pourtant, ils se rencontrent...