54. Amour.

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"Stop pretending, you've got
(Everything now) I need it
(Everything now) I want it
(Everything now) I can't live without
(Everything now) I can't live without
(Everything now)"

-Arcade Fire, Everything Now

...

Nina. Le Mans. Août 2031.

La voiture s'arrêta sur le parking. La jeune femme poussa un long soupir. Les deux heures et demi de trajet étaient passées rapidement. Ils avaient discuté de plein de sujets, et surtout, de Formule 1. Ils avaient ri, écoutant une playlist aux airs légers en fond.

Mais depuis qu'ils avaient pénétré à l'intérieur de la ville, Nina sentait une boule se former au creux de sa poitrine qui nouait son estomac. Son conducteur avait respecté son désir de silence. Il tourna la tête vers elle et posa sa main sur son genou, le serrant légèrement pour lui transmettre de la force et son courage.

« On y est... indiqua-t-il plus pour lui-même. »

Elle l'avait bien constaté. Ça faisait des mois qu'elle parlait de son désir d'intégrer cette école et cette formation. Elle était enchantée à l'idée de toucher un peu plus son rêve du doigt. Mais désormais, la jeune femme était prise d'une certaine angoisse.

C'était la première fois qu'elle quittait Pierre et Aria pour un long moment. Ils ne l'avaient pas vraiment couvée, mais ils l'avaient prise sous leurs ailes. Ils l'avaient guidée. Ils avaient pris soin d'elle. Et aujourd'hui, elle devait quitter le cocon familial. S'envoler. Pour construire son propre avenir. Et bien qu'elle avait hâte de commencer ce nouveau chapitre de sa vie, elle était aussi terriblement triste à l'idée de ne plus vivre quotidiennement avec ses parents, son frère et sa soeur.

« Hey Ninouche ! l'interpella Pierre pour la sortir de ses pensées. Ça va bien se passer. Tu vas faire des trucs incroyables !

- Je sais... C'est juste que... Elle hésita à l'idée de lui confier ses peurs.

- C'est la première fois que tu te sépares de Aria, je comprends. Il la connaissait. Après tout, il avait grandement contribué à son éducation.

- Ouais... admit-elle. Je sais que maintenant je suis majeure et que je dois vivre ma vie. Désolée, c'est ridicule de paniquer maintenant.

- Non, c'est pas ridicule. Et tu auras trente ans que tu seras encore notre bébé, se moqua-t-il alors qu'elle leva les yeux au ciel. Il prit sa main. Tu sais, quand j'ai débarqué ici à treize ans, moi aussi j'ai eu peur de partir.

- T'avais treize ans, c'est différent.

- La peur reste la même, relativisa-t-il. C'est le premier grand départ. Elle joua avec ses doigts et les fit craquer les uns après les autres, ce qui trahissait une angoisse que Pierre s'empressa d'essayer de calmer. Qu'est-ce qui t'inquiète vraiment ?

- J'ai voulu... Enfin, je suis heureuse de porter ton nom, dit-elle en souriant. Mais, est-ce que... Est-ce que tu serais vexé si... si je ne me servais que de Gallo ici ? »

La boule dans sa gorge semblait avoir grossi d'un seul coup. Elle déglutit difficilement. Elle se sentait honteuse. Il y a deux mois à peine, elle lui demandait de l'adopter légalement. Aujourd'hui, il lui semblait que ce nom était dur à porter.

« Je veux dire... J'aimerai faire mes preuves sans qu'on ait d'a priori sur moi. »

Elle osa enfin lever les yeux vers lui pour affronter son regard qu'elle imaginait dur et froid. Et pourtant, il était doux et il ne semblait aucunement vexé.

LE SOLEIL & LA LUNE - PIERRE GASLYOù les histoires vivent. Découvrez maintenant