Chapitre 15 - Le gardien

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Leurs vies se résumaient à des lignes sur une carte, des lignes destinées à être effacées.

Ronan avait flairé une piste et ne comptait pas la laisser refroidir ou se faire doubler par son père. Il était aussitôt parti contacter les jumelles, qu'elles étendent leur surveillance à Detire.

Typhenn restait seule avec les voies romaines,comme si elle pouvait se retrouver sur la route entre Alexandrie et Tyr. Sous ses yeux, les deux points semblaient infiniment proches.Jamais elle n'aurait imaginé que Esteban Detire, le jeune homme dont elle avait interrompu la cérémonie puisse devenir une cible.Par les dieux, elle croyait à peine au rôle qu'on lui donnait. Il devait y avoir erreur.

Les informations de Nora leur confirmaient que les Alexandre constitueraient la dernière pièce. En la gardant en sécurité, ils conservaient l'avantage et pouvaient s'occuper des autres. Dans quelques jours, Esteban la rejoindrait dans le fort.Elle ne voulait pas rester derrière, pas encore. Rien que l'idée d'attendre lui donnait envie de mettre cette carte jaunie en pièce.

Son attention s'arrêta au couteau couleur parchemin. Nora l'avait placée sur un coin de la carte et n'avait pas vu Yan le glisser dans sa poche puis l'échanger avec un coupe-papier qu'il avait ramassé les dieux savaient où. Sur le moment, Typhenn n'avait rien dit pour lui éviter les ennuis. Elle l'avait récupéré dans sa poche lorsque Ronan l'avait raccompagné. Les symboles noirs taillés dans l'os ressemblaient à s'y méprendre aux marques des druides.

Le couteau valsait dans sa main, obéissant à la moindre poussée, sous les yeux curieux du petit aigle toujours perché sur le dossier du siège qu'avait occupé Orlène. Elle tenait entre ses mains une arme de jet équilibrée à la perfection.

Une horloge sonna, masquant le bruit de pas décidés jusqu'à ce qu'ils se présentent devant la porte. Typhenn s'empressa de le cacher sous les coussins lorsqu'Isla apparut dans l'encadrement de la porte. La jeune fille ne pouvait pas savoir qu'il appartenait à Nora, néanmoins leur interdiction de posséder un akhamé demeurait en vigueur.

Le rapace disparut dans un coin sombre de la cheminée.

— Il paraît que tu as peur de m'affronter. Isla faisait de gros efforts pour éviter de la regarder, préférant se concentrer sur la table.

Typhenn fronça les sourcils.

Avait-elle écouté sa conversation avec Yan ? Il n'aurait pas osé vendre la mèche, si ? Elle n'aurait pas pu en entendre parler autrement.

— Tu te défiles. Hum, Alexandre, la jeune fille souffla son nom comme s'il voulait tout dire. Elle repoussa ses grosses mèches roulées derrière une épaule. Tu n'as rien d'honorable.

Typhenn frappa la table du plat de la main. Le plateau vibra. Isla sauta en arrière.

Et tu as peur de moi, pensa-t-elle sans dissimuler son sourire, puis elle replia lentement le parchemin. Les objets qui le retenaient roulèrent sur la table.

— Tu as entendu ça où ? s'enquit Typhenn, l'air faussement détaché.

Isla retrouva sa contenance étonnamment vite,s'affublant de l'air supérieur qu'on affiche lorsqu'on sait ce que les autres ignorent.

— Tu ne vois vraiment pas plus loin que le bout de ton nez. Nous possédons des yeux et des oreilles partout.

Elle parlait par énigme sans autre motif que le simple désire de l'insulter, de la rabaisser. Typhenn ignora la pique. Une idée qui naissait depuis deux jours prit enfin forme.

—  C'est vrai, je voulais te laisser poireauter pour rien. Que je gagne ou que je perde, je n'ai que la satisfaction de t'avoir battu, Typhenn ponctua ses paroles d'une moue ennuyée. Et entre nous, elle ne serait pas très haute.

La porte d'AkerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant