— C'est lui.
Typhenn fronça des sourcils.
— C'est vraiment lui, se répéta-t-il avec plus d'insistance.
Elle s'avança vers lui, comprenant qu'il avait reconnu l'assassin de sa famille en voyant le chef des rôdeurs.
— Ton cousin, Rafe. C'est lui qui est arrivé après le massacre. Il s'est penché sur moi, et il a vérifié si j'étais mort. C'est lui qui a emporté ma sœur.
— Tais-toi.
Typhenn recula jusqu'à la porte, un simple pas et son dos heurta la surface du bois neuf. Elle se détourna. Elle ne voulait pas entendre un mot de plus.
— Tu ne me crois pas, souffla Yan beaucoup moins fort. Je comprends. Il est de ta famille.
La compassion dans sa voix l'agaça profondément.
La part rationnelle d'elle-même le croyait, en dépit de toutes les autres qui hurlaient au mensonge. Rafe paraissait le coupable idéal, depuis le début. Il était trop malin pour laisser autant d'indices converger vers lui. Pourtant, comme Ronan l'avait mentionné, personne ne pouvait savoir ce qu'il se passait dans sa tête.
Rafe n'aurait jamais massacré sa famille. Or,sa présence ici le condamnait. Elle ne lui trouvait plus d'excuses.Les faits contredisaient ce qu'elle pensait savoir.
Une autre réalité la frappa, la secouant d'un rire nerveux. La création d'un pharaon d'Isefet lui apparut comme une conséquence dérisoire. Elle obtiendrait certainement ses réponses, mais elle devrait mourir pour la vérité. Il n'y aurait pas de justice, ni pour Yan ni pour Ronan, pour personne. Son rire glacial fut suivi d'un silence pesant. Une boule féroce qui ne demandait qu'à remonter et sortir l'empêchait de respirer.
Le verrou cliqua. Par un hasard du destin, Sophie apparut dans l'ouverture. La terre souillait ses affaires comme après une semaine passée en forêt. Une ligne noire crottait ses ongles. Ses bras dénudés étaient aussi roses que le bout de sonnez. Peut-être que les dieux exerçaient une certaine justice de là où ils se trouvaient.
— Tu sais où il est. Il ne t'aurait pas laissé partir sans surveillance.Dis-moi où Ronan se cache, la menaça Sophie la voix enrouée. Elle paraissait plus que jamais sur la brèche, presque folle.
— Où est ton frère ? Va jouer ailleurs, répliqua âprement Typhenn. Elle la congédia comme on balaye un moustique.
Le visage de Sophie pâlit, se déformant de colère auquel se mêlèrent des larmes. Avant qu'elle puisse réaliser la portée de ses paroles, Sophie transformée en spectre vengeur l'attrapa par la plante des cheveux. Elle la traîna ainsi à travers le palier et la jeta dans l'escalier.
— Je vais te botter le cul jusqu'à ce que t'en saignes de remords.
Typhenn vit le début de sa chute, le reste se perdit dans un tourbillon de haut et de bas.
Elle se redressa lentement, trop lentement. Elle était certaine d'avoir un truc de déplacé quelque part sur la guirlande de bleues qui pulsait sur son corps. Chaque coin de marche l'avait cognée à un endroit différent.
Elle aurait mieux fait de tenir sa langue. Ces dernières heures, elle avait tant douté de Ronan qu'elle en avait oublié la mort de Kieran.
Les éclats de voix montèrent des rôdeurs présents. Les encouragements en attirèrent d'autres hors des pièces attenantes. Ils se massaient en cercle difforme autour des deux jeunes femmes. Typhenn serra les dents, elle avait l'impression de divertir des barbares mourant d'ennui. Enhardie par le public et une fin imminente, elle l'apostropha :
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La porte d'Aker
FantasyDeux millénaires d'absence n'ont pas amoindri leur loyauté. Tous sont prêts à sacrifier leurs vies pour un seul être : Pharaon. Malgré son obstination, les aînés de Typhenn lui refusent sa place parmi les gardiens du roi disparu. Et les dieux n'ont...