Le visiteur - part5

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Dans la rue, des hommes poussèrent des cris, puis il y eut un grondement comme si on fracassait un bloc de pierre. Elle s'attendait à des incidents comme celui-ci. Des jeunes, prenant leur maison pour cible. Des petits malins qui pensaient que s'attaquer à ceux abandonnés des dieux leur attirerait les faveurs divines.

Yan baissa sa garde, lui laissant l'ouverture dont elle avait besoin. Elle se jeta sur son akhamé. Il comprit et voulut sauter par la fenêtre. Elle le rattrapa par le col, comme un serpent se défaisant de sa mue, il s'échappa. Son sweat sale resta entre ses mains.

L'odeur du feu et de la suie lui collait à la peau. Elle ne pouvait pas ignorer que toutes les maisons attaquées avaient fini en cendre. Pour une raison ou une autre, Yan pouvait être lié aux incendies et aux meurtres. Le garçon ne se laisserait pas interrogé, encore moins enfermé. Il n'avait pas arrêté de jeter des coups d'œil vers la fenêtre, vers sa seule issue possible.

Il essaya de fuir. Typhenn, l'akhamé de nouveau dans sa main, coupa sa retraite, le tirant en arrière par sa chemise d'une main et attaquant de l'autre.

Le visage du garçon apparu enfin, orange dans la lumière jaune des lampadaires. Du sang noir maculait son cou et tachait son col. La malnutrition creusait ses joues pâles faisant ressortir ses yeux comme deux gouffres marrons cachés sous une masse noire.

Il recula, glissa sur les feuilles détrempées.

Son regard gris se fixa une fraction de seconde sur le plafond couvert d'étoiles. Le garçon bascula par la fenêtre, sans un bruit, sans qu'elle puisse le retenir.

Le corps fracassé en bas sur les pierres du jardin. Un pincement au cœur, elle essaya de voir s'il bougeait encore. Il aurait dû éviter l'akhamé, sa feinte avait été aussi énorme qu'une maison.

On frappa à sa porte.

Typhenn se figea, prenant enfin l'ampleur du désastre qu'était sa chambre. Le papier froissé, l'encre étalée par les empreintes de corps et de chaussures formaient des taches de Rorschach. Typhenn essuya rapidement le sang sur son visage, repoussa les feuilles dans un coin et alla ouvrir.

—  Tina, tout va bien ? Nous avons entendu du bruit, commença Rafe.

Elle n'écouta pas un mot. Typhenn se jeta à son cou. Son costume noir sentait la poussière humide des caveaux avec une touche de moisissure. Lorsqu'il passait trop de temps dans les couloirs du Temple, les sous-sols s'accrochaient à lui avec la ténacité d'un parfum de luxe. Il l'écarta doucement, remarquant le chaos.

— Tina, qu'est-ce qui... c'est du sang ?

— De l'encre, lui mentit Typhenn droit dans les yeux. J'ai voulu savoir à quoi je ressemblais en roux. Un mensonge absurde. Elle n'avait qu'à regarder une photo pour le savoir.

Yan serrait son témoin, le ticket qui la ferait accepter par les siens, et libérerait Rafe du châtiment qu'il s'infligeait en servant les Chepesou nuit et jour.

Ce qui ressemblait à de la peine traversa ses yeux. La mère de Typhenn avait été d'un auburn sombre. Ne se laissant pas duper aussi facilement. Puis, les narines de Rafe se froncèrent. La forte odeur de l'encre couvrait une autre, métallique et plus légère. Il l'écarta d'une main et entra dans la chambre. Rafe l'inspecta d'un coup d'œil circulaire et se tourna vers elle.

Typhenn poussa la porte du bout du pied pour qu'elle se ferme au maximum.

— Tina, dit Rafe soudain grave.

— Je... je crois que... Typhenn ouvrit la bouche et la referma aussitôt.

Elle ne pourrait pas contenir le flot de paroles.Elle avait l'impression de ne pas avoir vu Rafe depuis des mois. Elle lui raconterait tout, en commençant par le jour où elle avait honteusement volé son portable. Jusqu'à cet adolescent qui avait réussi à franchir le mur de pierre. Rafe écouterait sans l'interrompre, malgré les incohérences. Enfin, elle lui montrerait le sang sur les feuilles et Rafe lui interdirait une seule minute de solitude. Titus deviendrait son ombre, alors que Rafe avait besoin du soutien de son frère.

La porte d'AkerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant