Khepri - part2

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Rennes, avec ses villes environnantes, pouvait paraitre grande, mais le centre restait de taille modeste. Typhenn arriva vite au centre historique. Les rues en ébullition pullulaient de passants. Les fêtards, rassemblés en groupe passant d'un bar à l'autre, évoluaient de manière chaotique. Elle évita les mouvements des troupeaux hasardeux qui suivaient tous un meneur sans trop savoir vers où ils marchaient.

Yan avait choisi le soir le plus animé de la semaine, un bain de foule offrait une certaine protection. En cas de bousculade, la taille de Typhenn lui permettrait de s'enfuir rapidement.

La petite place Coëtquen, un peu en retrait des bars les plus huppés, offrait une vision peu dégagée des passants. Le dernier avantage : le taux d'alcoolémie moyen, les témoins ne se souviendraient que vaguement de leur soirée.

Cette foule imprévisible la rendait nerveuse. Installée sur la fontaine, dos à la tête tranchée de la muse, Typhenn serra sa dague dans la poche avant de son sweat et attendit.

Typhenn formait une boule noire qui absorbait la lumière des éclairages nocturnes, avec ses jambes repliées pour conserver sa chaleur, hypnotisée par les ombres qui passaient. Les ampoules colorées des bars autour de la place semblaient incapables de l'atteindre, elles ne touchaient pas plus l'eau sombre de la fontaine. Son mode de vie absorbait tout son temps, sortir en ville, se mêler à la vie commune, ces activités normales n'avaient pas leurs places face à son objectif. Tout cela lui apparaissait chaotique, sans raison. Les groupes dansaient, s'amusaient et buvaient chacun de leur côté durant cette étrange célébration hebdomadaire de la vie.

La pluie commençait à tomber lorsqu'on se planta en face d'elle. L'odeur de crasse agrémentée par celle humide de la nuit lui fit froncer le nez.

— Tu aurais pu porter un signe distinctif, j'ai attendu une éternité pour être sûre de ton identité,Typhenn.

Elle leva les yeux au ton las et agacé. Il la désigna d'un geste vague englobant toute sa personne.

Typhenn l'observa avec suspicion. Elle refusait de lâcher l'akhamé caché dans sa poche, une main autour de la garde, l'autre sur le fourreau.

— Parle pour toi. Elle le toisa de haut en bas. Un deuxième sweat kaki par-dessus son pull troué remplaçait le noir délavé. Ses écouteurs endommagés dépassaient toujours de sa capuche. C'est toi qui m'as donné ce message. Pourquoi vouloir me rencontrer alors que j'ai déjà failli te tuer ? Elle n'avait peut-être pas bien vu son visage, mais son odeur ne trompait pas. Pas plus que le timbre cassé de sa voix. Il s'agissait bien du même garçon qui s'était faufilé dans sa chambre.

— Parce que je n'ai personne d'autre vers qui me tourner. Il rabaissa sa capuche trempée, découvrant un visage encore plus émacié dans la lumière. Des ombres se formaient dans le creux de ses joues sous ses pommettes saillantes. Ses cernes à la teinte violacée de plusieurs jours sans sommeil faisaient ressortir le bleu acier de ses yeux, sans doute leur véritable couleur.

— Comment as-tu fait pour entrer dans ma chambre ?

Il s'esclaffa. Le son ressemblait à un aboiement qui se termina sur une quinte de toux.

— Ça t'intéresse. Tu es sûre ? Tu ne veux pas savoir pourquoi je n'ai pas saigné sous ta fenêtre après que tu m'as presque égorgé ? Il écarta son col. Même sous la lumière jaune, la ligne blafarde et nette de sa lame barrait la peau fine.

Elle se leva et tira sur le col. Sa cicatrice montrait une entaille profonde vieille de plusieurs années. Typhenn dissimula son choc. Elle avait frappé avec plus de force que voulu, mais mieux valait pour elle qu'il la craigne.

La porte d'AkerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant