— Tu as dix secondes pour m'expliquer ce que tu fais ici, athama, attaqua d'emblée la voix de Ronan dans le combiné.
Sa voix avait le don de la crisper. Toute sa personne avait le don de la crisper. Qu'il l'insulte, en l'appelant athama, autrement dit un paria, un sans peuple, n'était que la moindre des raisons.
Inutile de demander qui l'avait averti, à l'instant où elle avait posé un orteil sur la scène de crime. L'endroit grouillait de larbins des Vaugren, n'importe qui avait pu la dénoncer.
— J'ai reçu un message disant de venir d'urgence.
Un silence pesant suivit cette demi-vérité. Ronan maniait à la perfection l'art des silences éloquents. Sans le voir, elle sentait que sa réponse ne prenait pas.
— Un message que j'ai envoyé à Rafe. Cela ne te concerne pas, athama, éructa-t-il.
Elle frotta une paume nerveuse contre son jean. Peut-être avait-elle oublié de mentionner qu'elle avait laissé tomber, par pure négligence, le portable de Rafe dans son sac depuis le matin.
Le message était l'occasion de se rendre utile. Tout le monde savait que Ronan contactait son cousin pour son savoir runique et son don à faire parler les morts. Les runes constituaient une branche de savoir obscur indigne de la plupart des veilleurs. Quant aux spécialistes du Noun, depuis la disparition des sages de la Maison d'Or, leur savoir était en grande partie perdu et tabou. Or quelqu'un devait retrouver leur ancienne magie, un Alexandre s'attelait donc toujours à la mission dangereuse de l'étudier.
Typhenn ne pouvait pas se vanter d'être aussi savante que son cousin, mais assez pour une petite affaire, du moins, elle le croyait. En ce qui concernait Ronan, elle représentait une nuisance dans l'engrenage bien huilé de son équipe. Car, monsieur le prodige n'acceptait que les meilleurs.
— Depuis quand le fais-tu venir sur le terrain ? Je croyais que vous deviez simplement échanger par téléphone. Typhenn éludait le sujet, n'hésitant pas à faire entendre sa désapprobation. Depuis deux ans, leurs échanges se limitaient à lui faire parvenir des photos sanglantes qu'il devait étudier.
Le jeune homme au bloc-notes revint la tirer par la manche. Elle le chassa en pointant furieusement le portable. Il comprendrait que son boss occupait l'autre côté et ne devait être dérangé sous aucun prétexte. Il abandonna.
Un autre silence purement agacé lui répondit, signifiant : pourquoi le portable de ton cousin est-il en ta possession, athama ?
Comme cela ne le concernait pas, elle laissa le silence planer plus longtemps.
— Sors d'ici, athama. Ou, tu vas très vite le regretter, la menaça froidement Ronan.
La menace à peine voilée, lui resta en travers de la gorge. Que pouvait-il faire ? Ronan se payait le luxe de ne pas se rendre sur place. Typhenn lui rit au nez. Elle avait fouillé l'appartement et rasé les murs pour l'éviter. Il n'y avait aucune trace de lui. Une main sur la hanche, elle toisa le téléphone, les pieds fermement ancrés dans le sol et attendit qu'il ajoute quelque chose de déplaisant. Seul le silence lui répondit.
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La porte d'Aker
FantasyDeux millénaires d'absence n'ont pas amoindri leur loyauté. Tous sont prêts à sacrifier leurs vies pour un seul être : Pharaon. Malgré son obstination, les aînés de Typhenn lui refusent sa place parmi les gardiens du roi disparu. Et les dieux n'ont...