sang pour sang - part3

2 1 0
                                    

Les sous-sols du fort dataient des années quarante, comme construits pour résister aux assauts aériens. On y descendait par un escalier rouillé, puis on marchait sous des poutres blanches qui soutenaient des centaines de mètres de galeries comme un squelette à nu. Les chaînes qui pendaient des cellules n'indiquaient rien de bon sur les traitements des anciens locataires.

Titus se trouvait assis dans une des premières cellules sans porte creusée dans la terre. La tête basse et les poignets entravés reliés à une poutre dévorée par les mites. Son poids creusait un trou dans le matelas ridiculement fin posé dans un coin. Il leva les yeux à leur entrée. Titus avait toujours observé le monde d'un regard serein, presque absent. L'ombre sur son visage la cloua sur place.

— Elle est là. Le message, maintenant,ordonna Ronan.

Titus attendit le temps d'une inspiration, le temps de vérifier la présence de sa cousine. Juste assez pour que cette fraction de seconde puisse passer pour un refus de coopérer.

— Il a besoin de toi, pour finir ce qu'il a commencé.

—  Qui ? insista Ronan.

Les chaînes cliquetaient au moindre mouvement. Il paraissait fatigué, mais gardait assez d'énergie pour contempler l'idée d'étrangler Ronan.

—  Mon frère, Rafe.

Ronan glissa un regard vers Typhenn. Elle l'ignora, se forçant à respirer normalement.

— Quand avez-vous trouvé le grimoire d'Orlène ? Typhenn se força à entrer dans la cellule, offrant son dos à Ronan. Elle sentait son regard s'enfoncer entre ses omoplates.

L'étonnement perça au travers de son masque inexpressif. Il ne s'attendait pas à ce qu'elle connaisse l'existence du document.

—  Cinq ans, un peu plus.

— Vous l'avez volé à Andraste ?

- Il ne l'a jamais eu entre les mains. Il se trouvait dans la maison.Arthur l'avait caché à la mort d'Honora. Andraste a été difficile à mener en bateau. Mais ça, on les avait avant de commencer.

—  Pourquoi tout déballer, maintenant ? demanda Ronan par-dessus de sa tête.

Titus l'ignora, il se concentrait uniquement sur Typhenn, comme s'il avait besoin d'expliquer leurs actes, de les expier devant celle qui serait sa dernière victime.

—  Il ne reste que toi, Tin. On doit aider Rafe. C'est le seul moyen de nous protéger, tous.

Typhenn tremblait. Elle serra les bras contre elle pour qu'ils ne le voient pas.

—  Protéger ? intervint soudain Yan à l'entrée de la cellule. La colère faisait gronder sa voix. Yan se tenait en retrait, pas tout à fait à l'intérieur. Ils ne l'avaient pas entendu se glisser derrière eux. Il a tué pour protéger, quelle bonne blague ! Protéger qui ? Ce n'est pas juste. Qui a protégé ma famille !?

Titus ouvrit et ferma la bouche plusieurs fois,perturbé par ce garçon qui s'adressait à lui alors qu'ils ne se connaissaient pas.

—  Si ta famille a rejoint Osiris dans son royaume, c'est qu'ils n'ont pas accepté ce qu'on leur proposait et se sont battus vaillamment. Ils ont choisi de mourir en guerrier.

Yan tressaillit sous le regard de Titus. Il s'avança, contenant à peine ses tremblements. Il fut arrêté parle bras de Ronan.

Titus l'avait déjà oublié.

—  Tin, nous te demandons de faire ton devoir. Tu as juré de le faire.

Typhenn avala sa salive de travers en réalisant la portée de ses propos. Des larmes de contradiction lui piquaient les yeux. Elle voulait faire son devoir, elle voulait les suivre. Elle aurait voulu mourir comme un soldat. Être sacrifiée sur un autel semblait une fin si insignifiante.

— Il est fou. Sans Per-aâ pour les contrôler, la rancune des dieux signera la fin de nos lignées. Ils ne suivront pas un faux. On ne trompe pas les dieux, décréta sombrement Ronan, les bras croisés.

—  Il faut que tu rejoignes Rafe, insista Titus. Il glissa un regard en coin vers Ronan, nous avons besoin de toi pour nous sauver.

Il avait besoin d'elle. Ses paroles résonnaient comme un écho à celles qu'elle avait prises pour une hallucination causée par la magie de Merle. Un besoin de rejoindre sa famille gonfla dans sa poitrine. Comment devait-elle le retrouver sans savoir où aller ? De plus, elle ne pouvait pas rejoindre Rafe en abandonnant son frère dans cette cellule sombre et froide.

— Pour qu'elle finisse comme le reste de sa famille ! Yan partit d'un rire sans joie. À ce moment, on pouvait voir la face du garçon qui avait survécu à la rue, celui qui avait refoulé ses sentiments, celui qui avait refusé de s'effondrer.

La voix de Ronan lui ordonna de se taire, trop tard.

La porte d'AkerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant