Leur course finit sur un sol rocailleur irrégulier et pentu. Ils titubèrent devant un ruisseau, les poumons brûlants, la gorge desséchée. L'adrénaline redescendait laissant la place à de grosses taches noires surgissantes toujours plus vite. Ils tremblaient de froid, ou de la peur de voir Anubis surgir à tout moment. Il l'avait marquée. Il viendrait certainement récupérer son bien.
D'une main tremblante, Typhenn rinça sa joue dans le ruisseau. Ils avaient été envoyés dans le passé. La situation se présentait pire qu'elle l'avait prévu. Elle ignorait comment franchir ce genre de distance.
Yan s'allongea et se frotta les yeux. Elle l'imita, ce qui n'aida pas à éclaircir ses idées. Elle était épuisée.
— Imagine ce qu'on pourrait faire avec un dieu dans notre camp. Horus, par exemple. L'idée le rendait enthousiaste, même s'il claquait des dents.
— Sauf qu'on ne peut pas. Elle ne mentionnait pas toute la partie interdite et tabou d'un tel acte.
Yan roula sur le côté, lui faisant face.
— Et si j'avais récupéré une feuille en tombant. Une sorte d'invocation.
Elle l'observa. Avait-il vraiment détroussé le bureau de Léodic ? L'avait-il en sa possession ?
En invoquan tun dieu, ils enfreindraient plusieurs lois sacrées. Tefnout les enverrait en pâture à Apofis, même l'idée d'imposer sa volonté à un dieu constituait un tabou. Seul un demi-dieu pouvait décider de les sortir de leur prison. Rafe servait de parfait exemple, contrôler Anubis l'amenuisait. Par Horus, il avait craché du sang. Le dieu le tuait-il à petit feu ?
Sa proposition piqua sa curiosité. Typhenn ne s'était jamais imaginée désespérée au point de braver cet interdit. Elle se retourna brutalement, rouvrant les croutes formées sur son épaule.
— Tu l'as volé ? lui demanda-t-elle pleine d'espoir. Avec sa manie de faire les poches, il l'avait forcément sur lui.
Yan repoussa ses mains avec une grimace en désignant sa manche en lambeaux couverte de sang séché.
— On doit nettoyer ça. Qui sait, il a peut-être la galle.
Typhenn refusa son aide.
Ils se débattirent un moment et Yan finit par lui remettre une page déchirée entre les mains le temps qu'il observe les dégâts,sans quoi elle ne se laisserait pas faire.
Typhenn tourna et retourna la traduction incomplète. Elle aurait dû s'en douter. Il y avait à peine une moitié de cercle et quelques indications. Exactement comme pour le cercueil d'Essie, la logique des runes lui échappait complètement.
Combien de temps leur restait-il pour déchiffrer le texte en copte avant de s'ancrer dans cette bulle temporelle ? Il défilait trop vite et trop lentement, une éternité réduite à une seconde. Leur passage répété à travers les portes pouvait être la cause de son état désorienté.
Devait-elle le lire ? Sans pouvoir comprendre tout le texte, Typhenn avait appris à lire le copte qui reposait sur un système d'alphabet. Mais cela ne signifiait pas qu'elle devait le lire.
Typhenn siffla.
Yan s'excusa et appliqua le linge avec plus de précautions. Il inspirait et expirait profondément. L'eau claire ne tarda pas à être remplacée par un filet écarlate.
— Situ vois des tuniques bleues. La prochaine fois, fais attention aux baïonnettes ou tu risques de te faire plomber les fesses,plaisanta-t-il. Sa faible tentative pour détendre l'atmosphère ne la dérida pas.
Typhenn n'avait pas le cœur à rire. Elle transforma la page en boulette avec l'intention de la faire disparaître. Au dernier moment, elle arrêta son geste et la glissa dans sa poche.
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La porte d'Aker
FantasyDeux millénaires d'absence n'ont pas amoindri leur loyauté. Tous sont prêts à sacrifier leurs vies pour un seul être : Pharaon. Malgré son obstination, les aînés de Typhenn lui refusent sa place parmi les gardiens du roi disparu. Et les dieux n'ont...