Le cœur de Typhenn battait d'appréhension. Elle croisa les bras pour contenir ses tremblements.
— La mission était simple. Interpeler les Alexandre et les mettre en sécurité. Je vous avais ordonné de ratisser la ville, attaqua Ronan. Qui vous a informé qu'elle serait dans la maison ? Où est Sophie ?
Kieran releva la tête à la mention de sa sœur.Il l'observa avec une moue mauvaise. Ses cheveux sales couvraient le seul œil qu'il pouvait ouvrir. Sans se départir de sa patience, Ronan s'installa en face de lui sur un rocher.
Kieran choisit le silence, leur offrant parfois un simple sourire en coin. De toute évidence, se faire un peu malmener lui avait ôté l'envie de parler. Quelque chose que Typhenn pouvait comprendre.
N'obtenant aucun progrès, Ronan commença à réfléchir à voix haute, jonglant avec sa lame d'une main. Le mouvement du kriss voltant dans l'air l'hypnotisait. Garde. Lame.Garde. Lame.
— Vous êtes sous mes ordres par serment.Vous savez ce que vous encourez à vous déshonorer. Et pourtant...
Ronan s'arrêta un instant, gardant le kriss quelques secondes dans son poing, puis recommença.
— Vous savez quelque chose qui vous a poussé au parjure. Qu'est-ce que c'est, Kieran ? Il se leva avec un soupir. Il ne jouait plus avec sa dague, son poing blanc fermé sur la garde. Je te donne simplement une chance de parler, et je vous épargnerai, toi et Sophie.
Typhenn se réveilla soudain en réalisant qu'il laisserait Kieran partir avec un sermon et de belles paroles sur l'honneur.
— C'est tout ? Ronan, c'est évident qu'il en sait beaucoup. Il faut le faire parler ! insista-t-elle en s'interposant. Elle n'allait pas laisser passer l'occasion de trouver le responsable des attaques, d'innocenter sa famille aux yeux du clan. Si tu ne peux pas, laisse-moi faire.
Typhenn s'avança, akhamé en main. Les os des veilleurs étaient certes plus solides, mais les chairs et les muscles gardaient la faiblesse des hommes du commun. Elle commencerait par le faire descendre de son piédestal.
— Athama, recule, sa voix claqua, un ordre sans appel. Elle sentait la menace presque palpable dans son nom. Il a rompu son serment. Je décide de sa mort.
— Tu pourras l'exécuter une fois qu'il aura parlé. Qu'il crève avant ou après, cela change quoi ?
— Il n'y aura pas de boucherie, pas ce soir. Je ne suis pas Andraste, Ronan appuya sur chaque syllabe de ce qu'il n'était pas.
Typhenn l'ignora. D'un mouvement vif, elle marcha sur le prisonnier, déterminée à obtenir ses réponses. Chaque pas envoyait des vibrations dans ses côtes comme des percussions de cordes.
Ronan bougea si vite qu'elle ne l'entendit pas s'approcher. Il lui arracha sa dague des mains. La lame se planta dans la terre avec un bruit mat. D'un même mouvement, il envoya Typhenn dans les feuilles au pied du prisonnier. Il la savait blessée et n'eut pas à forcer. Elle tomba comme une poupée déséquilibrée. Le souffle coupé, elle tenta une roulade, mais la douleur dans ses côtes l'empêchait de se redresser.
— Tu n'as pas compris, athama. Je t'ai proposé de faire équipe, car nous voulons tous les deux la vérité. Si j'ai besoin de te trainer par une corde pour te protéger, je le ferai.
Même si Typhenn avait eu la force de répondre, elle ne possédait pas assez de répartie pour proférer autre chose que des insanités. Alors, elle grogna et lui jeta une poignée d'humus qui n'atteignit pas sa cible.
Ronan se retourna. Son kriss décrivit un arc de cercle parfait. Le fil vola droit vers la trachée de Kieran.
Sa tête tuméfiée se leva, attendant le coup fatal. Il regarda la mort droit dans les yeux, sans ciller.
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La porte d'Aker
FantasyDeux millénaires d'absence n'ont pas amoindri leur loyauté. Tous sont prêts à sacrifier leurs vies pour un seul être : Pharaon. Malgré son obstination, les aînés de Typhenn lui refusent sa place parmi les gardiens du roi disparu. Et les dieux n'ont...