La porte d'Aker

Sphranch - part3

Ronan pourrait supporter Typhenn jusqu'à la fin de ses jours si cela signifiait arrêter le meurtrier. Son ignorance avait condamné Essie et les autres. Sa petite sœur avait été la première de la liste et la seule des Vaugren visée. Ils avaient tous pensé à des représailles de rôdeurs. Typhenn pouvait voir dans ses yeux qu'il se reprochait de ne pas avoir remarqué ce qui leur sautait aux yeux. Aveuglé par sa rancœur, Ronan ne l'avait réalisé qu'en rapprochant l'histoire de Yan et la sienne et les deux sœurs qu'ils avaient perdues.

— Tu soupçonnes toujours Rafe. Si Rafe est le meurtrier, comme tu le penses, il ne doit pas savoir où je me trouve, n'est-ce pas ? Typhenn le mettant au défi de la contredire. Elle lui aurait confié sa vie. Ronan aurait fait de même, autrefois.

— Peut-être.

Typhenn sentit la moutarde lui monter au nez. À quoi devait-elle s'attendre de la part d'un homme qui place son père dans sa liste des suspects ?

— OK, je te suis. Uniquement pour te prouver que tu as tort ! Elle marqua ses paroles en le montrant du doigt. Ils étaient si proches qu'elle aurait pu toucher sonnez. Et maintenant ?

Ronan lui attrapa la main et y glissa un flacon,avec une tape sur l'épaule.

Quelle fine équipe ils formaient !

Elle ne retient pas sa moue en constatant le liquide blanc.

— Du kyphy, expliqua Typhenn à Yan, à mettre sur les yeux. Tu ne préfères pas savoir avec quoi c'est fait.

Le kyphy était idéal pour ouvrir l'esprit lorsqu'on souhaitait interroger un akhou de l'autre côté. Son utilisation était prohibée et strictement contrôlée. Elle ne préférait pas savoir quelle sanction ils encouraient. Elle appliqua le liquide sur ses paupières évitant de respirer la douce fragrance qui en cachait une autre.

Ronan sortit un minuscule tube de métal contenant un autre rouleau. Typhenn accepta de jouer l'assistante en pinçant les lèvres. Elle ouvrit un tiroir dissimulé dans une partie noire du mur et lui fournit le matériel nécessaire. Pendant que Ronan en inspectait le contenu, Yan l'attrapa par le bras.

— Quel est ton plan ? On reste vraiment avec lui ?

Aucun. La plupart du temps, elle suivait le mouvement, ou n'écoutait que ses tripes dans l'action. Or, elles lui disaient d'aller dans le sens du courant. Rafe avait promis qu'ils se retrouveraient. Il devait s'attendre à ce qu'elle essaie de le contacter. Ronan voulait voyager en esprit. Peut-être pourrait-elle pirater son rituel et trouver de l'aide. Sachant le peu de confiance que Yan avait envers son cousin, elle ne pouvait pas lui avouer la vérité.

Elle acquiesça :

— Nous allons nous introduire dans le monde spirituel.

Ils pouvaient entrer sous forme d'âme oiseau dans l'Amdouat, un exploit dont elle ne se sentait toujours pas prête.

Ronan se retourna vers eux, prêt à diriger le rituel.

— Plus précisément, la première partie de l'Amdouat, celle que le ka traverse vers la prairie. La seconde est interdite. Il expliqua brièvement ce qui se passerait. Ils soutiendraient son ba dans le voyage.

Typhenn fit la grimace, ce serait autant un baptême spirituel pour Yan que pour elle. Ronan ne remarquerait pas la différence lorsque son esprit faible ne le supporterait plus.

Suivant ses instructions, ils s'installèrent encercle avec un petit bol de schiste pour recueillir leur sang. Ils flotteraient sur l'eau purifiée du Nil qu'il avait versé dans le creusé au centre de la pièce.

Ronan préparait les outils sans un mot. Le voir manipuler le matériel qu'ils entretenaient avec zèle toutes les semaines lui laissait une impression étrange. Il prit le kriss avec soin, évitant le fil affuté de la lame. Il murmurait si bas,qu'elle n'entendait pas tout, commandant formellement aux dieux de l'accompagner et de les protéger dans leur périple. À la fin de son injonction, sans la moindre hésitation, il fit une large entaille sur son bras droit. Son sang se déversa sans réticence le long de son poignet dans sa coupelle. Ronan nettoya le kriss avec un chiffon sentant le thym et d'autres plantes désinfectantes, puis le tendit à Yan, sur sa gauche.

Yan accepta le kriss comme si on lui offrait de prendre un cobra dans ses bras. Complètement hypnotisé par le flot rouge, il manqua de faire tomber le kriss dans la bassine. Il posa le tranchant sur son bras, toute sa concentration portée sur sa peau.

Au bout de cinq secondes, Typhenn proposa de le faire à sa place.

Il sursauta et se coupa. La coupure, pas plus grande que celle faite par un éclat de verre coulait assez pour récolter son sang.

Un à un, ils placèrent leur coupelle sur l'eau.Ronan ajouta une bougie flottante au centre. Les trois coupelles se rapprochèrent comme animé par la flamme, formant un seul bloc.Elles commencèrent à tourner en rond. Ronan exigea. D'une parole,le voile des mondes s'ouvrir pour lui, fils de Maât et serviteur de Seth.

Hypnotisée par ce spectacle, Typhenn ne se sentit pas quitter son corps.