Démons - part6

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Leur permettre de les conduire dans un piège aussi grossier était une erreur que Ronan ne se pardonnerait pas de si tôt. Il aurait dû deviner dès qu'ils avaient découvert le corps du garçon. Un gamin n'aurait jamais dû se trouver si loin du fort. Encore une fois, Ronan regretta l'absence de Salomé, et celle de Guillaume, même celle d'Atlin avec son air de hibou coincé.

Les Césaire n'en restaient pas moins sa responsabilité.

Ronan sépara ses deux sabres l'un de l'autre.

— Tes tirs devront être plus rapides, lui confia Ronan en lui abandonnant son carquois et ses dernières empennes écarlates.

Yan hocha la tête.

— On pourrait le faire exploser. Je parle du démon.

—  Dans un environnement normal, ces flèches ne devraient pas faire plus qu'une étincelle. Tu as vu ce qui est arrivé à la pierre ? Le corps d'un èitighe est chargé en magie, tire-lui dessus, et tu déclencheras une réaction en chaîne qui détruira les ruines.

Yan avala sa salive, puis hocha la tête, moins confiant qu'il ne l'était un instant plus tôt.

L'air réchauffé par les flammes s'épaississait jusqu'à devenir un sauna de fumée. Ronan essuya la sueur qui coulait de ses tempes d'un revers de manche.

Il se glissa entre les débris espérant le surprendre par-derrière pendant que Yan attirerait son attention. Il l'arrosa d'une pluie de flèche sans vraiment viser, les tirant les unes après les autres.

L'homme transpercé de toute part sentit Ronan venir sur lui. Il l'arrêta d'une main, coinçant la lame qui visait sa nuque dans un étau.

Le berserker lui saisit le bras gauche lorsque Ronan voulut trancher la main qui le retenait. Sa veste en cuir ne résista pas. Sa peau fondait sous le poing noir. Il ne savait plus qui sentait la chair brûlée, qui sentait le souffre tant les odeurs le prenaient à la gorge. Les tiges fichées dans son corps brûlaient lentement. Un long grondement montait de sa gorge alors qu'il approchait ses dents du visage de Ronan. L'eau pleuvait, et la vapeur l'aveuglait autant que le feu qui se dégageait à présent de l'homme.

Ronan pouvait voir sa nuque se couvrir d'une plaque noire qui se mit à suinter un liquide jaune. La peau devenait de plus en plus noire, de plus en plus dure. Bientôt, même ses akhamés n'entameraient plus cette armure de pierre. Ronan lui asséna plusieurs coups de genoux dans l'estomac. Il avait l'impression de cogner contre du béton.

Yan surgit du mur de vapeur. Il lui planta une flèche entre les omoplates. La tige se brisa entre ses mains. Le druide libéra sa main. Il asséna un revers si fort à Yan qu'il vola.

Cette fois, Ronan bénéficiait d'avantage d'élan, son coup de pied parvint à le faire reculer. Ronan ne le lâcha pas. Il accéléra, enchaînant des coups de taille rapides l'èitighe ne pouvait faire rien d'autre que les bloquer. Ronan feinta et l'envoya rouler dans un bassin d'un coup de pied. Il fut sur lui avant qu'il se relève, abattant ses akhamés, coup sur coup, encore et encore. Des éclats de pierre noire sautaient, lui piquant le visage. Le sang gicla. La tête roula dans l'eau comme un galet sortant d'un four.

L'èitighe s'affaissa entre ses jambes.

Ronan prit à peine le temps d'expirer. Il traîna Yan à couvert, derrière une colonne verte de mousse, où il ne verrait pas le cadavre de l'homme sans tête. À part une prodigieuse marque sur la joue et une manche déchirée, il semblait aller plutôt bien.

Le quadrillage dément tracé par les jumeaux flambait toujours avec autant de force. Ronan n'appréciait pas le mauvais goût des deux veilleurs.Le temple était envahi de fumée et de vapeur chaude qui déviait les traits des jumeaux tirés au hasard, à l'affut des cris de douleurs.

—  Je vais m'occuper, d'eux. Trouve-toi un endroit où te cacher et ne bouge pas jusqu'à mon retour, lui intima Ronan. Il tira la dague de Yan hors de son fourreau et s'assura que ses mains se referment dessus.

Il lui sembla que le garçon avait acquiescé, le mouvement fut trop bref pour en être certain. Ronan s'en contenta et traîna le cadavre décapité qu'il poussa sur le brasier le moins dense et s'en servit de pont.

La forêt grinçait, transformée en décor hanté.Les ombres des branches dansaient et étiraient leurs rameaux qui ondulaient sur le sol. Dans l'obscurité, la lumière agressive collait à ses rétines. Il patienta quelques secondes, que ses yeux s'adaptent, puis il s'enfonça invisible et silencieux entre les arbres.

Les jumeaux se cachaient dans une cour adjacente où il ne restait qu'un homme de granit, une épée pendait à sa ceinture. Un genou posé à terre, à l'image des chevaliers. Il courtisait une femme aux yeux couvèrent d'un voile. Le couple avait perdu leurs bras, et il manquait un pied à la femme assise. Kieran et Sophie se tenaient collés aux flammes infernales, une pellicule de sueur recouvrait leurs visages. Il regrettait son arc,deux flèches les auraient abattus comme des bêtes.

— On s'ennuie, y a rien de palpitant à attendre qu'il s'occupe de la bestiole. On pourrait au moins s'amuser avant qu'ils rôtissent, se plaignait Kieran.

L'expression de sa sœur disait que cette conversation durait depuis un certain temps.

— Tu trouvais l'idée excellente, et faut que tu me les brises maintenant, contra Sophie. Elle braqua son visage mutin vers son frère. Ses yeux s'agrandirent en voyant Ronan sortir de la forêt.

— C'était une bonne idée avant que je...

Sophie arma son arc, mais Ronan se trouvait derrière son frère, bloquant son ouverture de tir.

Ses épées glissèrent hors du fourreau. Kieran fit volte-face, son arc fouetta l'air. Le fer trancha le bois net,pas une écharde ne vola. Kieran ne perdit pas de temps. De son autre main, il dégainait déjà un glaive.

Sophie, impatiente de trouver une ouverture, se jeta dans la danse.

Les Césaire attaquaient et se déplaçaient en symbiose, rapides et parfaitement coordonnés.

Ronan n'avait pas le droit à l'erreur, aucun geste ne devait se perdre. Avec l'effet de surprise, il les imaginait facilement massacrer tous les veilleurs à deux. Pourtant, les jumeaux avaient échappé aux soupçons, attendant dans l'ombre de l'assassin que les veilleurs se retournent contre leurs frères.

Le glaive de Kieran fendit l'air alors qu'il repoussait Sophie. Ronan eut juste le temps de se baisser et de faucher ses jambes que Sophie se jetait déjà sur lui. D'un coup de pied, elle fit voler l'épée de sa main droite. L'akhamé de Sophie fila vers sa cuisse, la lame trancha sans entamer le muscle.

Ronan attrapa son poignet. Il lui imposa une torsion. Le craquement de l'os suivit. Il la repoussa d'un coup de pied dans l'estomac. Elle roula, rebondissant sur les coins des dalles déchaussées.

Dans son dos, Kieran se redressait. Un rictus sadique déformait son visage. Il levait le glaive de Ronan en une garde basse. Il pointait une arme à feu sur sa tête.

Ronan se figea.

—  Je crois que je vais la garder. Elle est plus légère, commenta Kieran en soupesant l'épée. Je comprends pourquoi tu nous as laissé tes déchets.

Ronan recula d'un pas, sa dernière épée serrée dans son poing.

Sophie se redressait péniblement, sa respiration sifflait entre ses dents. Elle ramassa sa lame, son bras invalide secoué de spasmes nerveux serré contre son ventre.

— Explose-lui la tête !

La porte d'AkerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant