sang pour sang - part2

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Le retour escorté des druides et mené par Ronan se fit effectivement au pas de course. Il l'obligeait à faire trois enjambées lorsqu'ils en faisaient une. Elle franchit le mur du fort hors d'haleine.

Typhenn se garda de trop réfléchir aux paroles de Ronan ou de porter des conclusions hâtives de crainte de s'aventurer sur un terrain glissant qu'elle ne voulait pas emprunter sans preuve. Elle obtiendrait ses explications de la bouche de Titus, le seul à qui elle puisse faire confiance. Son message ne pouvait que concerner Andraste. Peut-être, Orlène se rangerait de son côté une fois qu'elle saurait la vérité au sujet des Vaugren. Une petite voix lui soufflait qu'elle devrait prier très fort pour obtenir une faveur de la druidesse.

Les druides les conduisirent à travers une entrée dérobée, au-dessus d'un petit mur de pierre arrondi par la verdure qui ressemblait plus à un monticule, puis entre des buissons, puis sur un escalier couvert de mousse spongieuse. La flore y poussait plus sauvage et désordonnée que partout ailleurs dans la forêt. Ils posaient les pieds avec précaution sur ce tapis verdoyant ignorant jusqu'où ils s'enfonceraient.

Ils se séparèrent en deux groupes. Le sien évita la cour où les druides de tous les forts s'étaient réfugiés.Les lumières électriques illuminaient toujours la cour malgré l'heure tardive. Personne ne remarqua le groupe qui poussait les deux prisonniers devant eux. Tous sauf un.

Une grande tête blonde se détacha d'un groupe et se précipita vers eux. La chemise de Yan était devenue grise, et son visage couvert de terre. Des morceaux de feuilles habitaient ses cheveux. Il semblait indemne et le seul qui n'affichait pas un air hagard, complètement perdu.

—  Ronan, Tina ! Vous allez bien ?

—  Comment va Merle ? Il est avec toi ?s'enquit immédiatement Ronan.

—  Il va bien, un peu secoué, je pense. Typh... Je dois te parler de... quelque chose..., hésita Yan. Il se reprit plusieurs fois.

—  Désolé cela devra attendre, coupa Ronan en la poussant dans le bâtiment des dortoirs.

Elle le repoussa d'une ruade et fit volte-face,exaspérée. Il refusait toujours de prononcer un mot, même après l'avoir séparée de son cousin.

Yan les suivit.

Typhenn se moquait de ce qu'il avait à dire.Elle n'était plus qu'un puits de rage dirigée vers Ronan, vers son manque d'humanité, vers sa famille d'assassins.

— Tu ne t'inquiètes pas pour lui !? Typhenn se demandait si la violence n'avait pas fini par lui griller le cerveau, ou bien sa conscience avait plié bagage lorsqu'elle décida de provoquer Ronan.

Il passa devant, ouvrit la porte de sa chambre et attendit, étonnamment calme.

Typhenn pensait qu'ils avaient dépassé ce stade lorsqu'il avait eu la bonté de la recoudre.

Yan voulut entrer, mais Ronan lui barra le passage d'un bras.

Lorsqu'elle se tient au milieu de sa chambre, il lui répondit, tout en fermant la porte.

— Merle va bien, le gardien du fort ne risque rien entre ses murs.

Elle n'était juste pas assez douée pour échapper au gardien, lui avait dit Merle.

Yan se figea, comme à l'affut de la réaction d'un animal sauvage. Il ne parvenait pas à décider s'il devait se battre ou fuir. Typhenn resta plantée au milieu de la chambre,les yeux grands ouverts sur la porte qui se fermait.

Pourquoi ne l'avait-elle pas compris plus tôt ?Un gamin bloqué au fort, craint et respecté par toutes les générations. Il ne pouvait pas être humain. Cette créature à visage de garçon fragile l'avait dupée depuis le début.

De l'autre côté, leurs voix lui parvenaient malgré les efforts de Yan pour murmurer. Tous les sons lui paraissaient amplifiés par cent.

Elle ne voulait pas savoir si Ronan avait vu Rafe.Elle ne voulait pas entendre la suite de leur échange, les mensonges qu'il lui raconterait. Typhenn se mit à hurler. Elle couvrit leurs voix. Elle étouffa tout le reste.

Au bout du compte, elle revenait à la case départ, seule contre les autres. Toutes leurs promesses n'avaient été que de belles paroles. Elle s'était donné tant de mal, pour perdre autant de temps.

Typhenn profiterait du chaos dans le fort pour trouver son cousin. Il faudrait d'abord déloger Yan qui faisait un sitting devant sa porte ou sauter par la fenêtre. Il avait fini parse taire, mais elle l'entendait remuer et changer de position.

Ronan revint en trombe. Elle l'entendit marcher depuis le bout du couloir. Il enjamba Yan et entra.

—  Il refuse de parler à un autre que toi.

Typhenn lui offrit le traitement du silence, et son dos. Titus avait été envoyé dans un but précis. Évidemment,même la torture ne le ferait pas prononcer un mot.

Si Ronan voulait son aide, il devrait donner en premier. Il soupira.

—  La barrière a effectivement été affaiblie. Contrairement à ce que tu penses, je ne suis pas responsable. Un autre en connaît suffisamment sur les druides pour être capable de fragiliser un mur. Et, je mettrais ma main à couper que le mur des Alexandre a subi un sabotage identique.

Dommage que personne ne puisse le prouver.

Elle ne fit que murmurer une suite d'injures. Yan se pencha pour mieux entendre et apparut dans l'encadrement de la porte.

Le nom d'Andraste parvint jusqu'à Ronan. Son entêtement agaça ce dernier. Il se tourna vers Yan, comme pour lui dire ; elle refuse de voir l'évidence à cause de sa fichue loyauté filiale.

Il contourna le lit et se posta devant la fenêtre. Typhenn baissa la tête, refusant de le regarder.

—  Tu l'as vu. Rafe menait les rôdeurs.Mon père n'aurait jamais posé un œil sur les runes, encore moins des armes à feu. Et les rôdeurs, Typhenn. On parle de mon père. Il a passé sa vie à les traquer. C'est Rafe qui a saboté le mur. Il n'y a que lui qui a été initié aux runes avant que... peu importe. Je sais de quoi il est capable.

— Comment son cousin peut connaître les runes ? demanda Yan de but en blanc. Il se ratatina sous l'œillade mauvaise que lui valut son commentaire. La suite diminua jusqu'à devenir inaudible. Je pensais qu'ils ne partageaient pas leurs savoirs, ou que c'était tabou pour les veilleurs, pour vous.

—  Il me l'a demandé.

— Comme ça, par curiosité. Ça paraît un peu louche.

—  Oui, comme ça, grinça Ronan. Il ne voulait pas s'étendre sur le sujet.

Typhenn se redressa. Elle en avait assez entendu. Yan ne creusa pas plus loin, elle s'en chargea :

—  Entre amis, on se fait confiance.Tu accuses mes cousins d'être de connivence avec ton père.Voilà où en est votre belle amitié.

Ronan croisa les bras.

—  Écoute bien, car j'ai mieux, lui resservit-il, les poings et mâchoire crispés, à un cheveu de s'emporter. Il n'est pas avec mon père. Il s'est associé avec les rôdeurs et est assez malin pour faire porter le chapeau à un autre.

—  Tu es comme ton père, Ronan. Tu cherches un coupable pour te défaire de ta culpabilité, parce que tu es responsable de la perte de ta mère. Rafe est juste le mieux placé sur ta liste.

Il y eut un moment de latence, comme si le monde s'était arrêté de tourner. Ils fulminaient et s'observaient de haut, attendant le premier qui oserait mordre. Elle crut qu'il finirait par cogner dans un mur, ou se servirait d'elle pour cogner le mur.

Ronan le brisa en premier, il s'effaça pour la laisser sortir.

—  Continue, athama. Pourquoi s'arrêter ? Fais-toi plaisir. Ou peut-être que tu préfères entendre ce que Titus a à te dire.

Typhenn ne voulait pas que Yan vienne. Ronan ne lui donna pas son mot à dire, si le garçon souhaitait les accompagner, il le pouvait. L'affaire le concernait autant qu'eux. Yan les accompagna jusqu'à la porte des caves, mais il n'osa pas s'aventurer sous terre.

La porte d'AkerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant