Le gardien - part2

2 1 0
                                    

Typhenn fut projetée en arrière. Elle perdit ses repères, le haut et le bas n'existaient plus. Des crocs se refermèrent sur son bras, un étau d'acier impossible à défaire.Par réflexe, elle chercha son akhamé à sa ceinture. Sa main rencontra le vide.

La bête abandonna son bras et décampa aussi sec.Il évita les lianes qui s'enroulaient autour de ses pattes d'un bond. Typhenn n'eut pas cette chance. Des racines lui enserraient la taille et les jambes avec autant de force que les anneaux d'un serpent. Plus Typhenn s'agitait plus elles s'enroulaient, la traînant inévitablement vers l'intérieur. Ses ongles raclaient la terre, ne trouvant rien à quoi s'accrocher. Ils cassèrent sur les cailloux blancs autour de l'aubépine.

Elle venait de franchir la limite de non-retour.

Les spores collaient à son visage, lui piquaient les yeux. Ses joues se striaient de larmes brûlantes.

Elle allait se faire dévorer par la chose qui gardait le fort. Une mort stupide.

Les lianes la compressaient comme un ballon de baudruche sous vide.

Typhenn luttait contre les taches noires qui recouvraient sa vision. L'arbre l'attirait lentement à lui. Un sifflement couvrait tout. Le piège, si grossier soit-il, lui était magnifiquement tombé sur le nez. On rirait de son audace sur sa tombe. Cela faisait grincer les dents de Typhenn. Le visage de Titus s'imposa. Elle espérait qu'il se cacherait, que Rafe le protégerait.

Sa gorge brûla lorsque l'air s'y engouffra si brusquement qu'elle convulsa et vomit de la bile. On la traînait plus qu'on l'aidait à marcher de l'autre côté de l'anneau blanc. Les galets ronds brillaient comme de petites lunes entre les tâches noires.

— Merle, que... pourquoi es-tu là ? demanda Isla, sa surprise lui ôtant son bégaiement, malgré les larmes qui la secouaient et sa respiration laborieuse.

— T'es stupide ? Qu'est-ce que tu n'as pas compris ? On t'avait dit d'arrêter. Merle la laissa tomber une fois en sécurité de l'autre côté.

Typhenn rampa loin du cercle, une fois satisfaite,elle essaya de ne plus bouger, de rester allongée sur le dos.Au-dessus, Merle n'était qu'une voix rauque et une tête ébouriffée.

L'animal revint à la charge, toutes dents dehors. Il sauta droit sur le garçon. Typhenn n'eut pas le temps d'avertir Merle. Il fit volte-face et attrapa la chose par la gorge comme s'il s'agissait d'une poupée de chiffon. Il pressa. Le grognement enragé se mua en glapissements. Le cou craqua. Ses yeux les observaient, brillants, terrifiés, puis leur lumière disparut purement et simplement.

La forme tomba inerte dans l'herbe.

Typhenn recula, personne ne pouvait briser une nuque d'une main. Aucun humain ne le pouvait.

La voix brisée d'Isla secoua le verger.

— NOOOON  !Elle courut vers le petit corps en titubant. Ruska... Ruska...

—  La ferme ! Merle se plaça entre eux, les poings serrés le long du corps. Il s'appelle Napoléon  !

Il mit fin aux lamentations stridentes d'Isla.Elle secouait la tête, refusant d'y croire.

Elle trébucha et il manqua de peu de lui marcher sur la main

— Il. S'appelle. NAPOLÉON ! Merle cria le nom encore plus fort,ponctuant ses intonations de gestes vers les tâches noires et fauves de son ancien compagnon.

Isla enfouit sa tête entre ses genoux. Elle n'osait plus les regarder ni hausser la voix qui se mua en murmure.Sa respiration rauque avalait la moitié des mots.

La porte d'AkerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant