Chapitre 16 - La nuit de Saminos

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Ronan l'attendait sur les marches. Il désigna le rassemblement sans se retourner vers elle. Les druides formaient une ronde de couronnes fleuries et de toges blanches sur le départ,avec sacs et paniers.

Le groupe autour des deux bêtes à cornes de boucs eut un mouvement de recul. Yan apparut à côté de Nora entre des montures qu'ils nommaient des battleurs, des chimères qui ressemblaient à des chèvres de la taille d'un cheval avec les pattes puissantes des fauves.

Typhenn claqua la langue contre son palais à l'intention de Ronan. Elle avait proposé au garçon de se joindre à eux pour honorer leurs morts avant de partir vers le temple.Ronan, au lieu de la prévenir, l'avait laissée frapper à la porte de Yan et attendre une réponse qui ne viendrait pas. Aussi intéressé et curieux était-il par leurs coutumes, Yan ferait son deuil comme il l'avait fait jusqu'à présent ; seul. S'il portait la marque, le garçon restait un étranger à leur culture.Il n'évoquait jamais son passé ni sa famille qu'il avait vu mourir sous ses yeux. Son passé et sa nouvelle vie de veilleur étaient deux sujets qu'il séparait complètement.

— Faut toujours que tu te fasses remarquer,commenta Ronan à la vue des baskets sous sa robe.

Elle lâcha aussitôt ses jupes qu'elle avait retroussées pour descendre les marches.

Il partit devant, tenant une liasse de feuillets enroulés et retenues par un ruban. Typhenn froissa son unique feuille pliée en quatre dans son poing.

Les veilleurs ne déposaient pas de fleurs devant des caveaux désertés par la vie. Les tombeaux servaient de vaisseaux vers l'Amdouat. Les âmes se trouvaient avec les étoiles,auprès de leurs pères et mères dans la contrée verdoyante. Ils préféraient confier leurs pensées par écrit, le feu se chargeait de les transmettre aux défunts.

—  Ils n'auraient rien dit en voyant tes marques, du moins, pas en face, ajouta enfin Ronan en posant la lampe devant la grange interdite.

Sans les battleurs qui martelaient les planches avec l'acharnement d'akhou néfastes, un silence pesant régnait à l'intérieur de la grange interdite. On pouvait presque entendre le vent passer entre les branches, et le vol soyeux des chauves-souris.

Lorsqu'il se pencha, elle reconnut la forme d'une arme sous son gilet informe. Ronan ne se contenterait jamais d'une seule arme. D'un simple coup d'œil, elle ne put en trouver d'autres sur lui.

Typhenn lissa sa robe qui n'en avait pas besoin,soudain trop consciente qu'elle portait du blanc. Elle ressemblait à un phare dans la nuit avec l'étoffe lisse qui étendait le cercle lumineux de la lampe à huile autour d'eux.

Ronan dévissa le verre et brûla les feuillets un à un. Il les retient jusqu'à se brûler les doigts.

Il ouvrit la bouche et tout ce qui en sortie était des informations qu'il débitait mécaniquement : les jumelles avaient perdu la trace d'Andraste. Elles surveillaient désormais Esteban. Sa protection devenait une priorité pendant que Typhenn resterait sous sa surveillance.

La fuite d'Andraste prouvait quasiment sa culpabilité. Tous les veilleurs seraient à ses trousses. Typhenn avait pensé danser de joie sur les débris des Vaugren.

Il avait choisi cet endroit reculé pour le luiannoncer, comme s'il redoutait qu'elle déclenche une scène.

— Je suis désolée, fut tout ce qu'elle trouva à dire.

Il leva les yeux vers elle, les sourcils froncés.

—  Ne le sois pas. J'ai essayé de...,Ronan prit appui sur ses jambes repliées, la page qu'il tenait se froissa. Il existe un document pour consulter les dieux. D'après Orlène, il lui a été volé il y a quinze ans. J'ai voulu croire qu'il n'aurait pas pu faire de mal à Essie. Mais... je m'attendais à quoi ? On se complaît tous dans ce passé glorieux et la violence. Ce n'est pas comme ça que nous survivrons. Il s'arrêta abruptement, fixant un point dans le vide.

La porte d'AkerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant