Chapitre 4 - Le visiteur

20 3 21
                                    

Typhenn s'impatientait sur les marches, des couteaux émoussés sous le bras. Sa tante pointait le bout de son nez à intervalle régulier, vérifiant si elle avait bougé, ou peut-être qu'elle surveillait si sa nièce se décidait à faire le mur.

Titus tardait à la rejoindre. Il avait promis de l'entrainer tous les jours. Elle ne supportait pas le silence qui descendait de sa chambre. Sauf qu'elle n'avait pas prévu que le faire sortir de sa tour serait comme flirter avec un cauchemar. Prenant une grande inspiration, elle finit par tambouriner à sa porte sans serrure. Rafe l'avait démontée depuis la première crise. Elle pouvait encore entendre les hurlements de Titus raisonner dans l'escalier alors qu'il détruisait sa chambre. Rafe n'avait pas hésité. Il avait poussée Typhenn hors du passage et avait enfoncé la porte pour découvrir Titus adossé au pied du lit, au milieu des échardes colorées de guitares éclatées sur sa commode. Depuis, quand le silence lui répondait, elle craignait de pousser la porte encore fissurée. Un mauvais souvenir parmi tant d'autres. Cela faisait un peu plus de quatre ans.

Titus ouvrit la porte pieds nus. Son tricot de la veille, froissé et enfilé à l'envers, montrait ses coutures. Il se frotta les yeux en bâillant.

Elle le tira hors de sa chambre, força une épée dans une main et une tasse de café dans l'autre et tourna les talons. Il la suivit lentement jusqu'à la cave, descendant lourdement les marches, les yeux toujours fermés.

La cave avait été aménagée en espace confortable, tous les cartons et les vieux meubles poussés contre les murs, un canapé couvert d'un drap dans un coin. Typhenn avait déroulé de vieux tapis poussiéreux dénichés çà et là. Posées sur des cartons couverts de draps, des vieilleries à tête
animale les observaient. Leurs yeux vides réveillèrent le souvenir de l'akhou dans la chambre malsaine. La douleur dans son poignet se fit plus vivace.

Titus vida sa tasse d'un trait. Il s'échauffa, procédant à quelques moulinets rapides. Sa nuque craqua. À son tour, il se mit en position sur les tapis.

Ils passèrent en revue toutes les postures. Titus pouvait mélanger les attaques et les enchaînements en glissant une feinte sournoise au milieu. Ses mouvements suivaient une certaine rigueur, une harmonie dans sa façon de bouger. Il dansait en suivant un arrangement musical bien coordonné. En le connaissant, ou en se montrant assez attentif, ce qu'il voulait imprévisible devenait évident. Typhenn parvenait à repousser tous ses assauts.

Elle avait beau lui demander d'accélérer,d'être plus vicieux, Titus ne se le permettait pas. S'il prenait la lutte au sérieux, il craignait de reperdre le contrôle à chaque instant.

Typhenn voulait prouver sa valeur à son clan,mais rien ne semblait jamais assez. Elle, plus que tout autre devait les impressionner.

Lorsque le portable de Titus sonna, ils étaient tous deux en nage, assourdis par le chant du métal. Il évita la lame en reculant d'un pas chassé. L'appel fut bref, Rafe le réclamait. Titus s'excusa de l'abandonner et s'empressa de rejoindre son frère.

Les oreilles sifflante et seule, Typhenn ne pouvait plus se cacher les tremblements de sa main droite. Elle huila les couteaux avec minutie puis les rangea dans leur mallette aux bords renforcés de fer rouillé.

Sa tante l'attendait, une tasse fumante entre les mains. Deux chandelles brûlaient tranquillement sur le buffet.

— Paul n'est pas encore rentré ? demanda Typhenn en se dirigeant vers la cuisine.

— Si, il a dit qu'il se doucherait avant de prendre son tour de garde. Il ne voulait pas que tu utilises toute l'eau chaude, plaisanta Lise.

Donc sans surprise, Rafe ne prendrait pas son tour de garde à la suite de Titus.

La porte d'AkerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant