— Typhenn d'Alexandrie! à son nom, Typhenn ploya un genou, son sabre dans le dos. Le lien tendu rendait tout mouvement pénible à exécuter. Doté de la parole des dieux, je jugerai si tu es digne d'être présentée aux dieux.
Son épée à présent porteuse de la parole divine, Ronan décrivit un moulinet et présenta son sabre face à lui, la lame reposant sur ses paumes.
Depuis le temps qu'elle attendait de pouvoir entrer dans le clan. Typhenn n'osait pas regarder autour d'elle,de peur que sa frénésie se transforme en honte en croisant les yeux de son vrai maître. Lorsque l'occasion trop parfaite de détourner l'attention s'était présentée, elle l'avait saisi.
Se soumettant au jugement divin, Typhenn se positionna en garde basse. Immédiatement imité par Ronan. Il ne lui ferait aucun cadeau. Elle se força au calme. L'adrénaline lui rougissait les joues, alors que rien n'avait commencé. Elle devait se concentrer sur l'instant présent.
Un homme descendit sur le sable, le bout de ses doigts ne dépassait pas de sous les longues manches. Il tendit une main tremblante et Typhenn lui donna son kriss. De son autre main, le prêtre lui traça rapidement un scarabée sur son front. Il suivit le ruban, s'arrêta à la moitié, et le planta dans le sable avec le kriss. La lame perça le tissu sans le déchirer.
Les tambours recommencèrent à résonner.
Un médjaï conduisit le vieil aveugle hors de l'arène.
Alors l'apprenti et le maître commencèrent à se tourner autour, jugeant l'adversaire. Les dagues tremblaient sous la pression. Le lien tendu à l'extrême se déchirait lentement.
Lors de sa révélation, Ronan avait prouvé à tous qu'il comptait parmi les plus fines lames en battant son maître devenu médjaï. Ce jour-là, seules des gouttes de sueur avaient arrosé le sable. Il n'avait accepté aucun défi depuis ce jour.
Mais, Typhenn avait déjà vu Ronan s'entraîner.Elle possédait l'avantage de pouvoir prétendre connaitre ses failles. Elle l'avait observé s'acharner pendant des heures à surpasser ses faiblesses. Elle avait retenu et reproduit chaque botte, chaque pas de dance. Typhenn lui accorda donc le temps de l'observer, autant de temps qu'elle pouvait mettre à profit pour le tromper en imitant des jambes mal assurées, ou une garde plus faible à droite.
Les derniers fils se déchirèrent. Elle attendit une respiration et frappa. Les lames s'entrechoquèrent. Des étincelles d'or ricochèrent sur les grains rouges.
Sourde aux exclamations, Typhenn n'entendait plus que le choc des sabres.
Ronan la laissa instaurer le rythme. Très vite,il accéléra, attaquant les points faibles qu'elle lui avait montrés.
Typhenn en profita, une fraction de seconde suffit. Le temps d'une inspiration, elle libéra sa main gauche et plaça une passe sournoise. Sa paume toucha l'oreille de Ronan, le déséquilibrant quelques secondes. Il enfonça ses pieds dans le sable, dévia le poing qui visait son estomac. Ses yeux vairons s'étrécirent en comprenant qu'elle le menait en bateau. Rafe avait habitué Typhenn au changement soudain de cadence. Elle devait pouvoir surprendre son adversaire, car un duel qui s'éternisait tournerait à son désavantage.
Comme pour répondre à sa grimace insolente, il se mut plus vite qu'elle ne crut possible. Ronan pivota, visant à faucher ses appuis, et aussitôt, se fendit. Elle évita son sabre,trop tard, il trancha juste. Une fleur écarlate et chaude fleurit sur la manche alors que Typhenn battait rapidement en retraite dans une semi-roulade. Elle retient son souffle. Ronan savait qu'il venait de verser le premier sang. Un repli cachait la coupure, la tache sombre qui colorait le tissu noir de sa manche restait invisible à l'œil des témoins.
Le duel pouvait se terminer, ici et maintenant.
Ronan se repositionna en garde. Il n'en avait pas fini avec elle.
Typhenn ne gâcherait pas cette seconde chance,même sans l'avantage de la surprise.
Une respiration. Elle se repositionna.
Ils ne joueraient plus au chat et à la souris.
Ils bougeaient si vite que le sable s'écartait révélant les motifs dissimulés sur la dalle de pierre en dessous.Le monde autour d'eux devenait une masse floue éclairée par les étincelles des lames. Les grains en suspension dans l'air lui piquaient les yeux et lui grattaient la gorge.
Deux respirations. Typhenn perdait du terrain.
Trois respirations.
Ronan augmenta la pression, maintenant les sabres croisés entre leurs visages. Typhenn ne possédait pas la force de le repousser.
— Quelques peintures tribales ne te changeront pas, commenta Ronan d'une voix égale que seule Typhenn pouvait entendre. Triche autant que tu voudras, ta place n'est pas ici.
D'un coup d'œil, elle vit que sa manche déchirée révélait un infime morceau de peau noire.
— La preuve que si, Typhenn se rapprocha des lames le temps de lui murmurer une réponse, mes os résistent à tes attaques, non ? Une bravade comme une autre. Typhenn les sentait grincer et s'entrechoquer à chaque impacte contre le métal. Maîtriser les tremblements de son poignet réclamait toute sa concentration. Et je peux faire ça, ajouta-t-elle avant de détendre ses bras. Au lieu de repousser sa force brute, elle porta tout son poids sur une jambe et pivota.
Le glaive de Ronan l'effleura.
Jour après jour, on lui avait répété que ses runes ne créaient pas de miracles. En combat réel, elle ne pourrait compter que sur sa propre force, en aucun cas, elle ne devait se servir des runes comme une armure. Elles constituaient la dernière carte qui la maintiendrait en vie assez longtemps pour se mettre à l'abri.
Ronan profita de la perte d'équilibre. Il lui asséna un coup maîtrisé dans la pommette et se remit en garde.
— Tu es faible.
La tête de Typhenn partit en arrière. Une larme chaude coula sur sa joue.
— Je pourrai te briser, athama, comme on plie une brindille.
Elle essuya sa pommette d'un revers de main.
Typhenn perdit le compte de ses respirations. Elle allait lui rabattre le clapet. Avec un cri de guerre, Typhenn mit tout ce qu'elle avait pour achever le duel, toute son énergie,toute sa rage. Ronan recula sous l'assaut. Elle frappait, et frappait avec la force brute et primale de sa colère. Il n'y avait plus que le sabre dans sa main, le choc du métal contre sa paume. La lutte de sa lame contre sa sœur, jusqu'à ce qu'une des deux se brise. Ils revinrent au centre, avec son kriss entre eux.
D'une seconde à l'autre, Ronan se retrouva, devant elle, un genou à terre.
Typhenn ne pouvait plus bouger.
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La porte d'Aker
FantasyDeux millénaires d'absence n'ont pas amoindri leur loyauté. Tous sont prêts à sacrifier leurs vies pour un seul être : Pharaon. Malgré son obstination, les aînés de Typhenn lui refusent sa place parmi les gardiens du roi disparu. Et les dieux n'ont...