Sphranch - part7

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Kieran pivota alors qu'elle saisissait l'akhamé glissé à sa ceinture. Des larmes grises ruisselaient sur ses joues noires de suie. Son sourire ne quittait pas ses lèvres. Cela aurait pu être le plus beau jour de sa vie.

— Tiffany, la salua Kieran tout sourire en sautant de la tour sur le toit.

Typhenn ne releva pas l'erreur. Retenir les noms de plus de deux syllabes constituait un exploit au-dessus de ses capacités. Les manches retroussées de Kieran dévoilaient Kehou le génie masculin du couple des ténèbres écrit sur ses bras. Sur l'autre, il avait encré son allégeance à Sekmet, la déesse tigre des massacres, et son alter ego bienveillant : la déesse Hathor.

Du lait aurait été utile, finalement.

À chaque rencontre, Typhenn se souvenait de l'adoration que les veilleurs montraient aux jumeaux. Plus qu'un symbole de chance, une double naissance était le principe de dualité prenant vie, un cadeau des dieux aux veilleurs. Un grand avenir ne pouvait que les attendre. Les Césaire avaient embrassé cette nature pseudo divine avec une conviction quasi fanatique, nourrie par la violence qui battait dans leur veine. Typhenn supposait que le grand-père Vaugren avait choisi de prénommer une de ses filles par un prénom mixte pour prétendre avoir eu un garçon, et renforcé cette dualité.

— Ton maître a relâché ta bride, Kieran ?

Son petit sourire s'effaça. Les jumeaux n'appréciaient pas qu'on leur rappelle qu'ils ne restaient que des sous-fifres. Lui, un élu de Sekmet, on ne le jugeait pas assez compétent pour diriger des hommes. Il devait se contenter des Vaugren. Il cracha, puis son sourire revint, dévoilant toutes ses dents. Typhenn en eut des sueurs froides, elle avait dû appuyer un peu trop fort sur la corde sensible.

— On pardonnera au chien de donner une leçon à l'avorton.

Kieran dégaina un kriss méchamment dentelé d'un côté. Le type d'arme que Ronan n'autorisait certainement pas à traîner derrière son dos. Il comptait souiller une lame sacrée ?pensa Typhenn. Elle se mit en garde, fléchit les genoux, assurant ses appuis sur le toit glissant.

— Mon maître n'a pas précisé dans quel état il te voulait.

Typhenn tiqua. Elle n'avait jamais entendu Ronan se faire appeler maître. La loyauté devait être une notion assez flexible chez les Césaire.

Kieran sortit un outchébit taillé dans le bois.

D'un mot, il enflamma l'outchébit et le lança sur elle. Au lieu de glisser sur le toit, la figurine traversa l'ardoise avec la force d'un boulet de canon. Typhenn tomba à sa suite, l'ardoise brisée déchira ses vêtements, sa peau. Elle atterrit lourdement à côté du lit de Rafe.

Le feu prenait vie à une vitesse surnaturelle,comme arrosé par de l'huile. Il grimpait déjà aux rideaux et sur les murs. Kieran allait les rôtir tous les deux avec un sourire aux lèvres. Si elle pouvait mettre la main sur l'outchébit, elle en prendrait le contrôle.

La commode en proie aux flammes commença à vibrer et à cracher son contenu coloré. Kieran se penchait par-dessus le trou, hilare. Alors, Typhenn s'aperçut que les flammes bleues qui dévoraient le lit se dépliaient, formant des bras et des jambes. Les couvertures flottaient dans son dos. En jurant, elle tira sur les poignées en fonte de la commode, forçant dessus malgré qu'elles lui brûlaient les doigts. Elle lança le tiroir et son contenu sur la face sans visage. Le golem grogna. Sans attendre, Typhenn se précipita sur la porte qu'elle referma derrière elle. Une détonation la secoua sur ses gongs. Le golem cognait de tout son poids contre le panneau de bois. Elle n'avait fait que l'énerver. Le second choc la propulsa vers l'escalier.Elle dévala les marches glissant avec les débris de bois.

La porte d'AkerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant