Démons - part5

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Ronan n'eut pas à remonter sa trace. Le corbeau albinos décrivait des cercles et s'agitait dans les branches.

Une dépouille minuscule reposait à quelques pas des ruines. Ils auraient dû la sentir plus tôt, même avec un vent contraire. Le corps blême couvert d'entailles et envahi par les mouches ne ressemblait plus à un enfant.

— Qu'est-ce qui a pu faire ça ? demanda Yan, levant les yeux vers Ronan en quête de réponses. Il se couvrait le nez de sa manche.

Des lignes de pierres noires, un peu plus grosses que des perles, volcaniques, poreuses et encore tièdes se suivaient autour du cadavre, comme une piste.

Ronan se releva avec un mauvais pressentiment.

— Orlène nous a demandé de chasser un èitighe teine. Un démon du feu, si tu préfères, qui a élu domicile dans le temple.

Yan n'avait pas besoin de connaître les détails. Il ne s'occuperait que de la distraction. Ronan préférait autant que possible éviter une répétition de la scène avec Kieran en lui révélant la véritable nature de la créature.

—  Ce démon l'aurait tué pour le manger dans son nid ?

L'enfant n'aurait pas dû se trouver si loin des forts. Pourquoi sa disparition n'avait-elle pas été signalée à Orlène ? Il repéra des empreintes animales et de nombreuses traces de présence humaine. Ils perdraient peut-être des heures à remonter la piste.

— Non, les èitilighe ne dévorent pas les humains, ils se nourrissent de la terre.

Le corbeau sautait en tous sens et croassait un avertissement à répétition.

Ronan remarqua seulement que la pluie s'était arrêtée. L'èitighe allait sortir, attiré par l'odeur du sang. Finalement, il n'aurait pas besoin de trouver un appât ni d'attendre la nuit. Il tira des flèches rouges qu'il planta devant Yan, puis lui en tendit quelques-unes à encocher.

— La pointe granulée des rouges produisait de petites déflagrations. Reste à l'écart, et commence à tirer dans l'eau lorsque je dégainerai, tir uniquement dans l'eau pour l'empêcher de fuir. Ça va l'énerver, mais continue. Reste à l'écart, insista-t-il. Et surtout quoiqu'il arrive, ne le touche pas avec les rouges.

Reste assez loin, tu ne verras pas son visage humain.

L'eau qui recouvrait le sol était la raison pour laquelle il devait l'abattre dans le temple. Elle lui conférait un avantage non négligeable sur le terrain.

Ronan s'avança à découvert entre les pierres,traversant lentement les mares vertes. Il encocha sa première flèche, une empenne blanche. Le soleil bas coupait les troncs de la rive en deux, entre lumière et obscurité. Il entendait le clappement de l'eau sur la pierre, et le crépitement des braises sur la pierre humide.

L'èitighe approcha d'une démarche traînante, une femme d'une trentaine d'années, le dos vouté et le souffle saccadé.

La crasse et la boue recouvraient le roux de ses cheveux. Sa jupe ample déchirée en lambeaux montrait des jambes osseuses et noires. À l'instar de ses bras, un liquide visqueux et corrosif coulait comme des veines enflammées sur la peau carbonisée de ses jambes.

En sentant sa présence, elle leva enfin des yeux injectés de sang, les fixant sur Ronan, une ombre de plus entre les colonnes se dressant en lignes noires contre le ciel indigo.Lorsqu'il banda son arc, elle feula. Un son animal qui n'avait plus rien d'humain. Il décocha sa flèche. Elle n'était qu'à quelques pas, trop près pour qu'il la loupe. Elle évita le trait avec une grâce surnaturelle. La deuxième flèche ne l'effleura pas plus que la première.

La porte d'AkerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant