Tout était arrivé trop vite.
Typhenn ne pouvait plus bouger.Une deuxième coupure venait s'ajouter à la première sur son épaule.
Les mains liées par les rubans et maintenues parles deux sabres croisés dans le sol. Le sable craquait sous ses dents. Typhenn n'avait rien vu venir.
Elle avait perdu.
Ronan lui tournait le dos, face aux trois aveugles.
Un silence assourdissant suivit le brouhaha de la foule. Typhenn ne s'aperçut des cris que lorsque le silence les remplaça. Elle n'entendait plus que sa respiration rauque, et son cœur qui martelait sa poitrine. Que s'était-il passé ? Elle se força au calme. Une goutte de sueur coula le long de sa tempe, se mêla au sang puis se perdit dans le rouge du sable. Sa transpiration piquait ses blessures.
Elle avait perdu.
Mais Typhenn ne passerait pas la porte de sa maison autrement que la tête haute.
Elle ne broncha pas lorsque le porte-parole des vénérables s'avança. Les prêtres n'avaient pas de hiérarchie.Cette fois, un homme d'une trentaine d'années à la mâchoire carrée disproportionnée sur son cou mince se détacha du groupe. La vie de guerrier lui avait laissé des épaules larges, mais sans force. Elle ignorait son nom. Ses hommes et femmes de tout âge formaient une unité. Un seul être, une seule voix. Derrière leurs voiles de perles, le nom n'avait plus d'importance.
Le prêtre fit signe à Ronan de se redresser.
— Maître, appela le prêtre, présente-toi sous nos yeux, que les dieux puissent savoir qui tu es, sa voix résonnait de façon étrange, un grondement qui ricochait contre les murs, se transformant en multitude.
À travers leurs yeux aveugles, les dieux pouvaient contempler le monde, et tout voir. Cette connexion existait depuis la rupture, depuis que les veilleurs avaient enfermé les dieux dans l'Amdouat, le monde spirituel, et préservait l'équilibre rompu par l'absence de Per-aâ. Les vénérables exerçaient toujours leur fonction, malgré le silence des dieux. Ils gardaient espoir que leurs voix les atteignent un jour.
Ronan se releva. Il n'avait pas versé une goûte de sueur.
— Je représente la maison Shas-hotep, Ronan Vaugren. Et voici Typhenn d'Alexandrie, cachée aux yeux des dieux.
— Ronan Vaugren, quel jugement rendras-tu sur cette enfant sans peuple ? l'interrogea l'homme. Le rideau de perles qui couvrait ses yeux se balançait au mouvement de sa tête. Typhenn ne pouvait pas dire si l'homme qui se tenait en avant parlait, ou si un autre prêtre s'exprimait à sa place.
Elle retient sa respiration, suivant le mouvement lent des inspirations de Ronan.
— Elle n'est pas prête à être révélée aux dieux.
Invisible, Typhenn le resterait. L'ombre des yeux de Rafe le lui faisait comprendre qu'elle était la seule responsable. Lorsqu'elle s'aperçut qu'elle s'était tournée vers lui en quête de soutien, elle se détourna, préférant la vision de la foule, de ces hommes et femmes aux visages inconnus.Leurs jugements lui importaient peu.
— Ainsi soit-il. Enfant sans peuple, les dieux ne sont pas impressionnés. Redresse-toi, ou reste à jamais invisible dans l'ombre, loin de la lumière révélatrice de Per-aâ.
Typhenn avala difficilement sa salive au goût métallique. Elle fit de son mieux pour ne pas réagir à l'insulte.Seulement une de plus, elle devait couler sur elle, ne pas la laisser l'atteindre.
Elle retenterait sa chance, et cette fois avec Rafe. Il l'accepterait dans le clan, même avec une défaite. Lui ne l'abandonnerait pas dans l'obscurité. Il révélerait son nom aux dieux. Il avait promis. Elle se répétait ce mensonge, mais ne retrouvait plus le calme qui l'habitait avant le duel.
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La porte d'Aker
FantasyDeux millénaires d'absence n'ont pas amoindri leur loyauté. Tous sont prêts à sacrifier leurs vies pour un seul être : Pharaon. Malgré son obstination, les aînés de Typhenn lui refusent sa place parmi les gardiens du roi disparu. Et les dieux n'ont...