Sa montre indiquait dix-sept heures lorsque Typhenn déverrouilla la porte, le verrou métallique résonna dans la salle close. Sur la suggestion de Yan, ils se mêleraient aux travailleurs et aux étudiants qui rentraient chez eux.
— Je peux te montrer comment disparaître,c'est plus simple qu'il n'y paraît, souffla Yan dans son dos,comme s'il craignait que le croque-mitaine caché derrière la porte lui saute dessus.
Elle jeta d'abord un œil, puis l'ouvrit doucement en grand.
Ronan apparut dans la lumière artificielle, une lueur un peu folle dans les yeux. Cela ne la surprenait pas qu'il s'obstine à transformer sa vie en cauchemar.
— As-tu oublié que je connais cette maison comme ma poche ? J'étais un ami de Rafe.
Typhenn lâcha un soupir excédé. En effet, elle préférait oublier ce détail. Ronan aurait pu repousser Typhenn qui lui barrait le passage sans battre un cil. Pourtant, il se contenta de se détacher du mur, restant à distance sans décroiser les bras.
— Athama, il y a très peu de personnes à qui j'accorde ma confiance, n'ayant pas l'habitude de s'expliquer, Ronan produisait un effort considérable pour conserver son calme. Il pensait, les autres exécutaient. Tu n'as pas compris alors je vais être plus clair. Andraste est proche des sages depuis plus longtemps que moi. Mes chasseurs l'admirent et lui sont fidèles. Si ce n'est toujours pas limpide, je vais te le résumer. Les veilleurs se sont ligués contre vous. Et les Chepesou ne font rien en espérant qu'une tête de Turc calmera les tensions. Tu veux le coupable pour innocenter les Alexandre, je le veux pour obtenir justice. Tu as toutes les raisons de douter de mon honnêteté. Mais je peux t'assurer que sans moi, vous ne quitterez pas la ville, finit-il les dents serrées.
Il ne bougeait pas d'un pouce, certain d'avoir raison. Convaincu que sa proposition raisonnable la ferait fléchir.
Yan se redressa de toute sa hauteur et remarqua le sous-sol étrangement vide.
— Où sont tes minions ? Tu en auras besoin si tu veux nous arrêter.
En effet, aucun de ses hommes n'attendait ses ordres. Pourquoi était-il seul ? Elle n'arrivait pas à trancher si Ronan voulait faire preuve de bonne foi, ou s'il lui tendait un piège.
Ronan lui lança des éclairs. Il n'avait besoin de personne pour s'occuper d'eux.
— J'ai éloigné les autres.
— Si je comprends bien, tu me proposes vraiment de faire équipe, demanda prudemment Typhenn. On partagera tout ? Tu ne me cacheras plus rien ?
Il hocha simplement la tête, attendant qu'elle le laisse enter.
Ils ne pourraient rester éternellement ainsi à se regarder. Ronan venait de se montrer relativement ouvert, si elle considérait son caractère. Ce geste était pour lui, l'équivalent d'un câlin de la paix.
Finalement, elle recula pour qu'il puisse entrer,
Ronan désigna les feuilles étalées autour du parchemin sur les dalles blanches.
— Je suppose que tu n'as pas réussi à en tirer un mot.
— C'est un sort requérant plusieurs sacrifices, et aussi une fraction du livre des morts, grommela Typhenn, révélant le peu qu'elle en avait tiré.
— Certes, vu la situation, Yan aurait pu m'en dire autant, souligna Ronan d'un ton condescendant en avançant dans la salle.
Typhenn recula en miroir, cédant du terrain à contre cœur. Il déroula le parchemin et d'un simple coup d'œil,leur en apprit plus.
— Il s'agit d'amincir la matière qui sépare l'Amdouat de notre monde pour faire traverser un être puissant. Il fait mention de plusieurs éléments, dont la nécessité d'un hôte puissant. Mais il ne contient pas le sort à proprement parler. Il mentionne juste son existence dans le Livre des artisans.
— Ce livre n'existe pas ! Typhenn s'apprêta à continuer sur sa lancée, puis elle réfléchit à toute vitesse.
Un sortilège séparait le monde terrestre de l'Amdouat, comme un filet qui laissait passer les petits poissons.Ouvrit l'Amdouat signifiait écarter les liens que leurs ancêtres et des druides avaient tissés ensemble. Le filet retenait les dieux, qui sans leur berger recommenceraient à régner sur terre. Serait-il possible d'ouvrir la porte scellée à triple tour de la prison ? Cette idée remuait une peur très ancienne enfouie au fond d'elle.
Personne ne devrait se servir de la magie perdue destinée à Per-aâ.
— Donc, ils massacrent pour invoque rune sorte de démon, résuma Yan, incrédule.
— Un dieu, un démon, cela dépend sur quelle religion se base ton point de vue. Si on parle d'un esprit moyen, il faudrait faire passer une grosse quantité d'énergie pour créer une enveloppe, ce qui prendrait un temps considérable. (Ronan replia le parchemin et le rangea dans son étui. Il en avait vu assez.) La donnée la plus importante n'est pas le nombre de victimes, contrairement à ce que les assassins veulent nous faire croire. Depuis le début, ils dissimulent les véritables cibles dans la masse. Presque toutes les familles attaquées avaient des enfants. Plus précisément les derniers nés. (Il se rapprocha de Typhenn,comme si elle n'en avait pas pris conscience, il insista.) Étant la dernière née des Alexandre, tu es une des prochaines cibles.
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La porte d'Aker
FantasyDeux millénaires d'absence n'ont pas amoindri leur loyauté. Tous sont prêts à sacrifier leurs vies pour un seul être : Pharaon. Malgré son obstination, les aînés de Typhenn lui refusent sa place parmi les gardiens du roi disparu. Et les dieux n'ont...