Ce qui lui avait paru un vieux corps de ferme hanté devenait de jour un petit village vivant. Des oiseaux volaient en tous sens, se nichant dans les toitures. Les racines de l'arbre penché, qui avait été couvert d'écharpes colorées comme pour lui tenir chaud durant l'hiver, soulevaient les pierres d'un mur.Une paire de chaussures se balançait dans ses branches griffues. Un groupe d'adolescents plus âgés trainaient des pieds en bâillant,les voix se muèrent en chuchotement lorsqu'ils remarquèrent sa présence. Elle essaya de tendre l'oreille, mais leur échange resta une conversation incompréhensible et hostile.
Yan revint tranquillement quelques minutes plus tard, les poches débordant de petits pains qu'il venait de dérober, Amon seul savait où.
Alors qu'ils cherchaient un endroit à l'abri des yeux pour déguster leur méfait. Ils trouvèrent Orlène sur un rocher à côté d'un verger aux branches pliées par ses fruits. Les deux corbeaux brodés sur son châle prenaient leur envol dès qu'elle levait les bras vers le ciel. Elle chantait une litanie montante et descendante sur un tempo de sa connaissance. Elle tournait et se prosternait sans interrompre sa danse qui la reconduisait immanquablement vers le soleil levant.
Plus Typhenn l'observait, plus elle lui rappelait avec amertume l'ouverture des temples, un rite quotidien qui permettait au soleil de vaincre la nuit jour après jour. Ce rite n'avait pas été abandonné, contrairement à beaucoup d'autres.Alors qu'ils rebroussaient chemin discrètement, cette vision dérangea Typhenn plus que de raison.
Yan se dirigea vers la tour qui s'élevait derrière le bâtiment principal. Les hauteurs ne manqueraient par d'offrir une vue imprenable sur toute la ferme. Cela n'aurait pas dû étonner Typhenn qu'il veuille se rapprocher du ciel.
Malgré les pierres noires et froides, le soleil chauffait l'air derrière les vitres, laissant planer une douce tiédeur à l'intérieur. On pouvait déjà sentir la différence sur le seuil. Partout, il y avait des bouquets d'herbes séchées qui, suspendus au-dessus des fenêtres, diffusaient leurs parfums :thym, romarin, menthe, saule. Parfois accompagnés d'un petit pot de sel et d'un bocal de dent-de-lion.
Un oiseau volant trop bas les obligea à se baisser pour éviter ses serres. Une fillette le suivait, la respiration bruyante. Elle lui criait de lui rendre ses affaires. Le son de ses petits pas précipités résonna longtemps dans le couloir.
Après l'escalier en colimaçon plongé dans le noir, la forte lumière qui régnait dans la tour éblouit Typhenn.La tour devait être un grenier aménagé en bibliothèque.Cependant, elle ressemblait plus à une remise sale et chaotique.
Au centre de la pièce circulaire, des mouches tournaient, formant un tunnel parfaitement ascendant qui jamais ne se croisait. On pouvait toujours remarquer les poulies rouillées fixées aux poutres. Des marques blanches couvertes de duvet maculaient les poutres et les fenêtres inaccessibles.
Les druides se faisaient un plaisir d'accumuler le savoir, même pour le laisser tomber en poussière sans prendre la peine d'y mettre de l'ordre. Les étagères branlantes, rongées par les mites, menaçaient de s'écrouler si jamais un des ouvrages patinés par l'usage venait à être extrait des rayons. Un essai de Toth et les pouvoirs du fleuve primordial en haut d'une pile étaient rangés à côté d'un recueil de poèmes des Chants du nouvel empire. Tout ce savoir des veilleurs perdu en échange de quelques faveurs. Sans être interdite, cette pratique de troc restait très mal perçue.
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La porte d'Aker
FantasyDeux millénaires d'absence n'ont pas amoindri leur loyauté. Tous sont prêts à sacrifier leurs vies pour un seul être : Pharaon. Malgré son obstination, les aînés de Typhenn lui refusent sa place parmi les gardiens du roi disparu. Et les dieux n'ont...